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PREMIÈRE PARTIE.

DU PARTICIPE PRÉSENT.

Voici comment Girault-Duvivier expose l'historique de l'orthographe du participe présent :

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«On voit dans les ouvrages de J. Dubois (dit Silvius), célèbre médecin, le premier qui ait écrit sur la langue française; dans » ceux de Henri Étienne, le second des Étienne, le plus célèbre >> grammairien du seizième siècle, au jugement de d'Olivet; et dans >> ceux de P. de la Ramée, connu sous le nom de Ramus, ce fameux professeur de l'université de Paris; on voit, dis-je, que le participe présent se déclinait dans le seizième siècle.

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» En effet, pour ne pas multiplier les exemples, qu'il serait facile » de prendre dans les ouvrages imprimés à cette époque, il nous » suffira de citer les phrases suivantes :

Pour ce que j'appelleray de leurs oreilles ESCOUTANTES mal, à elles-mesmes, quand elles escouteront bien. (Henri Étienne.)

Elles sont femmes bien ENTENDANTES les beaux et joyeux droicts.

(Rabelais.)

Et icelui OUVRANTS en certains lieux trouvèrent. (Le même.)

(Régnier.)

Qui par les carrefours vont leurs vers grimassants,
Qui par leurs actions font rire les passants.
Ces enfants bienheureux, créatures parfaites,
Sans l'imperfection de leurs bouches muettes,
Ayants Dieu dans le cœur, ne le peuvent louer.
Si vos yeux, pénétrants jusqu'aux choses futures.

(Malherbe.)

(Le même.)

» Qui donc a pu faire cesser l'usage de décliner le participe pré>> sent dans notre langue?

>> On croit généralement que c'est à la publication des fameuses » Lettres de Pascal, en 1659, qu'il faut reporter l'époque de la fixa» tion de notre langue à cette égard. Arnauld enseigna le premier, » dans sa Grammaire générale, publiée en 1660, l'indéclinabilité >> du participe présent en ant, et l'accord des adjectifs verbaux ; et >> l'Académie prononça, le 3 juin 1979: La règle est faite, on ne » déclinera plus les participes présents.

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Depuis ce moment, cette doctrine n'a point varié, et l'Acadé>> mie, dans les dernières éditions de son Dictionnaire, Beauzée, Vaugelas, d'Olivet et tous les grammairiens modernes, n'ont fait » que la confirmer. »

A ce que dit Girault-Duvivier, nous ajouterons qu'il ne faut pas

croire, d'après les deux exemples de Malherbe, que les poètes aient jamais établi un accord régulier du participe présent avec le nom auquel il se rapportait. L'auteur de la Grammaire des grammaires avance à tort que le participe se déclinait toujours; les poètes et même les prosateurs le faisaient variable ou invariable, suivant leur fantaisie, et non pour se conformer à un principe établi et adopté. En voici des preuves. Citons d'abord quelques exemples empruntés aux écrivains du quinzième siècle :

A la simple pour qui je suis,
Demanderesse et complaignant,
Contre la Rusée, par ses dictz
Deffenderesse et opposant, etc.

(Coquillard.)

(Charles d'Orléans.)

Je ne dy riens que tous ne vont disant.

Hélas! bien me doy soussier
Que nous ferons dedans dix ans,
Quand nous aurons nostre fouier
Empesché de petits enfants,
Qui seront toujours demandans
Et crians emprès nostre oreille;
Se nous en sommes desplaisans,
Se ne sera mie merveille.

(Complainte douloureuse du nouveau marié.)

Passons maintenant aux écrivains du seizième siècle :

La forme print d'un taureau mugyssant

Et chemina sur l'herbe verdissant. (Marot.)

O francs bergiers sur franche herbe marchants,
Qu'en dites-vous ?.

(Le même.)

Ils accusent les hommes d'aller toujours BÉANTS aprez les choses futures, et nous apprennent à nous bien saisir des choses et nous rassenir en ceux-là, comme n'AYANTS aucune prinse sur ce qui est à venir. (Montaigne.)

Les corsaires incontinent s'approchèrent et vinrent côtoyer notre navire, TENANTS le gué. (Amyot.)

Voici enfin un exemple du commencement du dix-septième siècle :

Un roy que cent canons sur sa teste poinctez,

Que tant de coutelas martelans ses costez

Et taschans de plonger leur pointe en ses entrailles

N'avoient point offencé mesme au fort des batailles, etc. (J. Bertaut.)

On voit par ces citations que le participe présent ne se déclinait pas toujours au seizième siècle, et ce qu'il y a de très-remarquable, c'est qu'on faisait le plus souvent variable le participe d'un verbe transitif précédé ou suivi de son complément.

Le dernier emploi de variabilité du participe présent d'un verbe

ansitif et intransitif exprimant l'action, se trouve dans la première dition de la première lettre des Provinciales:

Je les lui offris tous ensemble, comme ne FAISANTS qu'un même corps, et n'AGIS ANTS que par un même esprit. (Pascal.)

Mais, dès la deuxième édition, faisant et agissant furent toujours crits invariables.

Ajoutons qu'il a été de règle, en tous les temps, de faire variable → participe présent employé substantivement:

Mais cet enfer de vaines passions,
Ce paradis de belles fictions,
Déguisement de nos affections,

Ce sont peinctures vaines,

Qui donnent plus de plaisir aux lisans
Que vos beautés à tous vos courtizans,

Et qu'au plus fol de tous ces bien-disans
Vous ne donnez de peines.

(Joachim du Bellay.)

I. Du participe présent et de l'adjectif verbal.

I. Le participe présent exprimant une action est une forme verbale essentiellement invariable.

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Contemplez les misères
Qu'accumulent sur vous des brigands mercenaires,
Subalternes tyrans munis d'un parchemin,
Ravissant les épis qu'a semés votre main,

Vous traînant aux cachots, à la ruine, aux corvées;
Tandis que de leurs pleurs vos femmes abreuvées
Pressent en vain vos fils mourant entre leurs bras.

(Voltaire.)

La raison d'aujourd'hui semant pour l'avenir,
Versant de tous côtés sa lumiere féconde,
Vaincra les préjugés, ces vieux tyrans du monde.

(Chénier.)

II. Le participe présent exprimant un état, une qualité, est un qualificatif dérivé d'un verbe, qui, comme tous les autres qualificatifs, est susceptible des accidents de genre et de nombre.

Quoi! vous ne vous rendez pas à la SURPRENANTE merveille de cette statue MOUVANTE et PARLANTE!

A l'instant j'ai senti, sous ma main dégouttante,
Un corps meurtri, du sang, une chair palpitante.

(Ducis.)

III. On donne donc le nom de participe présent à toute forme verbale terminée par ant, qui exprime une action; et le nom d'adjectif verbal à toute forme verbale terminée par ant, qui exprimera un état, une qualité.

IV. Selon la différence de sens, le même mot peut être alternativement adjectif verbal, c'est-à-dire variable, ou participe présent, c'est-à-dire invariable.

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Il RISQUE DE tout perdre pour faire périr un seul homme. (Massillon.) Celui qui veut monter plus haut qu'il ne peut risque à tout moment DE tomber plus bas qu'il n'était (1). (De Jussieu.)

Rougir.

Il faut ROUGIR DE commettre des fautes, et non de les avouer. (Voltaire.) Un homme ne doit jamais ROUGIR D'avouer qu'il a tort; car, en faisant cet aveu, il prouve qu'il est plus sage aujourd'hui qu'hier. (J.-J. Rousseau.) Nous ROUGISSONS D'entendre ce que nous n'avons pas honte de faire.

Sommer.

(Ch. Nodier.)

Je l'ai SOMMÉ DE payer. Je l'ai SOMMÉ DE sortir de la maison qu'il tient de moi.

Souffrir.

(Académie.)

Il n'y a point de gens qui aient plus souvent tort que ceux qui ne peuvent soufFRIR D'en AVOIR. (La Rochefoucauld.)

L'amour-propre consent bien à être blâmé, mais il ne peut SOUFFRIR D'étre raillé (2). (Villemain.)

Souhaiter.

Quand il a ajouté que les livres en apprennent plus que les voyages, et qu'il m'a fait comprendre par ses discours qu'il a une bibliothèque, je SOUHAITe de la voir. (La Bruyère.)

Le plaisir de voir le fruit de vos travaux a été presque la seule douceur qui vous a fait SOUHAITER DE vivre. (Fléchier.)

Enfin, SOUHAITANT, pour la première fois de sa vie, DE paraître à son avantage, elle connut le bonheur d'avoir une robe fraîche (3). (De Balzac.)

(1) Quelquefois il est suivi d'un infinitif précédé de la préposition à; mais, dans ce cas, l'infinitif équivaut au participe présent précédé de en:

On RISQUE beaucoup plus à ne rien tenter qu'à ne pas réussir. (Ch. Nodier.) (2) Dans le sens d'éprouver de la peine, l'Académie emploie à et de: Je SOUFFRE DE l'entendre parler ainsi; Je SOUFFRE À l'entendre.

(3) L'Académie indique par cet exemple: Je SOUHAITE POUVOIR l'obliger, qu'on peut aussi l'employer sans préposition.

Soupçonner.

Comme on nous y conduisait, un des archers m'apprit que la vieille qui demeuit avec Camille nous ayant SOUPÇONNÉS DE n'être pas de véritables valets de ed de justice, elle nous avait suivis jusqu'au cabaret. (Lesage.)

Se souvenir.

Faites-moi SOUVENIR D'aller là. (Académie.)

Je fuis; souvenez-vous, prince, de m'éviter.

Supplier.

(Racine.)

Je vous SUPPLIE, Monsieur, d'aller le voir, DE faire telle chose. (Académie.) Je vous SUPPLIE, sage Platon, DE m'appliquer fort au long ce que vous pensez de amitié. (Boileau.)

Tenter.

Que la fortune ne TENTE donc pas DE nous tirer du néant. (Bossuet.)

J'avais TENTÉ, mais en vain, DE le sauver de cette exaltation dangereuse; il recevait en souriant mes plus sages conseils. (J. Janin.)

Trembler.

Je TREMBLE D'avouer, etc. (Académie.)

Sa main tremblait de blesser ce beau corps.

Vanter et se vanter.

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(Voltaire.)

Il avait longtemps porté les armes, et souvent il se VANTAIT D'avoir vu le feu.

Je ne me vante pas de le pouvoir fléchir.

(Lesage.)

(Corneille.)

IV. VERBES QUI SE CONSTRUISENT AVEC à ou de SELON LEUR

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Ce verbe, employé transitivement ou sous la forme pronominale, veut la préposition à :

Et l'indigne prison où je suis renfermé,

A la voir de plus près m'a même accoutumé. (Racine.)

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