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aimable, je vous conjure tous de respecter avec tremblement ce qui s'appelle un rhumatisme; il me semble présentement que je n'ai rien de plus important à vous recommander. Voici le frater qui peste contre vous depuis huit jours de vous être opposée à Paris au remède de M. Delorme.

MONSIEUR DE SÉVIGNÉ.

Si ma mère s'était abandonnée au régime de ce bonhomme, et qu'elle eût pris tous les mois de sa poudre, comme il le voulait, elle ne serait pas tombée dans cette maladie, qui ne vient que d'une réplétion épouvantable d'humeurs; mais c'était vouloir assassiner ma mère, que de lui conseiller d'en essayer une prise; cependant ce remède si terrible, qui fait trembler en le nommant, qui est composé avec de l'antimoine, qui est une espèce d'émétique, purge beaucoup plus doucement qu'un verre d'eau de fontaine, ne donne pas la moindre tranchée, pas la moindre douleur, et ne fait autre chose que de rendre la tête nette et légère, et capable de faire des vers si l'on voulait s'y appliquer. Il ne fallait pourtant pas en prendre. Vous moquez-vous, mon frère, de vouloir faire prendre de l'antimoine à ma mère? il ne faut seulement que du régime, et prendre un petit bouillon de séné tous les mois : voilà ce que vous disiez. Adieu, ma petite sœur : je suis en colère quand je songe que nous aurions pu éviter cette maladie avec ce remède, qui nous rend si vite la santé, quelque chose que l'impatience de ma mère lui fasse dire. Elle s'écrie O mes enfants, que vous êtes fous de croire qu'une maladie puisse se déranger! ne faut-il pas que la Providence de Dieu ait son cours? et pouvons-nous faire autre chose que de lui obéir? Voilà qui est fort chrétien; mais prenons toujours, à bon compte, de la poudre de M. Delorme.

MADAME DE SÉVIGNÉ

A SA FILLE.

Il me semble, ma chère enfant, que j'ai été traînée malgré moi à ce point fatal où il faut souffrir la vieillesse; je la vois, m'y voilà! et je voudrais bien au moins ménager de ne pas aller plus loin, de ne point avancer dans ce chemin des infirmités, des douleurs, des pertes de mémoire, des défigurements qui sont près de m'outrager; mais j'entends une voix qui dit : Il faut marcher malgré vous; ou bien, si vous ne voulez pas, il faut mourir, qui est une autre extrémité à quoi la nature répugne. Voilà pourtant le sort de tout ce qui avance un peu trop; mais un retour à la volonté de Dieu, et à cette loi universelle qui nous est imposée, remet la raison à sa place, et fait prendre patience. Prenez-la donc aussi, ma très-chère, et que votre amitié trop tendre ne vous fasse point jeter des larmes que votre raison doit condamner.

MADAME DE LA FAYETTE

A Mme DE SÉVIGNÉ.

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Voici ce que j'ai fait depuis que je vous ai écrit. J'ai eu deux accès de fièvre; le lendemain je me mets à table. Ah! ah! j'ai mal au cœur; je ne veux point de potage. Mangez-donc un peu de viande. Non, je n'en veux point.— Mais vous mangerez du fruit. Je crois qu'oui. - Eh bien, mangez-en donc. Je ne saurais, j'en mangerai tantôt; que l'on m'ait ce soir un potage et un poulet. Voici le soir. Voilà un potage et un poulet.-Je n'en veux point; je suis dégoûtée; je m'en vais me coucher; j'aime mieux dormir que de manger. Je me couche, je me tourne, je me retourne, je n'ai point de mal, mais je n'ai point de sommeil aussi : j'appelle, je prends un livre, je le referme; le jour vient, je me lève, je vais à la fenêtre; quatre heures sonnent, cinq heures, six heures; je me recouche, je m'endors jusqu'à sept; je me lève à huit; je me mets à table à douze, inutilement comme la veille; je me remets dans

mon lit le soir, inutilement comme l'autre nuit. Êtes-vous malade! Nenni. Je suis dans cet état trois jours et trois nuits; je redors présentement, mais je ne mange encore que par machine, comme les chevaux, en me frottant la bouche de vinaigre: du reste, je me porte bien, et je n'ai pas si mal à la tête. Je viens d'écrire des folies à M. le duc; si je puis, j'irai dimanche à Livry, pour un jour ou deux. Résolvez-vous, ma belle, de me voir soutenir toute ma vie, à la pointe de mon éloquence, que je vous aime plus encore que vous ne m'aimez. Adieu, je suis bien en train de jaser; voilà ce que c'est que de ne point manger et de ne point dormir.

MADAME DE MAINTENON

A MADAME D'AUBIGNÉ, SA BELLE-SOEUR.

Vous croirez bien, ma chère sœur, que je connais Paris mieux que vous. Dans ce même esprit, voici un projet de dépense tel que je l'exécuterais, si j'étais hors de la cour. Vous êtes douze personnes, monsieur et madame, trois femmes, quatre laquais, deux cochers, un valet de chambre.

1. S.

Quinze livres de viande à 5 sous la livre.... 3 15 Deux pièces de rôti..

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2

10

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Je compte quatre sous en vin pour vos quatre laquais et vos deux cochers; c'est ce que Mme de Montespan donne aux siens. Si vous aviez du vin en cave, il ne vous coûterait pas trois sous. J'en mets six pour votre valet de chambre, et vingt pour vous deux qui n'en buvez pas pour trois,

Je mets une livre de chandelle par jour, quoiqu'il n'en faille qu'une demi-livre. Je mets dix sous en bougie; il y en a six à la livre, qui coûte une livre dix sous et qui dure trois jours. Je mets deux livres pour le bois. Cependant, vous n'en brûlez que trois mois de l'année, et il ne faut que deux feux.

Je mets une livre dix sous pour le fruit; le sucre ne coûte qu'onze sous la livre, et il n'en faut qu'un quarteron pour une compote.

Je mets deux pièces de rôti. On en épargne une quand monsieur ou madame soupe ou dîne en ville. Mais aussi j'ai oublié une volaille bouillie pour le potage.

Nous entendons le ménage. Vous pouvez bien, sans passer quinze livres, avoir une entrée, tantôt de saucisses, tantôt de langues de mouton ou de fraises de veau, le gigot bourgeois, la pyramide éternelle et la compote que Vous aimez tant.

Cela posé, et d'après ce que j'apprends à la cour, ma chère enfant, votre dépense ne doit pas passer cent livres par semaine. C'est quatre cents livres par mois. Posons cinq cents, afin que les bagatelles que j'oublie ne se plaignent point que je leur fais injustice: cinq cents livres par mois font:

Pour votre dépense de bouche....
Pour vos habits...

6,000 liv.

1,000

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Tout cela n'est-il pas honnête? et le reste de votre revenu ne peut-il suffire à certains extraordinaires qu'on ne peut prévoir ou éluder, comme quelques grands repas, l'entretien de deux carrosses, l'acquit de quelque petite dette?— Adieu, mon enfant, aimez-moi comme je vous aime.

LA MARÉCHAL DE LUXEMBOURG

A LOUIS XIV.

Sire,

Vos ennemis ont fait des merveilles, vos troupes encore mieux. Pour moi, je n'ai d'autre mérite que d'avoir exé, cuté vos ordres. Vous m'avez dit de prendre une ville et de gagner une bataille; je l'ai prise et je l'ai gagnée.

LE DUC DE MONTAUSIER

A MONSEIGNEUR LE DAUPHIN, SUR LA PRISE DE PHILIPSBOURG.

Monseigneur,

Je ne vous fais point de compliment sur la prise de Philipsbourg; vous aviez une bonne armée, du canon, et Vauban. Je ne vous en fais point aussi sur ce que vous êtes brave; c'est une vertu héréditaire dans votre maison. Mais je me réjouis avec vous de ce que vous êtes libéral, généreux, humain et faisant valoir les services de ceux qui font bien. Voilà sur quoi je vous fais mon compliment.

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Je serais parti d'Inspruck pour aller recevoir vos ordres; mais un plus grand maître m'appelle, et je pars pour lui aller rendre compte d'une vie que je vous ai consacrée. Je supplie très-humblement votre Majesté de vous ressouvenir d'une femme qui lui touche d'assez près, d'enfants sans bien, et de sujets dans l'oppression.

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