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>> tuit ou force majeure, ou par vice de con>>struction, ou que le feu a été communiqué >> par une maison voisine. »>

Nous avons dit plus haut (1), que l'incendie est par lui-même un cas fortuit; que la loi Romaine le compare au naufrage de mer et à l'irruption de l'ennemi, et que notre code le met aussi au rang des mêmes accidens de force majeure, parce qu'on ne doit pas présumer que les hommes soient assez insensés pour mettre spontanément le feu à leurs maisons, ni assez insoucieux pour l'y laisser prendre quand ils peuvent y mettre obstacle: pourquoi donc le locataire est-il tenu de rechercher en outre la cause première de l'incendie, et de démontrer qu'elle ne saurait lui être imputable? C'est que l'incendie peut avoir été précédé d'une faute de sa part, et que, pour donner au propriétaire la plus grande garantie possible, les auteurs du code ont voulu que le locataire qui habite la maison louée, fût de plein droit présumé en faute, tant qu'il n'établirait pas le contraire et qu'il n'a aucun moyen de faire cette preuve, qu'en remontant à la cause occasionnelle de l'accident, si toutefois il peut la découvrir, pour faire voir qu'elle ne saurait lui être imputée. 1552. Nous disons le locataire qui habite: car, pour peu qu'on réfléchisse sur le véritable sens de cette disposition, on restera bien convaincu que la garantie qu'elle impose au preneur, ne doit être entendue que de celui qui est déjà

(1) Voyez sous les n.o 1538 et 1540.

entré en possession et qui occupe l'édifice, soit par lui-même, soit par les siens; qu'il ne suf firait pas qu'un locataire eût souscrit la location d'une maison, pour qu'il fût de suite responsable de l'incendie qui y serait arrivé, même avant son entrée en jouissance; et qu'il en serait de même de celui qui se serait absenté, si, durant son absence, la maison louée et qui ne serait occupée de fait, ni par lui ni par les siens, venait à être incendiée; car, en supposant ou en établissant l'absence du locataire, il serait là même prouvé que l'incendie ne peut être, à son égard, que l'effet du cas fortuit, puisqu'il n'aurait pu y donner lieu par aucune faute.

par

L'article suivant confirme cette interprétation en déclarant que, « s'il y a plusieurs loca>> taires, tous sont solidairement responsables » de l'incendie, à moins qu'ils ne prouvent que >> l'incendie a commencé dans l'habitation de » l'un d'eux, auquel cas celui-là seul en est >> tenu. >> On voit par ces expressions, dans l'habitation de l'un d'eux, ou dans la partie habitée par l'un d'eux, que l'intention des auteurs du code a été de rattacher la présomption de faute au fait même de l'habitation.

1553. Néanmoins ce serait une erreur de croire que cette présomption ne fût uniquement fondée que sur le fait de l'habitation actuelle de l'homme, dans la maison où le feu s'est manifesté; car il faut observer qu'il s'agit ici d'une présomption légale; qu'il n'y a de présomption de cette nature que là où la loi l'établit, et qu'il n'existe aucune disposition dans nos lois

actuelles, qui déclare généralement que celui qui habite une maison où le feu prend, est présumé y avoir donné lieu par sa faute; il y a donc encore une autre cause de cette présomption, et cette cause consiste dans le bail par lequel le preneur s'est constitué gardien. C'est à cet acte, joint au fait de l'habitation, que la disposition spéciale de l'article 1733 attache la présomption qu'elle fait peser sur le locataire.

Mais doit-on appliquer la même présomption à la cause de l'usufruitier qui habite la maison dont la jouissance lui a été léguée ?

1554. Pour l'affirmative on peut dire qu'abstraction faite des accidens plus rares qui ne peuvent être pris pour base d'une règle générale, le feu ne consume ordinairement une maison que parce qu'il a été porté dans les appartemens, et qu'on l'y a allumé sans prendre assez de précautions, ou sans le surveiller suffisamment, ou encore parce que celui qui va et vient dans l'intérieur porte des chandelles, sans se servir de lanternes, et pénètre dans les lieux où il y a des choses facilement inflammables; ou enfin, parce qu'on a négligé de faire nettoyer les canaux de fumée, ou de pourvoir aux réparations des fours, atres, platines et corps de cheminée; qu'ainsi l'incendie étant souvent précédé de quelque faute, celui qui habitait la maison incendiée, doit naturellement être présumé coupable au moins de quelque négligence à cet égard; et c'est ainsi que le veut la loi Romaine, quia plerumque incendia culpá fiunt inhabitan

tium (1): or l'usufruitier qui habite par lui-même est, pour toutes ces négligences, dans la même condition que le locataire; donc, sous ce premier point de vue, on doit aussi lui appliquer la même règle;

Que, s'il est vrai que le locataire est établi gardien de la chose, par le contrat de bail, il est vrai aussi que l'usufruitier est établi conservateur de la chose par le titre qui lui en accorde la jouissance; et que l'acceptation du legs d'usufruit opère, entre lui et le propriétaire, un quasi-contrat dont les obligations ne sont pas moins rigoureuses que celles qui résultent du bail fait entre le maître et le locataire ;

Qu'on peut dire même qu'il y a plus de justice encore dans l'application de cette présomption à la cause de l'usufruitier qu'à celle du simple locataire, soit parce que l'usufruitier est tenu d'un plus grand nombre de réparations dont l'omission peut avoir causé l'incendie soit parce qu'ayant des avantages plus considérables que ceux du locataire, ses obligations doivent aussi être réciproquement soumises à des principes plus sévères;

Que, pour prononcer entre le propriétaire et celui qui habite la maison, et balancer, avec équité, leurs intérêts respectifs, les auteurs du code avaient à décider si l'on devait charger le premier de prouver que l'incendie n'était arrivé que par la faute de l'autre, ou si l'on devait

(1) L. 3, §. I, ff. de officio præfecti vigilum, lib. I,

tit. 15.

;

au contraire imposer à celui qui occupe l'édifice, l'obligation d'établir qu'il n'y avait pas de sa faute, en prouvant que la cause première de l'accident n'était attribuable qu'au cas fortuit or, ils ont vu qu'exiger cette preuve de la part du propriétaire, qui est éloigné du théâtre de l'événement, ce serait souvent exiger une chose impossible, tandis que l'habitant, placé au milieu des circonstances de l'accident qui vient le frapper, peut plus facilement en indiquer la cause; mais toutes ces considérations sont également applicables à l'usufruitier qui occupe par lui-même, qu'au locataire qui habite la maison louée on doit donc statuer, par le même principe, à l'égard de l'un, comme à l'égard de l'autre ; parce que là où il y a même motif, on doit porter le même jugement (1). 1555. Tous ces raisonnemens seraient capables de séduire, s'il pouvait être permis de se placer au-dessus de la loi : mais ils s'évanouissent tous devant le texte précis du code, portant qu'il n'y a de présomption légale que celle qui est attachée par une loi spéciale, à certains actes ou à certains faits (1350), comme on le voit, par exemple, dans divers articles du code, suivant lesquels un mur servant de séparation entre deux bâtimens, est présumé mitoyen (653): la remise du titre fait présumer la libération (1282):

le possesseur actuel qui prouve avoir anciennement possédé, est présumé avoir aussi possédé dans le temps intermédiaire (2234); suivant les

(1) L. 12, ff. de legibus, lib. 1, tit. 3.

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