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Difant ces mots, fon gofier altéré
Humait un vin, qui d'ambre coloré,
Sentait encor la grappe parfumée,
Dont fut pour nous la liqueur exprimée.
Un rouge vif enluminait fon teint;

Lors je lui dis Pour DIEU, Monfieur le Saint,

:

Quel eft ce vin? D'où vient-il, je vous prie ?
D'où l'avez-vous? Il vient de Canarie:

C'est un nectar, un breuvage d'élû ;

DIEU nous le donne, & DIEU veut qu'il foit bû.

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Et ce caffé, dont, après cinq fervices,

Votre eftomac goûte encore les délices ?
Par le Seigneur il me fut destiné.

Bon. Mais avant que DIEU vous l'ait donné,
Ne faut-il pas que l'humaine induftrie
L'aille ravir aux champs de l'Arabie?
La porcelaine & la frêle beauté
De cet émail à la Chine empâté,
Par mille mains fut pour vous préparée,
Cuite, recuite, & peinte & diaprée :
Cet argent fin, cifelé, gaudronné,
En plat, en vafe, en foucoupe tourné
Fut arraché de la terre profonde,

Dans le Potofe, au fein d'un nouveau Monde.

Tout l'Univers a travaillé pour vous,

Afin qu'en paix, dans votre heureux courroux,
Vous infultiez, pieux atrabilaire,

Au monde entier épuifé pour vous plaire.

ΟΙ

,

O faux dévot, véritable mondain,
Connaiffez vous; & dans votre prochain
Ne blamez plus ce que votre indolence
Souffre chez vous avec tant d'indulgence.
Sachez furtout que le luxe enrichit
Un grand Etat, s'il en perd un petit.
Cette fplendeur, cette pompe mondaine,
D'un règne heureux eft la marque certaine.
Le riche eft né pour beaucoup dépenfer
Le pauvre eft fait pour beaucoup amaffer.
Dans ces jardins regardez ces cascades,
L'étonnement & l'amour des Nayades;
Voyez ces flots, dont les nappes d'argent
Vont inonder ce marbre blanchiffant ;
Les humbles prés s'abreuvent de cette onde;
La terre en eft plus belle & plus féconde.
Mais de ces eaux fi la fource tarit,
L'herbe eft féchée & la fleur fe flétrit.
Ainfi l'on voit en Angleterre, en France,
Par cent canaux circuler l'abondance:

Le goût du luxe entre dans tous les rangs;
Le pauvre y vit des vanités des Grands,
Et le travail gagé par la molleffe,
S'ouvre à pas lents la route à la richeffe.
J'entens d'ici des pédans à rabats,

Triftes cenfeurs des plaifirs qu'ils n'ont pas,
Qui me citant Denis d'Halicarnaffe,

Dion, Plutarque, & même un peu d'Horace,

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Vont criaillant qu'un certain Curius,
Cincinnatus, & des Confuls en Us,
Béchaient la terre au milieu des allarmes;
Qu'ils maniaient la charuë & les armes,
Et que
les bleds tenaient à grand honneur
D'ètre femés par la main d'un vainqueur.
C'est fort bien dit, mes maîtres: Je veux croire
Des vieux Romains la chimérique hiftoire.
Mais, dites-moi, fi les Dieux par hazard
Faifaient combattre Auteuil & Vaugirard,
Faudrait-il pas au retour de la guerre,
Que le vainqueur vint labourer fa terre?
L'augufte Rome, avec tout fon orgueil,
Rome jadis était ce qu'est Auteuil ;
Quand ces enfans de Mars & de Sylvie,
Pour quelque pré figualant leur furie,
De leur village allaient au champ de Mars,
Ils arboraient du foin * pour étendarts.
Leur Jupiter, au tems du bon Roi Tulle,
Etait de bois; il fut d'or fous Luculle,
N'allez donc pas avec fimplicité,
Nommer vertu ce qui fut pauvreté.
Oh, que Colbert était un efprit fage!
Certain butor confeillait par ménage,
Qu'on abolit ces travaux précieux,

Des

Une poignée de foin au nipulus, était le premier éten

bout d'un bâton, nommée Ma- dart des Romains.

Des Lyonnais ouvrage industrieux.
Du Confeiller l'abfurde prud'hommie
Eût tout perdu par pure oeconomie.
Mais le Miniftre, utile avec éclat,
le luxe enrichir notre Etat.
De tous nos Arts il agrandit la fource;

Sut

par

Et du Midi, du Levant & de l'Ourse,
Nos fiers voifins de nos progrès jaloux,
Payaient l'efprit qu'ils admiraient en nous.
Je veux ici vous parler d'un autre homme,
Tel que n'en vit Paris, Pekin, ni Rome;
C'eft Salomon, ce fage fortuné,

Roi Philofophe, & Platon couronné,

Qui connut tout, du cèdre jufqu'à l'herbe;
Vit-on jamais un luxe plus fuperbe?
Il faifait naître au gré de fes défirs

L'argent & l'or, mais furtout les plaisirs.
Mille beautés fervaient à fon usage;

Mille? On le dit, c'eft beaucoup pour un fage.
Qu'on m'en donne une, & c'eft affez pour moi,
Qui n'ai l'honneur d'être fage ni Roi.
Parlant ainfi, je vis que les convives
Aimaient affez mes peintures naïves:
Mon doux béat très-peu me répondait,
Riait beaucoup, & beaucoup plus buvait,
Et tout chacun préfent à cette fète,
Fit fon profit de mon difcours honnête.

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EPIT RE

SUR

CALOM NI E.

Coutez moi, refpectable Emilie ;

Vous êtes belle; ainfi donc la moitié
Du genre-humain fera votre ennemie.
Vous poffedez un fublime génie ;

On vous craindra. Votre tendre amitié
Eft confiante, & vous ferez trahie.
Votre vertu dans fa démarche unie,
Simple & fans fard, n'a point facrifié
A nos dévots; craignez la calomnie.
Attendez vous, s'il vous plait, dans la vie,
Aux traits malins que tout fat à la Cour
Par paffe-tems fouffre & rend tour-à-tour.
La médifance eft la fille immortelle
De l'amour-propre & de l'oifiveté.
Ce monftre aîlé paraît mâle & femelle,
Toujours parlant, & toujours écouté.
Amusement & fléau de ce monde,
Elle y préfide, & fa vertu féconde
Du plus ftupide échauffe les propos :
Rebut du fage, elle est l'efprit des fots.
En ricanant, cette maigre furie

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