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qui lui a été légué, et qu'en conséquence il ne peut être tenu d'améliorer la chose 'pour la lui délivrer; si donc il doit réparer, ce n'est que sous la condition de répéter ses impenses lorsque le légataire viendra demander la délivrance de son legs. Il est dans la même position que le vendeur qui est obligé de conserver la chose vendue jusqu'à ce qu'il en fasse la délivrance, et qui néanmoins n'est tenu de la remettre à l'acheteur qu'autant que celui-ci lui rembourse ses impenses d'entretien; prætered ex vendito agendo, consequetur etiam sumptus qui facti sunt in re distractá; ut puțà si quid in ædificia distracta erogatum est. Scribunt enim Labeo et Trebatius, esse ex vendito hoc nomine actionem (1), 1705. Pour donner plus de développement à cette décision, nous dirons d'abord qu'elle est fondée sur le principe d'équité naturelle qui ne veut pas que l'un puisse s'attribuer un avantage aux dépens de l'autre, sans qu'il y ait libéralité de la part de celui-ci; principe consacré par le code civil (555), comme par la loi ancienne (2); principe qui serait manifestement violé si l'on obligeait l'héritier à faire à ses frais et sans espoir de recouvrement, les réparations d'entretien que la loi met à la charge de l'usufruitier.

Le droit romain nous fournit plusieurs textes portant la même décision. Si, dit Ulpien, l'héritier a fait des impenses pour la conservation des biens qu'il doit restituer, il aura le droit

(1) L. 13,§. 22, ff. de actionib. empti et venditi, lib. 19, fit. I.

(2) L. 206, ff. de regul. jur.

de s'en faire rembourser, sed et ipse si quem sumptum fecit in res hæreditarias, detrahet (1). Et l'on trouve la même chose encore décidée de la manière la plus formelle, pour le cas du legs d'usufruit, par la loi 50, ff. de usufructu, que nous avons transcrite à la fin de la réponse à la question précédente, dans laquelle on voit que le jurisconsulte Paul accorde à l'héritier le droit de rétention jusqu'à ce qu'il ait été remboursé par l'usufruitier qui vient demander la délivrance de son legs.

1706. Il est donc bien constant que suivant

le prescrit de la loi romaine, l'héritier qui, depuis la mort du testateur et avant la délivrance du legs pur et simple, a fait des réparations considérables dans le fonds légué, est en droit de répéter ses impenses; que s'il s'agit d'un legs de propriété, il doit être indemnisé de toutes, dans la mesure dont le légataire en profite, parce que s'il ne les avait pas faites, elles resteraient toutes à la charge de celui-ci, qui se verrait forcé d'y pourvoir; que si ce n'est qu'un legs d'usufruit qui a été fait, le prix des réparations usufructuaires seulement lui sera dû, parce qu'elles sont les seules dont l'usufruitier soit tenu; qu'enfin, dans l'un et l'autre cas, l'héritier est en droit de retenir la chose jusqu'à ce qu'il ait reçu son indemnité: et comme cette décision de la loi romaine n'est qu'une application du principe général qui veut que personne ne

(1) L. 22, §. 3, ff. ad S. C. Trebel., lib. 36, tit. 1; vid. et 1. 19, S. 2, eod.

puisse s'enrichir aux dépens d'un autre, il faut en conclure qu'elle doit être admise encore dans la jurisprudence française.

DOUZIÈME QUESTION.

1707. Doit-on porter la même décision dans le cas du legs conditionnel que dans celui du legs pur et simple?

En d'autres termes, lorsqu'un fonds ou un droit d'usufruit n'ont été légués que sous condition, et que, pendente conditione, l'héritier a fait des réparations dans l'immeuble, le légataire qui, après l'événement de la condition, se présente pour demander la délivrance de son legs, est-il obligé, comme dans le cas de la disposition pure et simple, de tenir compte des impenses pour réparer le fonds?

faites

1708. Si nous examinons cette question suivant le système des lois romaines, nous voyons que dans le cas du fideicommis dont la restitution ne doit être faite qu'après la mort du grevé; c'est-à-dire, dans le cas du fideicommis qui n'est que conditionnel, puisqu'il faut que le substitué survive pour pouvoir recueillir, et qu'on suppose que les maisons et bâtimens compris dans la disposition viennent à être détruits par un incendie arrivé sans la faute de l'héritier, et que celui-ci les reconstruise à ses frais, le légataire substitué ne pourra, lors de l'ouverture de son droit, en demander la délivrance, sans se soumettre à tenir compte des impenses de reconstruction, telles qu'elles seront arbitrées d'après

l'état et la valeur actuels du nouvel édifice; domus hæreditarias exustas, et hæredis nummis extructas, ex causá fideicommissi post mortemt hæredis restituendas, viri boni arbitratu sumptuum rationibus deductis, et ædificiorum atatibus examinatis, respondi (1): qu'il en est de même dans le cas où les bâtimens substitués n'auraient été détruits qu'en partie, et que ce ne serait qu'une reconstruction partielle que l'héritier aurait faite, et non pas une reconstruction totale; si pars domús, quæ in diem per fideicommissum relicta est, arserit ante diem fideicommissi cedentem, et eam hæres suâ impensấ refecerit deducendam impensam ex fideicommisso constat et si sine deductione domum tradiderit, posse incerti condici, quasi plus debito dederit (2).

1709. Mais lorsqu'il ne s'agit que de simples réparations d'entretien, c'est-à-dire, de réparations usufructuaires qui ne sont qu'une charge des fruits ou de la jouissance, le légataire qui, après l'événement de la condition, vient demander la délivrance de son legs, n'est point tenu d'en rembourser les impenses à l'héritier qui les a faites; sumptus autem in reficienda domu legatá necessarios factos, petenti ci legatum cujus posted conditio extitit, non esse repetendos existi

(1) L. 58, ff. de legat. i.

(2) L. 40, S. I, ff. de condictione indeb., lib. 12, tit. 6.

mavi (1). « Encore que l'héritier, dit Ricard, >> en conséquence de la diligence qu'il est tenu » d'apporter en l'administration des biens sujets » à fideicommis, soit tenu de rendre les lieux en >> bon état, même de grosses réparations, et qu'il >> soit tenu envers le fideicommissaire du dom>> mage qui arrivera à la chose, si elle ne venait » à manquer ou à se détériorer, que faute de >> ces réparations, il ne s'ensuit pas qu'il soit >> tenu de les avancer, ni de fournir aux frais >> nécessaires pour l'administration des biens » héréditaires, sans espérance de répétition; >> d'autant que le cas du fideicommis échéant, >> il n'est que comme un simple usufruitier, >> qui n'est par conséquent obligé en son nom >> qu'aux frais et aux impenses qui sont atta>>chés à la jouissance; et pour les grosses répa>> rations et les frais qui concernent la pro>> prieté, l'héritier a droit de les répéter >> contre le fideicommissaire, ou du moins sur >> les biens de la succession: de sorte que pour » cet effet, lorsqu'il est question de faire une » dépense considérable, il peut se faire autori» ser pour prendre de l'argent à rente, vendre » les effets les plus inutiles de la succession, et >> enfin faire tout ce qu'un bon père de famille >> a coutume de pratiquer dans l'administration » de son bien; sed et ipse si quem sumptum

(1) L. 61, ff. de legat. 1; voy. aussi dans CUJAS, sur cette loi; et dans POTHIER, en ses pandectes, tom. 2, pag. 338, n.o 327.

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