Images de page
PDF
ePub

ΙΜΙΤΑΤΙΟΝ

DE L'ODE D'HORACE : Mater fæva Cupidinum
F'Avors envain quitté l'amoureux efclavage:

la mère des Amours, des Graces & des Jeux,
la Volupté, Bacchus, aujourd'hui tout m'engage
à reprendre de nouveaux nœuds.

Je brûle pour Glycère, & fa beauté m'enchante ;
fa folâtre gaîté, fes regards féduifans,
les rofes de fon teint, sa blancheur éclatante,
ont fans peine enflammé mes fens.

Vénus & tous fes feux ont paffé dans mon ame;
'elle a choifi mon cœur pour être fon féjour ;
& ce cœur confumé par fa brûlante flamme,
fervira de temple à l'Amour.

Dans les tranfports charmans de mon ardeur nouvelle,
je ne puis me livrer qu'à mes tendres defirs;
& deformais ma lyre aux fons guerriers rebelle,
ne chantera que les plaifirs.

Viens, Glycère, il eft tems d'appaifer la Déeffe; rendons-la, s'il se peut, favorable à nos vœux, & qu'un lit de gazon, dans notre douce ivreffe, nous ferve d'autel à tous deux.

Par M, RIGOLEY DE JUVIGNY.

A UN AMI,

SUR SON MARIAGE.

F.

ORT bien: te voilà donc lié ?
te voilà pris tout comme un autre !
du célibat le grand Apôtre,
mon Philofophe est marié.
Que ce prodige m'intéresse !
Irréprochable dès vingt ans,
& fans dettes, & fans maîtresse,
tu riois des égaremens

& des plaifirs de ma jeunesse;
tu riois: ton cœur eft changé ;
il aime enfin ; une foibleffe
te rend heureux : je suis vengé.
Oh! que ta femme doit te plaire!
ce doit être un objet charmant :
fur la beauté, fur l'agrément,
tout Poëte eft juge févère.

Il faut, pour captiver nos cœurs,
bien plus de charmes qu'on ne penfe;
accoutumés dès notre enfance
aux objets les plus féducteurs,
en commerce avec les Corines,
les Amadis & les Didons,
de bonne foi, nous ne pouvons

aimer que des beautés divines.
Quant à l'efprit, fans compliment;
elle en pétille, afsurément (1).
Nourris dans les bois du Parnaffe,
près d'Anacréon qui fourit,
près d'Ovide qui s'attendrit,
& gâtés par les vers d'Horace,

il nous faut des femmes d'efprit ( 2 ).
Ce n'eft pas tout: on veut encore
dans une époufe qu'on adore,
de la conftance : qu'en dis-tu ?
ah! ta moitié fera fidelle;
je te connois: fans la vertu,
tu ne faurois la trouver belle.
Que de titres pour te charmer!
ne rougis point de ta tendreffe;
goûte bien le plaifir d'aimer;
ta femme fera ta maîtreffe.
Si tu nous chantois ton bonheur!
les meilleurs vers viennent de l'ame;
l'efprit eft fur-tout dans le cœur,
& je voudrois, pour mon honneur,
voir mon ami chanter fa femme.

Mais peut-être, quand je t'écris,
de fublimes objets épris,
dans ton cabinet folitaire,

tu médites avec Platon

(1) Sans compliment, elle én pétille, afurément. Vers négligé.

(2) Toute cette tirade eft charmante. C'eft un badinage auffi neuf, que plein d'efprit & de légèreté.

fur l'efprit & fur la matiere;
jufqu'au foyer de la lumiere,
tu t'élances avec Neuton;
tu crois jouir de ta raison,
& de ton ame toute entiere ;
ta porte s'ouvre : quel revers!
ton front fe ride, il faut defcendre
de l'empirée où tu te perds...
Une mortelle au regard tendre,
vole vers toi les bras ouverts;
on fourit alors, on s'empreffe,
on prend fa main, on la careffe;
adieu l'ordre de l'univers,
adieu Neuton... volupté pure!
eh! que font tous nos vains defirs;
nos jeux brillans, nos froids plaifire p
près des plaifirs de la nature?
Je t'attends, ami, je t'attends
à ces délicieux inftans,

où, preffés autour de leur mère,
tu verras de jolis enfans
avec des organes naiffans,
te bégayer le nom de père;
élever leurs bras innocens
vers celle qui les a fait naître,
répondre à vos regards touchans,
effayer leur ame & leur fens,
par le plaifir de vous connoître.
Ta mère alors en cheveux blancs;
verfe des larmes de tendreffe

fur ces rejettons careffans ( 3 );
les doux rayons de leur printems
la réchauffent dans fa vieilleffe.
Courage, Philofophe heureux!
oublions la trifte décence ;,
mêle des fleurs à leurs cheveux;
préfide toi-même à leurs jeux;
ris de leur aimable ignorance,
& redeviens enfant pour eux.

Mais tandis qu'auprès d'une amante;
tu fais, fans fortir de chez toi,
goûter en paix, goûter fans moi,
une félicité touchante,

ton ami, loin de vos regards,
& du foleil de la Provence,
parmi le bruit & les brouillards,
vers mille objets envain s'élance;
oui, ni le charme des beaux arts,
ni l'amitié, ce bien fuprême,
rien ne peut, fur ces bords que j'aime,
remplir le vuide de moi-même ;
cent fois mon cœur s'eft rappellé
notre beau ciel que je regrette ;
vers ma patrie & ta retraite,
ce cœur cent fois à revolé :
mais, hélas! dois-je te le dire?
fi je puis voir jouer demain

l'Avare, Caftor ou Zaïre,

(3) Rejettons careffans. La métaphore de rejettons eft prile de l'idée des plantes, à qui l'épithète de careffant ne peat convenir.

« PrécédentContinuer »