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SECONDE PARTIE.

VRAI TABLEAU DE LA VIE DE JÉSUS.

CHAPITRE PREMIER.

UN VRAI PEINTRE D'HISTOIRE RELIGIEUSE.

Regardons maintenant l'autre côté de la question.

Après toute la critique de tous les siècles, et des deux derniers siècles, surtout du nôtre, que reste-t-il, je ne dis pas dans la foi des masses, mais dans la science la plus avancée; - que reste-t-il du Christ, du Fils unique de Dieu, du Dieu fait homme?

I.

Si quelque chose est manifeste, c'est qu'en ce moment même Jésus-Christ, con

sidéré comme homme, par sa seule beauté d'homme, maintient, ou plutôt rétablit, à travers les extrêmes négations et les derniers excès de la critique, une sorte d'enthousiasme pour sa personne et pour son

œuvre.

On découvre vraiment, dans Notre-Seigneur Jésus-Christ, des beautés ravissantes et nouvelles, en le considérant comme l'un de nous, en contemplant son humanité seule, distincte de la divinité, ce qui d'ailleurs est orthodoxe. Et cette méditation et cette contemplation de l'humanité sainte de JésusChrist, prise en elle-même, était peut-être trop négligée par un grand nombre de chrétiens, habitués à ne voir dans le Christ que Dieu seul.

Qu'on se souvienne avec quelle énergie sainte Thérèse, appuyée de tous les docteurs, particulièrement de Bossuet', déplore

1 Lisez surtout l'Instruction sur les états d'oraison, 1. II, où Bossuet dit entre autres choses en parlant des nouveaux mystiques : « Je suis obligé » d'avertir que ces docteurs sont bien plus outrés >> que ceux dont parle sainte Thérèse, et dont elle

l'erreur et l'illusion des faux mystiques, qui croient s'élever dans la contemplation, lorsqu'ils perdent de vue l'humanité de JésusChrist. Jamais, dit-elle, jamais la contemplation la plus haute ne doit s'abstraire de l'adorable humanité du Crucifié. C'est la plus dangereuse illusion.

Et peut-être sommes-nous destinés, en ce siècle, à une étude plus approfondie, à une intuition plus intime et plus vraie du cœur humain, de l'âme humaine, de l'esprit humain du Sauveur. L'Église, on peut le reconnaître à plusieurs signes, y conduit peu à peu les siens. Et ceux qui sont hors de l'Église, beaucoup du moins, surtout en

»> ne peut approuver le sentiment, lorsqu'ils disent >> trop généralement que l'humanité de Jésus-Christ >> est un obstacle à la contemplation... « Comme la >> boue lombe, disent-ils, quand les yeux de l'aveugle » sont ouverts, ainsi l'humanité s'évanouit pour » atteindre la divinité. » Donc, « selon ces docteurs, >> continue Bossuet, l'humanité de Jésus-Christ sera » la boue dont il faudra nous laver, pour avoir les » yeux ouverts à la contemplation! Peut-on cher>> cher des explications à ces paroles insensées, et » qui jamais ouït parler d'un tel prodige? »

Allemagne, depuis un quart de siècle, semblent parfois n'oublier et nier la divinité du Seigneur, que pour louer avec plus d'enthousiasme son admirable humanité. Je les plains de scinder le Christ; mais je dis que s'ils persévèrent à contempler sa face humaine avec intelligence et avec amour, il leur sera donné peut-être, à travers l'homme unique et incomparable, de voir et de retrouver Dieu. Ils sortiront, comme saint Thomas, de l'incrédulité, en regardant ses mains, sa figure, sa poitrine, et la place où étaient les clous et locum clavorum. Et, comme le dit saint Augustin de l'apôtre d'abord incrédule : « Il vit l'homme, et con>>fessa le Dieu. » Hominem vidit, Deum confessus est. De même ce siècle, s'il arrive à bien voir et à bien comprendre cet Homme, toujours vivant et toujours régnant, quoique toujours couvert de plaies et couronné d'épines, ce siècle pourra finir par s'écrier aussi « Mon Seigneur et mon Dieu! » Dominus meus, et Deus meus 1!

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J'aperçois depuis quelques jours un tou1 Joan., xx, 28.

chant phénomène. La Vie de Jésus, ce tissu de contradictions et d'erreurs, ce livre plein d'outrages pour Jésus-Christ, renferme dix ou douze pages d'admiration, d'hommages et de respect pour sa beauté. Dans ces lignes on voit briller, quoique bien réduits et flétris, quelques-uns des traits de Jésus. Eh bien, voici que je rencontre plusieurs âmes qui, dans tout le livre, n'ont compris et vu que cela. L'éclat divin des traits de Jésus-Christ a, pour elles, effacé tout le reste. Le reste à leurs yeux n'y est pas. Et de fait, si ces quelques traits sont les vrais traits du Christ, le reste ne subsiste pas. L'esprit n'accepte pas, et ne porte pas en même temps les contraires. La disjonction des caractères s'opère dans l'esprit des lecteurs plus nettement qu'elle n'est opérée dans le livre. Les uns voient et approuvent les outrages, les autres l'admiration et la vénération. Nul ne conçoit les deux en semble.

Ce qui m'émeut vraiment ici, c'est cette espèce de toute-puissance de la beauté unique, dont quelques traits défigurés suffisent

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