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Ce Roi que tant d'éclat ne pouvait éblouïr,

Sut joindre à fes talens l'art heureux de jouir.

Ce font là les leçons qu'un Roi prudent doit fuivre ;
Le favoir en effet n'eft rien fans l'art de vivre.

Qu'un Roi n'aille donc point, épris d'un faux éclat,
Pâliffant fur un livre, oublier fon Etat.

Que plus il est instruit, plus il aime fa gloire.

De ce Monarque Anglais vous connaiffez l'hiftoire: Dans un fatal exil Jacques b laiffa périr

Son gendre infortuné qu'il eût pû fecourir.
Ah! qu'il eût mieux valu, raffemblant fes armées,
Délivrer des Germains les villes opprimées,
Venger de tant d'Etats les défolations,

Et tenir la balance entre les Nations,

Que d'aller, des Docteurs briguant les vains fuffrages,
Au doux enfant JESUS dédier fes ouvrages!

Un Monarque éclairé n'eft pas un Roi pedant;
Il combat en Héros, il pense en vrai favant.
Tel fut ce Julien méconnu du vulgaire,
Philofophe & guerrier, terrible & populaire.
Ainfi ce grand Céfar, foldat, Prêtre, Orateur,
Fut du Peuple Romain l'oracle & le vainqueur:
On fait qu'il fit encor bien pis dans fa jeuneffe:
Mais tout fied aux Héros, excepté la faibleffe.

EPITRE

b Le Roi Jacques fit un petit Traité de Théologie qu'il dédia à l'Enfant JESUS.

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Des plaifirs aux travaux paffas d'un vol agile, Que j'aime à voir ton goût, par des fins bienfaisans, Encourager les Arts à ta voix renaiffans!

Sans accorder jamais d'injufte préférence,

Entre tous ces rivaux tien toujours la balance.
De Melpomène en pleurs anime les accens;
De fa riante fœur chéri les agrémens;
Anime le pinceau, le cifeau, l'harmonie,

Et mets un compas d'or dans les mains d'Uranie.
Le véritable efprit fait fe plier à tout;

On ne vit qu'à demi, quand on n'a qu'un feul goût.
Je plains tout efprit fible, aveugle en fa manie,
Qui dans un feul objet coufina fon génie,

Et qui de fon idole adorateur charmé,

Veut immoler le refte au DIEU qu'il s'eft formé.
Entens-tu murmurer ce fauvage Algébrifte,

A la démarche lente, au teint blême, à l'œil trifte,

Qui d'un calcul aride à peine encor inftruit,

Sait que quatre eft à deux, comme feize est à huit?
Il méprife Racine, il infulte à Corneille;

Lully n'a point de fons pour fa pefante oreille;
Et Rubens vainement, fous fes pinceaux flateurs,
De la belle nature affortit les couleurs.
Des x x redoublés admirant la puiffance,
Il croit que Varignon fut feul utile en France;
Et s'étonne, furtout, qu'infpiré par l'amour,
Sans algèbre autrefois Quinault charmât la Cour.
Avec non moins d'orgueil & non moins de folie,
Un élève d'Euterpe, un enfant de Thalie,
Qui dans fes vers pillés nous répète aujourd'hui
Ce qu'on a dit cent fois, & toujours mieux que lui;
De fa frivole Mufe admirateur unique,

Conçoit pour tout le refte un dégoût léhargique;
Prend pour des arpenteurs Archimède & Newton,
Et voudrait mettre en vers Ariftote & Platon.
Ce bœuf qui pefamment rumine fes problèmes,
Ce papillon folâtre ennemi des fystèmes,
Sont regardés tous deux avec un ris moqueur,
Par un bavard en robe, apprentif chicaneur,
Qui de papiers timbrés barbouilleur mercenaire,
Vous vend pour un écu fa plume & fa colère.
Pauvres fous, vains efprits, s'écrie avec hauteur
Un ignorant fourré, fier du nom de Docteur :
Venez à moi, laiffez Maffillon, Bourdaloue;

Je veux vous convertir; mais je veux qu'on me loue.

Je

Je divife en trois points le plus fimple des cas;
J'ai vingt ans, fans l'entendre, expliqué St. Thomas.
Ainfi ces Charlatans, de leur art idolâtres,

Attroupent un vain peuple aux pieds de leurs théâtres.
L'honnête-homme eft plus jufte, il approuve en autrui
Les arts & les talens qu'il ne fent point en lui.
Jadis avant que DIEU, confommant fon ouvrage,
Eût d'un fouffle de vie animé fon image,
Il fe plut à créer des animaux divers:

L'aigle au regard perçant pour régner dans les airs,
Le pân pour étaler l'iris de fon plumage,
Le courfier pour fervir, le loup pour le carnage,
Le chien fidèle & prompt, l'âne docile & lent,
Et le taureau farouche, & l'animal bêlant,
Le chantre des forêts, la douce tourterelle,
Qu'on a cru fauffement des amans le modèle;
L'homme les nomma tous, & par un heureux choix,
Difcernant leurs inftincts, affigna leurs emplois.

On conte que l'époux de la célèbre Hortenfe *
Signala plaifamment fa fainte extravagance;
Craignant de faire un choix par fa faible raison,
Il tirait aux trois dés les rangs de fa maison.
Le fort d'un poftillon faifait un secrétaire;
Son cocher étonné devint homme d'affaire;
Un Docteur Hibernois, fon très - digne Aumônier,

* Le Duc de Mazarin, mari d'Hortenfe Mancini, faifait tous les ans une loterie de plufieurs

Ren

emplois de fa maifon, & ce qu'on rapporte ici a un fondement très-véritable.

Rendit grace au deftin qui le fit cuifinier.

On a vû quelquefois des choix auffi bizarres.
Il est beaucoup d'emplois, mais les talens font rares.
Si dans Rome avilie, un Empereur brutal
Des faifceaux d'un Conful honora fon cheval,
Il fut cent fois moins fou que ceux dont l'imprudence
Dans d'indignes mortels a mis fa confiance.
L'ignorant a porté la robe de Cujas;

La mitre a décoré des têtes de Midas:
Et tel au gouvernail a préfidé fans peine,

Qui la rame à la main dût fervir à la chaîne.
Le mérite eft caché. Qui fait fi de nos tems

Il n'eft point, quoi qu'on dife, encor quelques talens?
Peut-être qu'un Virgile, un Ciceron fauvage,
Eft chantre de paroiffe ou Juge de village.
Le fort, aveugle Roi des aveugles humains,
Contredit la Nature, & détruit fes deffeins;
Il affaiblit fes traits, les change ou les efface.
Tout s'arrange au hazard, & rien n'eft à fa place.

ODES,

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