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sa complice ?) ce qui venait de se passer. Ils s'approchèrent tous deux de la fenêtre. Les soldats qui composaient la patrouille s'étaient arrêtés près du cadavre : les paroles qu'ils prononçaient arrivaient claires et distinctes aux oreilles de Salvador et de sa maîtresse..

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Il est mort, dit un des soldats.

Bien mort, répondit ùn autre.

Tout ce qu'il y a de plus mort, ajouta un troisième.

Le résultat prouve que vous avez frappé d'une main bien assurée, dit Silvia.

Salvador serra, en souriant, la main de sa maîtresse.

Écoutons, lui dit-il.

- Que faut-il faire? dit un des soldats.

Conscrit répondit d'une voix brève le caporal, il faut aller chercher le commissaire de police.

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- On va venir lever le cadavre, dit Salvador.

A leur aise, répondit Silvia.

Les deux assassins quittèrent la place qu'ils occupaient près de la fenêtre, et vinrent s'asseoir l'un près de l'autre sur un divan.

Vous n'avez pas répondu à la question que je vous ai adressée lorsque je suis entré ici, dit

Salvador après avoir serré les deux mains de Silvia entre les siennes.

- Vous m'avez demandé, je crois, pourquoi j'avais quitté l'hôtel des Princes pour venir habiter cette maison? »

Salvador fit un signe affirmatif.

Silvia, après s'être recueillie quelques instants, raconta à son amant que quelques paroles échangées entre lui et celui qui venait d'être tué, paroles qu'elle avait saisies au passage, lui avaient appris que le bon M. Lebrun, qui prenait sans façon de l'argent dans la caisse de son maître, n'était pas un intendant ordinaire ; que le vicomte de Lussan lui ayant appris, il y avait déjà quelque temps, que Lebrun jouait et perdait des sommes considérables, elle s'était empressée de prévenir le marquis de Pourrières, mais que la réponse qu'elle avait reçue à la lettre qu'elle lui avait adressée ne l'avait pas satisfaite, et que, bien certaine que l'argent que perdait Lebrun avec tant de laisser aller n'était pas le produit d'une affaire, elle avait voulu savoir ce qu'il faisait, afin d'écrire encore à son amant, s'il se présentait quelques faits nouveaux. Pour arriver au but qu'elle voulait atteindre, elle n'avait pas trouvé de meilleur moyen que celui de venir se

VIDOCOT, IX,

loger près de l'hôtel de Pourrières; elle n'avait pas pour cela abandonné son logement de l'hôtel des Princes, qu'elle occupait toujours; son logement de la rue de Courcelle n'était qu'un observatoire; en venant s'y installer, suivant sa coutume de tous les jours, elle avait reconnu Salvador, malgré tous les soins qu'il avait pris pour se rendre méconnaissable; elle s'était de suite doutée qu'il ne se tenait ainsi caché que parce qu'il avait en tête quelque projet dont le bon M. Lebrun devait être la victime. Charmée de voir enfin son amant prendre une détermination énergique, elle était venue pleine de joie se mettre à sa fenêtre d'où elle avait vu, sans être aperçue, tout ce qui s'était passé, cachée qu'elle était par les volets seulement entr'ouverts.

Le marquis de Pourrières savait le reste.

Vous êtes, dit Salvador lorsque Silvia eut achevé le récit dont nous venons de donner la substance à nos lecteurs, une bien rusée créature; et je suis maintenant persuadé qu'il est beaucoup plus avantageux de vous avoir avec soi que contre soi.

- Je suis heureuse de ce que vous voulez bien penser ainsi, répondit Silvia; c'est me donner la certitude que nous ne nous séparerons jamais.

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Du bruit dans la rue éveilla de nouveau l'attention de Salvador et de Silvia; ils voulaient voir ce qui allait se passer; après avoir éteint la lumière qui les éclairait, ils s'approchèrent de la fenêtre.

Le commissaire de police venait d'arriver.

Cet estimable fonctionnaire paraissait trèscontrarié de ce que son premier sommeil avait été si brusquement interrompu, et plus pressé d'aller rejoindre sa couche nuptiale que de verbaliser.

Il se pencha cependant sur le cadavre de Roman, qu'il examina à la lueur d'un falot porté par un des soldats de la patrouille.

« Cet homme, qui paraît appartenir aux classes distinguées de la société, a été dépouillé de son argent et de ses bijoux, dit-il; les assassins n'ont pas laissé sur lui un seul papier qui puisse servir à le faire connaître; il faut le porter à la Morgue. ›

Les soldats formèrent avec leurs fusils une sorte de brancard, sur lequel ils placèrent le cadavre du misérable Roman, et suivirent le commissaire de police.

Bientôt le bruit cadencé de leurs pas se perdit dans le lointain.

< Bon voyage, M. Lebrun, dit Silvia; j'espère bien ne jamais vous revoir; pas même dans l'autre monde, ajouta-t-elle; car j'aime à croire que notre mort est le dernier acte d'un drame qui n'a pas d'épilogue.

-Possible, répondit Salvador; très-possible, chère amie; mais le contraire aussi est possible, et s'il en est ainsi, nous aurons, vous et moi, lorsque nous paraîtrons devant lui, un fameux compte à rendre au mec des mecs (1)... Mais je tombe de sommeil. ›

Il se laissa tomber sur le divan...

(1) Dieu.

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