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rien offrir de nouveau à relever, si ce n'est l'attitude hostile ou favorable au bill que prirent quelques pairs, dont l'opinion empruntait de leur position politique un caractère plus remarquable. C'est ainsi que lord Lyndhurst, ex-lord chancelier, lord Tenterden, grand-juge de la cour du banc du roi, et l'archevêque de Cantorbéry se prononcèrent contre le bill.

Les orateurs, dans les deux partis, s'étaient souvent adressés au banc des évêques, dont le vote en cette circonstance pouvait décider du sort de la mesure. Jusqu'alors une sorte d'incertitude avait régné sur la détermination que prendraient les révérends prélats. Mais le discours de l'archevêque de Cantorbéry présageait que l'appui des lords spirituels manquerait aussi à la réforme.

Deux frères du roi s'exprimèrent ensuite dans des sens contraires le duc de Sussex pour, et le duc de Glocester contre le bill. Enfin lord Grey vint clore cette longue discussion, en repoussant avec énergie les arguments de l'opposition, dont plusieurs membres avaient combattu le bill, à ce qu'il lui semblait, moins dans le but de le faire échouer, que de chasser ses défenseurs du ministère.

Ne vous abusez pas, Milords, dit S. S., le rejet du bill jettera un mécontentement profond dans le peuple. J'espère que, malgré ses souffrances, il n'ira pas jusqu'à troubler la paix publique, et que surtout il n'aura pas recours à cette résistance passive que ses ennemis lai conseillent; je veux dire le refus de l'impôt; car rien ne serait plus contraire à la constitution du pays.

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On a dit que, dans des circonstances pareilles, si j'abandongais le ministère, ce serait de ma part un abandon coupable du roi. J'aurai alors à voir ce que je devrai faire, et vous pouvez être sûr que je n'abandonnerai pas le roi aussi long-temps que je pourrai lui être utile. Je n'ai jamais désiré le pouvoir: il m'a été offert comme un devoir auquel ne devait pas se soustraire un homme qui a d'aussi grandes obligations que moi à son souverain. Je ne demande que la retraite et l'obscurité de la vie domestique au sein de ma famille, mais, je le répète, tant que le parlement, le pays et le roi ne me retireront pas leur confiance, je resterai au ministère, et, quoi qu'il arrive, j'en sortirai avec la conscience de n'avoir rien négligé pour servir mon roi et mon pays. »

Des applaudissements prolongés suivirent ces paroles du ministre, mais plutôt comme un hommage rendu à un grand talent, que comme signe d'un changement opéré dans les con

victions de la majorité, ainsi que le prouva la division qui se fit le 8 octobre, à six heures du matin. Elle donna pour résultat:

Contre la seconde lecture du bill

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Ainsi la majorité des pairs n'avait tenu aucun compte de l'opinion publique, si généralement favorable à la réforme; l'opinion publique à son tour tint bon contre le vote de la Chambre haute. Ni l'enthousiasme pour le bill, ni l'espérance de le voir tôt ou tard passé en loi du pays ne diminuèrent d'un seul degré de toutes parts, dès le premier moment, ce fut un cri unanime pour que le ministère réformateur ne se retiråt pas.

10 octobre. A l'ouverture de la séance de la Chambre des communes, le lundi suivant, lord Ebrington proposa de déclarer, 1° que la Chambre avait vu avec un extrême regret le rejet du bill de réforme, conçu et discuté avec tant de soin et de maturité, demandé et accepté universellement par la nation; 2° qu'elle conservait l'intime conviction de la nécessité de la réforme, fondée sur les principes du bill de lord John Russel, et qu'elle était déterminée à soutenir les ministres actuels dans leur lutte pour faire triompher la mesure.

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«Jamais, dit lord Ebrington, je n'ai senti aussi fortement la terrible

(1) Tous les évêques, au nombre de 11, avaient voté contre la seconde lecture, à l'exception de ceux de Chichester et de Norwich. L'archevêque d'York et six autres évêques, y compris celui de Londres, s'étaient abs

tenus.

situation du pays que dans le moment actuel; mais ce n'est pas sur cette situation, que vous connaissez aussi bien que moi, que je viens vous parler. Ce que j'ai à vous proposer est tout simplement la confirmation de ce que vous avez déjà fait. Vous avez adopté un bill, reconnaissant que la représentation dans cette Chambre exige des changements (applaudissements). Quoique fe bill n'ait pas été aussi loin que je l'aurais désiré, cependant il và plus loin qu'aucune mesure que qui que ce soit aurait pu proposer (écoutez!). Il aurait satisfait aux vœux d'une grande partie de la société, et aux besoins de la communauté; je ne puis m'empêcher d'après cela de regretter le résultat. Les ministres en place ont beaucoup fait pour tranquilliser la société, qui était fort agitée au moment où ils sont entrés au ministère. En moins d'un an ils ont aboli plusieurs impôts importants; ceux entre autres sur la chandelle, les cotons imprimés et le charbon; ils ont atnendé les lois sur la chasse à la satisfaction de tous les hommes moraux (1) (applaudissements ). D'un autre côté, les plaideurs à la cour de la chancellerie n'ont-ils rien gagné par le nettoiement de ces étables d'Augias (grands applaudissements)? Les efforts gigantesques de mon noble et savant ami ont fait des miracles; il a déployé des forces presque au-dessus de l'humanité. Il est cependant douloureux de penser que le gouvernement soit tombé entre deux opinions, et qu'il ait essayé de concilier des personnes qui ne pourraient jamais se concilier avec un gouvernement libéral. Il y a eu des péchés d'o mission aussi bien que d'action, et sous ce rapport les ministres viennent de recevoir une leçon assez sévère. J'espère que le noble lord Grey nous sera conservé à la tête du gouvernement, et qu'il évitera à l'avenir ce qui lui a été si fatal. Quant à moi, je continuerai à soutenir l'administration, mais jamais je n'y accepterai une place. Je me flatte qu'elle sentira la nës cessité d'agir différemment et d'une manière plus décidée à l'avenir. Elle jouit de la confiance du pays, et je ne doute pas que sous peu elle ne réussisse dans une mesure sans laquelle il n'y a point de tranquillité à espérer. Elle passera, pourvu que le peuple reste calme et le gouvernement ferme. Rien ne saurait l'empêcher de passer.» (Applaudissements.)

Plusieurs orateurs prirent ensuite la parole pour appuyer la motion, s'accordant tous à déclarer que le maintien du ministère, dans l'état actuel des choses, pouvait seul assurer la tranquillité publique, et que la démission des ministres, en trompant toutes les espérances de la nation, la jetterait dans un abime d'anarchie et de confusion. La constitution serait suspendue de fait, toutes les autorités seraient méconnues, les sommations des percepteurs d'impôts méprisées, les propriétés

(1) Ceci est une allusion à un bill récemment adopté par les Chambres et sanctionné par le roi', pour détruire le privilége sur la chasse, dont jouissait seule la haute noblesse. En vertu de ce bill, qui a passé inaperçu, malgré son importance, au milieu des discussions sur la réfornie, chacun désormais pourra chasser sur son terrain.

menacées, le crédit public ébranlé, et la société elle-même en danger de se dissoudre (MM. Macauley, Sheil, O'Connell, Duncombe).

Il est inutile de dire que, dans le cours de cette discussion, les pairs spirituels et temporels furent attaqués avec une grande violence. M. Sheil invita les ministres, à ne pas laisser la mitre sur un seul front d'Iscariot. Aux yeux de M. Hume, le vote de la Chambre haute était le résultat de l'entétement aveugle, et déraisonnable d'une misérable minorité qui voulait priver la majorité de ses justes droits. D'autres insistèrent pour que le gouvernement n'hésitàt pas, si cela était nécessaire, à créer autant de nouveaux pairs qu'il en faudrait pour assurer au bill un triomphe éclatant. « Il y a eu, disait-on, une majorité de 41 voix contre le bill, pourquoi ne pas faire 82 pairs? Le peuple a envoyé ici une immense majorité de réformateurs › pourquoi les ministres n'enverraient-ils pas une majorité également décisive dans l'autre Chambre? »

- Du côté de l'opposition, on combattait la motion comme inutile. Les opinions de la Chambre étaient assez connues; ni ses droits ni ses priviléges n'avaient été lésés par ce qui s'était passé. De pareils débats, loin de calmer le pays, në fes raient qu'ajouter à son irritation (M. Goulburn, sir Ch. We therell, M. Croker, sir R. Peel).

Lord Althorp se leva à son tour, et après avoir dit que la motion avait été présentée sans aucune suggestion du ministère, il ajouta:

Quant à moi, je ne resterais pas un seul instant de plus au ministère, si je n'avais la ferme espérance qu'une mesure de réforme aussi efficace sera représentée et finalement adoptée. Je ne prétends pas dire que des modifications ne seront pas opérées, qui, sans diminuer l'efficacité de la mesure, la rendront encore plus parfaite. Mais je ne donnerai mon aps probation à aucun bill que je ne jugerais pas dans ma conscience capable d'accorder au peuple une représentation franche, entière et libre dans le parlement, et qui ne conduirait pas aux mênies résultats que celui-ch Je n'ai pas besoin de dire que le gouvernement n'a pas l'intention de faire d'autre proposition à la Chambre. Les adversaires de la réforme ont certainement remporté un grand triomphe; ils peuvent s'en réjouir toutefois je ne pense pas que leur triomphe soit définitif, car je suis profondément convaincu que la mesure n'est qu'ajournée. Si le peuple d'Angle

terre reste ferme et résolu, mais paisible, je crois qu'il ne peut y avoir dé doute sur le succès prompt et complet qu'il doit obtenir. Une seule chose pourrait le faire manquer: ce serait le recours à des actes de violence, et l'adoption de mesures de résistance contraires à la constitution..

La Chambre alla ensuite aux voix, et 329 membres contre 198 se prononcèrent pour la motion.

Les ministres, restèrent donc en place, avec la ferme résolution de présenter un nouveau bill de réforme dans la session prochaine. Ce fut un bonheur pour l'Angleterre ; car, dans le cas de leur démission, on ne peut prévoir jusqu'où les troubles et les violences n'auraient pas été portés, en voyant quels déplorables désordres, quelles graves et énergiques démonstrations de mécontentement suivirent le rejet du bill par la Chambre haute.

-Ici on fermait les boutiques en signe de deuil; là, les cloches mises en branle, enveloppées de couvertures, comme dans un temps de grande calamité, répondaient par des sons lugubres et sourds à la douleur du peuple; ailleurs des pavillons noirs étaient arborés sur les clochers. Bref, l'Angleterre, suivant l'expression significative d'un journal de l'époque (the Times), n'eût pas été plus agitée si Bonaparte, il y a vingt ans, fût descendu sur la côte de Kent à la tête de 200,000 hommes. De toutes parts les paroisses s'assemblaient pour signer de nouvelles adresses, dans lesquelles on priait le roi de continuer sa confiance aux ministres, de proroger le parlement, de faire une nombreuse création de pairs.

A Londres, on décida que les habitants des paroisses iraient eux-mêmes porter l'expression de leurs vœux au palais de Saint-James. En conséquence, deux à trois cent mille individus se mirent en marche, le 12, vers le palais, ayant un grand nombre de bannières décorées d'inscriptions analogues à la circonstance, et se bornant, pour la plupart, à pousser des cris de désapprobation devant les hôtels des pairs anti-réformistes. Malheureusement, des hommes malintentionnés s'étaient glissés dans cette vaste multitude, malgré toutes les précautions que le gouvernemet avait prises pour maintenir l'ordre;

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