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et qu'il la serra longtemps contre sa poitrine. Vous ne m'en voulez donc pas? lui dit-elle.

Eh! pourquoi vous en voudrais-je? Vous ne m'avez abandonné que parce que vous avez été forcée de quitter Genève pour éviter d'être mise en prison, et peut-être que vous n'étiez pas plus coupable que je ne l'étais lorsqu'on m'emprisonna pour la première fois, que je ne le suis maintenant. »

Fortuné raconta alors à la femme Moulin tout ce qui lui était arrivé depuis le jour où il fut recueilli par le bon père Humbert, dont il ne pouvait parler sans verser des larmes amères, jusqu'à celui où il était arrivé.

Pauvre enfant ! lui dit la vieille femme après l'avoir écouté, vous avez bien souffert, et c'est moi qui suis la cause première de tous les malheurs qui sont venus vous affliger; mais je vais tâcher de réparer le mal que je vous ai fait, et je réussirai, je l'espère; ce n'est pas en vain. que Dieu aura permis que nous nous rencontrassions ici. >

Un gendarme qui venait chercher Fortuné pour le conduire dans le cabinet de son juge, interrompit cet entretien.

Prenez ceci, dit la femme Moulin en mettant

deux pièces de vingt sous dans la main du jeune homme, faites-vous donner quelques bouillons, un peu de bon vin, soignez-vous et espérez.

Adieu, adieu! ma bonne tante, répondit Fortuné, qui ne comprenait pas grand'chose aux discours de la femme Moulin; hélas! peutêtre qu'il ne me sera plus permis de vous revoir. -Espérez, répéta la femme Moulin.

Fortuné fut forcé de suivre dans le sombre couloir qui conduit aux cabinets de messieurs les juges d'instruction le gendarme chargé de le conduire.

Peu de temps après, un autre gendarme vint chercher la femme Moulin, qui fut à son tour conduite dans le cabinet d'un magistrat instruc

leur.

XLI

UN COIN DU VOILE SE DÉCHIRE.

Salvador venait d'achever sa toilette, et il allait sortir pour se rendre chez Silvia, lorsque son valet de chambre lui apporta une lettre qui . venait d'être déposée chez le concierge de l'hôtel, auquel on avait fait la recommandation de la remettre à l'instant même à M. le marquis de Pourrières.

Comme cette lettre était ornée du cachet d'un de messieurs les juges d'instruction de la Seine,

Salvador s'empressa de l'ouvrir. Voici ce qu'elle

contenait :

Monsieur le marquis,

Veuillez prendre la peine de passer de suite à mon cabinet; j'ai à vous faire une communication qui, je dois le croire, vous comblera de joie.

J'ai l'honneur, etc. ›

Ceci, se dit Salvador après avoir lu, ne ressemble pas à un mandat de comparution; je crois que je puis, sans me compromettre, me rendre à l'invitation de cet estimable juge... La communication me comblera peut-être de joie... Je n'y comprends rien; si c'était un piége?... Ce n'est pas probable; et puis, après tout, au bout le bout. ›

Salvador sonna.

«La voiture, dit-il au valet qui se présenta à cct appel.

Les chevaux sont attelés, répondit le domestique.

Salvador descendit et donna l'ordre au cocher

anglais de Silvia, qu'il avait pris à son service

depuis l'aventure du bois de Vincennes, de le conduire au palais de justice.

Il fut de suite introduit dans le cabinet du juge d'instruction qui l'avait fait demander; ce magistrat se leva pour le recevoir et lui présenta un fauteuil.

Décidément, se dit Salvador après avoir répondu comme il le devait aux politesses du digne magistrat, décidément je n'ai rien à craindre.

Il y avait dans le cabinet, outre le juge et Salvador, une vieille femme, assise sur une modeste chaise de paille, et un grand et robuste gendarme chargé de veiller sur elle.

Connaissez-vous monsieur? dit le juge à la vieille femme, lorsque Salvador se fut assis.

-Je n'ai jamais vu monsieur, répondit la vieille femme, je ne puis donc avoir l'honneur de le connaître. »

Le juge, évidemment, ne s'attendait pas à cette réponse, qui parut l'étonner beaucoup.

Et vous, monsieur, dit-il à Salvador, connaissez-vous cette femme? >

Salvador regarda attentivement la vieille femme, qui paraissait aussi étonnée que le juge. Je ne l'ai jamais vue, répondit-il.

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