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III. Le verbe substantif étre, suivi d'un adjectif, devient impersonnel dans un très-grand nombre de locutions. IL EST beau de défendre sa patrie. IL EST doux de prier.

IV. Quand les verbes accidentellement impersonnels sont suivis d'un substantif, celui-ci est le véritable sujet, et le pronom il n'est que le sujet apparent. Dans cette phrase: Il est DES HOMMES qui aiment le faux brillant, c'est moins le verbe qui est impersonnel que la forme syntaxique; car Il est des hommes équivaut à : DES HOMMES sont qui, etc.; DES GENS se rencontrent qui, etc.; et si la forme impersonnelle est préférée dans ces phrases, c'est qu'elle rend plus générale l'idée qu'on veut exprimer.

FORME DITE PASSIVE.

I. La plupart des grammairiens ont suivi la classification latine, et admis en français des verbes passifs. Si nous avions cette espèce de verbes, nous aurions, comme les Latins et les Grecs, une forme, un mot unique exprimant l'idée d'une action reçue par le sujet, autrement dit, passive; et nous obtiendrions cette forme à l'aide d'une terminaison particulière. En latin, un léger changement de terminaison suffit pour opérer cette différence d'idées si complète : Am o, j'aime; am OR, je suis aimé; aud IEBAT, il entendait: aud IEBATUR, il était entendu. Il en est de même en grec: 4, j'aime; y μa, je suis aimé; άxov «, il entend; άxoú erα, il est entendu.

Malheureusement notre langue est déshéritée de cet admirable mécanisme, et nous sommes forcés d'avoir recours à une circonlocution, formée du verbe auxiliaire être et d'un participe passé, lequel n'est autre chose qu'un attribut prenant le genre et le nombre de son sujet, et formant avec lui et le verbe une proposition complète. Je (sujet) suis (verbe) aimé (attribut), est une proposition qui, conjuguée à tous les modes et à tous les temps du verbe être, ne présente pas plus des formes verbales particulières que les proprositions: Je suis malade; Tu étais distrait; Il fut mécntent; Nous serons prudents, où les attributs sont des adjectifs.

II. Le seul mot qui contienne l'idée de passivité dans la forme française, c'est le participe, qu'on n'a présenté jusqu'ici que comme le passé du transitif, tandis qu'en réalité le participe passé de nos verbes contient deux formes: l'une, accompagnée de l'auxiliaire avoir, qui indique l'action faite par le sujet, et par conséquent transitive: La guerre a RAVAGÉ le monde; La guerre AYANT RAVAGÉ le

monde; l'autre, accompagnée ou non de l'auxiliaire étre, qui marque l'action reçue par le sujet, et par conséquent passive: Le monde RAVAGÉ par la guerre; Le monde ÉTANT, AYANT ÉTÉ RAVAGÉ par la guerre.

On pourrait cependant appeler forme passive l'expression d'une proposition qui contient le participe passé passif, comme Je suis aimé; Tu étais reçu; Vous serez admirés; surtout si le participe est suivi d'un complément: Je suis aimé DE MON PÈRE; Tu étais reçu PAR TES AMIS; Vous serez admirés PAR LA POSTÉRITÉ.

Des nombres.

Le nombre est la forme que prend la terminaison du verbe, selon que le sujet représente un ou plusieurs. Il y a deux nombres en français: le singulier, quand il s'agit d'une seule personne ou d'une seule chose (j'aime, tu aimes, il aime); le pluriel, quand il s'agit de plusieurs personnes ou de plusieurs choses (nous aimons, vous aimez, ils aiment).

Des personnes.

I. Personne, mot qui vient du latin persona, veut dire rôle, personnage, parce que dans tout discours l'existence, l'action ou l'état exprimés par les verbes, sont nécessairement attribués à plusieurs personnages dont les rôles sont différents. Par exemple, si je dis à quelqu'un : JE suis pauvre, et JE demande du pain, il comprendra que je parle de moi; si je lui dis: Tu es pauvre, et TU demandes du pain, il comprendra que c'est à lui que je parle; si enfin je lui dis : CET HOMME est pauvre, et IL demande du pain, il comprendra que c'est d'un autre que je parle, et que ce n'est ni de lui, ni de moi.

II. La personne qui parle s'appelle première personne, parce qu'elle joue le premier rôle.

On l'exprime au moyen du pronom je pour le singulier et du pronom nous pour le pluriel.

III. La personne à qui l'on parle s'appelle deuxième personne, parce qu'elle joue le second rôle.

Elle est représentée par le pronom tu pour le singulier, et le pronom vous pour le pluriel.

IV. La personne de qui l'on parle est la troisième personne, parce qu'elle joue le troisième rôle.

On l'exprime le plus souvent par un des pronoms il, elle, pour le singulier, et ils, elles, pour le pluriel.

V. La personne est donc la forme que prend la terminaison du verbe pour indiquer quel est son sujet.

VI. Il y a trois personnes pour le singulier, et trois pour le pluriel.

Des modes.

I. Mode veut dire manière (du latin modus).

Les modes sont les différentes manières de présenter l'existence, l'action ou l'état exprimés par le verbe.

Je lis, je lirais, lis, il veut que je lise, lire, lisant, sont des formes qui appartiennent toutes au même verbe, et cependant l'action qu'elles expriment est présentée de différentes manières par la personne qui parle. Dans le premier cas, j'affirme; dans le second, je désire; dans le troisième, je commande; dans le quatrième, mon action dépend d'un premier verbe; dans le cinquième, l'action de lire est exprimée, mais elle n'est pas définie, enfin dans le sixième elle participe de la nature de l'adjectif par sa terminaison et par son emploi.

II. Comme l'existence, l'état et l'action peuvent être présentés de ces six manières différentes, nous avons six modes; on leur a donné des noms qui indiquent leur caractère propre et expriment leurs différentes fonctions; ce sont l'indicatif ou affirmatif, le conditionnel, l'impératif, le subjonctif, l'infinitif, et le participe.

III. Les quatre premiers sont dits modes personnels, parce qu'ils sont toujours déterminés sous le rapport du nombre et de la personne; les deux autres sont appelés modes impersonnels, parce qu'ils présentent l'idée du verbe dans le sens le plus général, sans aucune acception de nombre ni de personne.

Modes personnels.

I. L'indicatif ou affirmatif exprime l'existence, l'action ou l'état d'une manière certaine et absolue. Il indique ou affirme simplement qu'au moment de la parole, la chose est, a été ou sera : La loi DOIT ÊTRE comme la mort qui n'ÉPARGNE personne. (Montesquieu.) L'esprit qu'on veut avoir gåte celui qu'on a. (Gresset.)

II. Le conditionnel exprime l'existence, l'action ou l'état, non d'une manière positive et absolue, mais comme subordonné à telle ou telle condition énoncée ou sous-entendne :

Si vous n'étiez en France, il FAUDRAIT passer à travers tous les obstacles pour y venir. (Mézeray.)

III. L'impératif exprime l'existence, l'action ou l'état sous la forme d'un commandement; il fait supposer, de la part de celui qui parle, l'idée d'un ordre, d'une exhortation, d'un désir, ou d'une prière :

1° Ordre SORTEZ d'ici. 2o Exhortation: COMMENCEZ avec réflexion, SUIVEZ avec activité, et PERSÉVÉREZ (Lévis). -3° Désir : ACCORDEZ-moi ce que je vous demande. 4° Prière: Grand Dieu, SECOUREZ-nous !

PARLEZ, ÉCRIVEZ, AGISSEZ, comme si vous aviez mille témoins; COMPTEZ que tốt ou tard tout est su. (Mme de Maintenon.)

Uzez, n'abusez point, le sage ainsi l'ordonne.

(Voltaire.)

IV. Le subjonctif exprime l'existence, l'état ou l'action d'une manière subordonnée, c'est-à-dire dépendante d'un autre verbe auquel il est lié (subjunctivus, sous-joint) par une conjonction : La religion ordonne QUE NOUS AIMIONS notre prochain.

Modes impersonnels.

I. L'infinitif exprime l'existence, l'état ou l'action d'une manière indéfinie et générale, sans déterminer ni la personne, ni le nombre. Ce mode sert de sujet à une proposition, ou de complément à un verbé ou à une préposition:

Sujet AIMER ses parents est un devoir.

Complément d'un verbe : Heureux qui sait se CONTENTER de peu!

Complément d'une préposition: Il ne faut qu'une conscience pure pour DORMIR en paix.

Les exemples suivants présentent ces divers accidents :

CHERCHER le bonheur sans SAVOIR où il est, c'est s'EXPOSER à le FUIR, c'est COURIR autant de risques qu'il y a de routes pour s'ÉGARER. (J.-J. Rousseau.)

PENSER peu, PARLER de tout, ne DOUTER de rien, n'HABITER que les dehors de son ame, et ne CULTIVER que la superficie de son esprit, s'EXPRIMER heureusement, AVOIR un tour d'imagination agréable, une conversation légère et délicate, et SAVOIR PLAIRE sans se FAIRE ESTIMER; ÊTRE né avec le talent équivoque d'une conception prompte, et se CROIRE par là au-dessus de la réflexion; VOLER d'objets en objets, sans en APPROFONDIR aucun; CUEILLIR rapidement toutes les fleurs et ne DONNER jamais aux fruits le temps de PARVENIR à leur maturité : c'est une faible peinture de ce qu'il a plu à notre siecle d'HONORER du nom d'esprit. (D'Aguesseau.)

II. Le participe exprime l'existence, l'état ou l'action sous la forme d'un qualificatif ou d'un attribut. Il doit son nom à sa nature même, qui participe à la fois du verbe et de l'adjectif; de l'adjectif, en ce qu'il sert à qualifier, et du verbe, parce qu'il marque un temps (aimant, ayant aimé, devant aimer), et qu'il peut avoir un complé

ment :

On ramassa Turenne MORT. (Qualificatif.)

La foudre est TOMBÉE. (Attribut.)

Je gravissais dans les ténèbres, SAISISSANT les branches et les racines que je rencontrais. (Présent.)

ABANDONNÉS sur le rivage, les malheureux périrent de faim. (Passé.)

DEVANT COMMANDER un jour aux autres, les jeunes Perses apprenaient d'abord à obéir. (Futur.)

NOTA. Le participe, accompagné de la préposition en, n'est ni qualificatif ni attributif; il marque la cause, la manière, le moyen, etc.:

EN FORGEANT on devient forgeron.

Des temps.

DIVISION DES TEMPS.

Nous venons de démontrer que l'existence, l'action et l'état peuvent être envisagés de six manières différentes. Ces modifications de la même idée ne sont pas les seules que subisse le verbe. Il en éprouve d'autres qui sont comme les signes des différentes époques de la durée.

En effet, on peut affirmer qu'une chose est, a été ou sera, qu'elle se fait, qu'elle a été faite ou qu'elle se fera; on peut commander qu'un chose se fasse sur-le-champ, qu'on la fasse plus tard ou qu'on l'ait faite avant une autre. Les différents modes, comme on le voit, renferment tous la même division de la durée, et cette division naturelle comprend le présent, le passé et le futur.

I. Le présent d'un verbe est la forme au moyen de laquelle on affirme l'existence, l'action ou l'état, comme un fait présent, comme ayant lieu au moment de la parole, ou bien encore comme habituel, comme général:

Midi SONNE (maintenant).

Mon père PRISE. Mon frère FUME (habituellement).

Le malheur ÉPROUVE les hommes (généralement).

La beauté ne DÉPLAIT jamais, mais elle PEUT être dépourvue de ce charme qui INVITE à la regarder, qui ATTIRE, qui REMPLIT l'âme d'un sentiment doux. (Voltaire.) De longues et fraîches avenues SE PERDENT dans la campagne et ANNONCENT la maison qui EST entourée d'eaux. (La Bruyère.)

II. Le passé est la forme qui affirme l'existence, l'action ou l'état, comme un fait passé ou antérieur au moment où l'on parle : Les Anglais ONT BRÛLÉ Jeanne d'Arc.

Gustave Wasa RECONQUIT difficilement le trône de Suède.

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