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on reprochait aux ministres leur faiblesse et leur condescendance pour des corporations, telles que les unions politiques qui n'avaient aucun caractère légal, qui ne tenaient leur mandat que d'elles-mêmes (sir Robert Peel, sir Ch. Wetherell, M. Douglas).

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Mais, répliquait le parti ministériel, en admettant qu'en général il ne soit pas bon de lier les représentants par des engagements spéciaux, si jamais ces engagements ont été justes et permis, c'est dans les circonstances actuelles. La question de la réforme a été si complétement, si longuement discutée, que la plupart des électeurs ont été à même d'en juger aussi bien que les membres envoyés au parlement. Le public a pu lire tous les débats que ce sujet a soulevés. Il avait donc le droit d'exiger des candidats qu'ils donnassent leur vote à une mesure comprise de tout le monde. Il était faux, au surplus, que les élections eussent été faites au milieu de la violence et de la fermentation; jamais il n'y en avait moins eu: dans tous les cas, cela ne pouvait pas affecter la justice et l'opportunité de la mesure en discussion. Si d'ailleurs on redoutait la violence, n'était-il pas vrai que, lorsque le peuple a un moyen légal de faire connaître ses sentiments, il est plus calme que lorsqu'il est obligé de les renfermer en lui-même? Il fallait donc lui donner la liberté de voter pour empêcher la licence des

actions.

Quant à la mesure, elle n'allait pas plus loin que la nécessité et la raison ne l'ordonnaient; elle n'était qu'une pure application des véritables principes de la constitution pour la ramener à son état naturel. Au lieu d'être dangereuse à la stabilité de la propriété, à la prérogative de la couronne, à l'influence légitime de l'aristocratie, elle devait les consolider toutes à la fois. Bref, le pays la demandait; il ne voulait rien de moins, et il prendrait bientôt davantage si on la lui refusait aujourd'hui (lord John Russel, sir F. Burdett, M. W. Brougham).

6 juillet. L'opposition revint à la charge; mais son langage amer et injurieux se ressentait du sentiment de son impuis

sance et de la prévision de la défaite inévitable qui l'attendait. En effet, la Chambre se divisa, et la seconde lecture du bill fut votée à une majorité de 136 voix (367 contre 231).

Cette imposante majorité répondait aux ministres qu'ils seraient maîtres de la discussion en comité, et qu'aucun amendement de l'opposition ne serait adopté, s'il touchait aux principes fondamentaux du bill. C'était donc à la Chambre des pairs qu'aurait lieu maintenant l'épreuve décisive; c'est là que se renouvellerait la lutte avec toutes ces incertitudes, avec ces chances variées de succès qui la rendent dramatique. Jusque-là le public ne s'intéressa que médiocremeut aux débats du comité de la Chambre des communes, qui ne furent pas achevés avant deux mois. Il porta principalement son attention sur des questions de politique extérieure, auxquelles des événements d'une haute importance donnèrent un intérêt vif et

soutenu.

Ces événements, dont l'opposition dans les deux Chambres s'empara avec avidité pour essayer de réveiller la vieille jalousie de l'Angleterre contre la France et harceler le ministère, étaient la résolution de raser les forteresses belges, l'expédition d'une flotte française dans le Tage, et l'entrée d'une armée française en Belgique après l'invasion des Hollandais.

Les lords Aberdeen et Wellington dans la Chambre des pairs, sir Robert Peel et sir Robert Vyvyan dans la Chambre des communes, exprimèrent à diverses reprises le mécontentement qu'ils éprouvaient de la démolition future de ces forteresse. Il y avait maladresse du ministère, disait lord Aberdeen (26 juillet), à avoir consenti cette démolition de boulevards élevés à frais communs par les grandes puissances de l'Europe, garantis par la foi des traités, et jugés indispensables à la sûreté des Pays-Bas. Toutefois l'opposition se calma un peu, lorsqu'elle eut appris que les négociations à ce sujet avaient eu lieu entre la Russie, la Prusse, l'Autriche et l'Angleterre, à l'exclusion de la France, dont l'ambassadeur n'y avait point pris part; que la désignation des forteresses à dé

molir deviendrait l'objet de nouvelles négociations d'où la France se verrait également exclue, et serait subordonnée d'ailleurs à l'assentiment du roi des Belges.

26 juillet. Quant au Portugal, lord Aberdeen et le duc de Wellington n'avaient pas de termes assez énergiques pour peindre leur dépit profond du succès de l'expédition française dans le Tage. En lisant dans le discours du roi des Français, à l'ouverture des Chambres, un passage où il se vante d'un air de triomphe, disait le duc de Wellington, que des vaisseaux portugais sont maintenant en sa puissance, et que le drapeau tricolore flotte sous les murs de Lisbonne, S. G. avait senti, elle sujet anglais, la honte rougir son front au spectacle d'un ancien allié traité ainsi avec la permission de l'Angleterre. S. S. était indignée que le ministère, par sa médiation, n'eût pas cherché à éviter une si cruelle calamité.

En vain lord Grey répondit que l'alliance de l'Angleterre et du Portugal, quelque intime qu'elle fût, ne pouvait pas aller jusqu'à s'opposer à une demande en réparation de griefs, demande que l'Angleterre avait faite elle-même la première, lord Aberdeen revint sur ce sujet dans la séance du 5 août, en réclamant des documents sur ce qui s'était passé à Terceira. Il se plaignit des outrages commis par ce qu'on appelait les troupes de la régéncé, des projets qu'on méditait au grand déshonneur et désavantage de l'Angleterre. Il était de notoriété publique que don Pedro cherchait à contracter un emprunt dans le but de conquérir le Portugal. It paraissait compter sur la bienveillance du gouvernement anglais; mais, ajouta lord Aberdeen, la moindre démarche de la part de l'Angleterre pour remettre don Pedro sur le trône de Portugal serait une violation flagranté dé lá neutralité. Il découvrait, dans l'expédition française en Portugal, un autre but que celui d'obtenir satisfaction pour les outrages dont quelques Français avaient été victimes: ce but, S. S. insinuait que c'était le renversement de don Miguel. Or, il était évident, selou l'orateur, que ce prince possédait l'affection de la pation

portugaise. Le gouvernement anglais n'avait pas à s'inquiéter du caractère du roi de Portugal; il avait à voir seulement qu'il était de fait le souverain de ce pays. La position de l'Angleterre vis-à-vis de don Miguel était la même que vis-à-vis du roi des Français, depuis qu'il avait saisi l'héritage de son jeune neveu, en faveur duquel Charles X avait abdiqué.

Ce discours, qui soulevait de graves questions, exigeait de la part de lord Grey une réponse d'autant plus curieuse qu'elle devait faire connaître la ligne de conduite qu'il adopterait dans la lutte prochaine, et alors prévue de tout le monde, entre les deux princes de la maison de Bragance. Cette réponse ne se fit pas attendre :

Le noble comte, dit le ministre, a affirmé que la réparation demandée par la France au Portugal n'avait pas été refusée; et moi, je soutiens qu'elle l'a été dans la forme sous laquelle elle était exigée et avait droit de l'être. L'avis avait été donné par l'Espagne elle-même de se soumettre aux réclamations de la France. Ainsi avait fait l'Angleterre de son côté, dès l'origine. Ces avis ont été sans influence.

«Le noble comte a parlé ironiquement de ma prédilection pour les libéraux des Açores, et de mon inimitié pour le despote portugais. Eh! bien, en dépit de toutes ces censures, j'avoue ma prédilection pour tous les gouvernements fondés sur le droit et sur la justice. J'avoue de même ma haine pour l'usurpation fondée sur la cruauté. (Applaudissements.) Je n'en reste pas moins fidèle aux principes de sagesse politique qui empêchent le gouvernement d'intervenir dans les affaires des autres nations.

Je n'ai pas été peu surpris d'entendre le noble comte parler de l'affection de tous les Portugais pour don Miguel, lorsque j'ai encore dans la mémoire les expressions dont s'est servi à son égard un de ses anciens collègues. Et aujourd'hui don Miguel est devenu tout à coup un grand homme. C'est à Henri IV qu'on le compare! Oui, sans doute, don Miguel peut être assassiné comme l'a été Henri IV. Assurément je ne justifie pas l'assassinat, je le déteste, quel que soit l'homme contre lequel se commet le crime; mais en vérité ma haine pour l'assassinat ne me ferait pas intervenir en faveur de don Miguel dans les affaires de Portugal à toute occasion qui s'en présentera. Une intervention serait réglée par les intérêts de mon pays. Au reste, ce n'est pas le Portugal seul qui ré clame aujourd'hui notre attention. La Belgique, la France, la Pologne, toute l'Europe, on peut le dire, sont dans une situation critique, et c'est ce moment que choisit le noble comte pour jeter au loin des brandons de discorde. Je ne parlerai pas des expressions du noble comte, lorsqu'il a dit que le roi des Français a saisi l'héritage de son neveu! (Lord Aberdeen se lève et répond: Je n'ai pas dit saisi, mais occupé.)

Cela ne mérite pas de réponse, reprenait lord Grey; j'aime bien mieux féliciter lord Aberdeen lui-même et ses anciens collègues, de la promptitude qu'ils ont mise à reconnaître le souverain actuel de la France. La conduite de la France dans les affaires de Portugal a été pleine de

franchise et de loyauté. L'Angleterre n'avait aucun droit de s'opposer à ce qu'elle exigeât les réparations qui lui étaient dues. D'ailleurs, je puis annoncer que l'escadre française a déjà quitté le Tage, ou est à la veille de le faire.

Lord Aberdeen a parlé de négociations du gouvernement anglais avec don Pedro, pour combiner une expédition qui aurait pour but de compromettre la neutralité de l'Angleterre. Je donne un démenti formel à cette assertion. Que don Pedro cherche à négocier des emprunts, qu'il fasse ses efforts pour reconquérir la couronne de sa fille, le gouvernement anglais n'a pas le droit de s'y opposer: il ne doit que maintenir la position de neutralité qui lui appartient. »

Le duc de Wellington, pour justifier son noble ami, lord Aberdeen, et lord Holland, pour lui répliquer sur le même ton que lord Grey, se mêlèrent aussi à ce débat, qui se termina par le rejet de la motion, sans division.

D'autres motions sur les affaires belges, qui témoignaient du sentiment d'aveugle jalousie avec lequel les torys ne cessaient de surveiller toutes les demarches de la France, n'obtinrent pas plus de résultat dans l'une et l'autre Chambre, bien que l'opposition n'eût pas eu de repos que l'armée française n'eût complétement évacué la Belgique. Les discussions qui s'élevèrent à ce sujet, et c'est tout ce que nous avons à en dire ici, étaient de nature à prouver que le cabinet anglais avait une sincère disposition à maintenir la paix générale, de concert avec la France et ses autres alliés. Cependant, l'un des organes influents du parti tory, de ce même parti qui plus tard se montrera si pacifique dans l'intérêt de la Hollande, sir R. Vyvyan, assurait aux ministres qu'ils ne devaient pas craindre de n'être pas soutenus par l'Angleterrre dans une guerre qui serait dirigée contre la France. Mais, quelque envie que l'opposition eût de faire rompre les relations amicales des deux gouvernements, elle n'eut aucun succès : le ministère, fort de l'appui que lui prêtait la nouvelle Chambre des communes, put continuer à suivre le système de politique extérieure qu'il avait adopté.

Le Portugal et la France furent mis encore une fois en présence à propos d'une disposition financière pour égaliser les droits d'importation sur les vins étrangers. Cette disposition, qui portait qu'à l'avenir tous les vins paieraient 5 sh. et demi

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