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tutionnelles toute leur force, il faut encore qu'elles trouvent une nouvelle sanction dans la haute improbation des pouvoirs publics. En flétrissant de notre blame solennel cette mesure inconstitutionnelle, nous croyons devoir remplir un devoir sacré envers Votre Majesté aussi bien qu'envers le pays; car le trône de Juillet et la Charte de 1830 sont solidaires: l'une ne peut être violée sans que l'autre soit ébranlée. » Ainsi parlait le parti de M. Dupont (de l'Eure), par l'organe de M. Mérilhou.

M. Laurence, revenant sur les affaires étrangères et spécialement sur la Pologne, attaquait tout le système de politique extérieure. « Nous avons reçu de Votre Majesté, disait-il, l'assurance qu'après avoir résisté au temps et à ses vicissitudes, la nationalité polonaise ne périrait pas, et cependant elle semble près de s'éteindre. Les sympathies, la reconnaissance et les intérêts de la France ne peuvent la laisser indifférente aux malheurs inouïs de la Pologne. Si malgré les imprescriptibles droits de ce peuple héroïque, la voix de la politique européenne n'a pu obtenir encore son rétablissement au rang des nations, nous conservons la ferme espérance que nos vœux et ceux des vrais amis de la civilisation ne seront pas long-temps impuissans. » Cette phrase sur la Pologne était une nécessité de toutes les adresses. Ensuite le général Lafayette élevait encore la voix en faveur de ses chers Italiens abandonnés et délaissés par la France ('). « Le but déclaré de l'expédition d'Ancône ayant été de pro

(') Les notes diplomatiques indiquaient toujours M. de Lafayette

comme le grand promoteur de la propagande.

téger cette portion de l'Italie contre les empiétemens d'une intervention voisine, disait-il, et les ministres de Votre Majesté nous ayant dès-lors annoncé la prompte réalisation des institutions promises aux États romains, nous espérons apprendre par les communications du gouvernement, que dans les divers rapports résultant de cette mesure, l'honneur du pavillon tricolore n'a pas été compromis. » Enfin, M. Dulong ('), expression de la fraction démocratique appelait un allégement aux charges des masses; ce qui en politique est toujours un grand mobile de popularité. « Nous espérons qu'afin de payer au peuple la dette de la Révolution de Juillet, votre gouvernement cherchera tous les moyens d'alléger les charges qui pèsent surtout sur les classes pauvres et souffrantes, par la diminution des dépenses publiques et une meilleure répartition de l'impôt; qu'il s'efforcera de sortir du provisoire qui embarrasse et complique la perception des revenus publics, et qu'il se renfermera avec plus de sévérité dans les allocations du budget. >>

Cette série d'amendemens successivement rejetés embrassait l'ensemble de la politique ministérielle ('); mais cette politique alors était soutenue

(') M. Dulong était le parent et l'ami le plus intime de M. Dupont (de l'Eure); il avait fait un moment partie du personnel de la chancellerie.

(2) L'adresse ainsi votée fut portée aux Tuileries, et le roi répondit:

<< Messieurs les députés, l'a

dresse que vous me présentez me cause une vive satisfaction; les sentimens qu'elle exprime et ceux que vous m'avez manifestés il y a peu de jours, lorsque vous êtes venus en masse auprès de moi, me touchent profondément. Entouré de mes cinq fils que je laisserai à la France pour la défendre, je crains peu les criminelles tentatives des

par le tiers parti dont l'adresse était l'œuvre et qu'il devait appuyer de ses votes. La gauche abandonnée à elle-même n'offrait pas une opposition assez forte pour s'emparer du pouvoir; le scrutin donna donc une immense majorité au discours de la couronne : dès-lors le gouvernement put commencer l'œuvre de la session. Au demeurant cette adhésion de M. Dupin fut d'un bon résultat pour l'ordre politique; le tiers parti avait des répugnances, il n'avait pas de principes; si on lui eût abandonné M. de Broglie et M. Guizót, il aurait volontiers voté toutes les lois d'exception; et l'état de siége même ne lui eût pas été antipathique, pourvu qu'il en eût gardé la conduite. Le ministre du 11 octobre abordant la session parlementaire sans grande hésitation résolut surtout d'abandonner les voies interminables des débats indécis sur la politique générale pour accomplir une session d'affaires et d'administration publique, intérêts jusqu'ici trop oubliés. Le pays assourdi commençait à se fatiguer de tous ces violens débats; le caractère si déclamatoire des discussions sur l'adresse dégoûtait même les admirateurs les plus ardens du système représentatif: n'était-il pas déplorable de voir des hommes sérieux se disputer quinze jours sur de pauvres phrases et des subtilités dignes du Bas-Empire?

factions; tous mes vœux sont pour la liberté, la prospérité et la gloire de la France; ces vœux sont aussi les vôtres. C'est avec une parfaite sincérité que mon gouvernement travaille à les accomplir, et ce n'est qu'avec votre concours qu'il peut y travailler utilement. Je suis heureux de vous voir vous associer à

ces vues. Votre adhésion est la plus sûre garantie de leur sagesse. Cette heureuse harmonie des pouvoirs de l'État assurera le maintien de l'ordre et des lois, imprimera le plus grand essor à notre prospérité et inspirera à l'Europe cette sécurité qui est la base de la paix générale. Bientôt nous verrons nos

Les premiers projets présentés à la Chambre des députés furent donc entièrement étrangers aux débats politiques. Les votes de finances arrivaient à leur terme, et trois douzièmes furent demandés au grand regret du ministre, esprit fort régulier. Associé aux idées et aux projets de M. de Villèle, M. Humann avait appris de ce ministre éminemment pratique l'importance d'avoir son budget voté d'avance; or pour arriver à ce résultat, M. de Villèle avait autrefois convoqué une double session dans une même année. Cet exemple M. Humann voulait le suivre pour arriver à un meilleur ordre financier et à une fixation plus régulière des cotes. Presque immédiatement avec ce projet, le ministère présenta à la Chambre un système d'organisation municipale et départementale, lois secondaires promises par la Charte et qui devaient se ressentir des tendances peu favorables à l'aristocratie. Le débat porterait nécessairement sur le plus ou moins d'étendue donnée à l'action propriétaire dans les élections; le ministère garda tout ce qu'il put des principes conservateurs, cherchant à démontrer l'urgence de donner une place considérable à la propriété foncière. Telles n'étaient pas alors les idées de la Chambre des députés et de la majorité même du pays; une sorte de guerre

soldats, nos enfans rentrer avec honneur sur le sol de la patrie, et nous rapporter des bords de l'Escaut un nouveau gage de la paix générale.

« Ce jour que nous attendons avec impatience et qui ne saurait ètre éloigné, donnera la plus sûre

et la plus éclatante démonstration de la sagesse du système que nous soutenons ensemble avec tant de persévérance. Je vous remercie encore une fois de l'appui que vous accordez à mon gouvernement pour m'aider à remplir les vœux de la France et assurer ses destinées. »

était déclarée à toute supériorité territoriale; sous prétexte d'aristocratie on excluait des affaires publiques les existences conservatrices. Il se présenta dans ce débat une circonstance curieuse, témoignage de l'instabilité des choses humaines: il y avait quatre ans à peine dans la session de 1829, que M. de Martignac en présentant sa loi départementale avait défendu comme une question capitale l'existence des conseils d'arrondissement, et à cette époque la Chambre par une fusion de droite et de gauche rejeta l'opinion du ministre; le cabinet retira sa loi alors sonna l'heure de la mort du cabinet de M. de Martignac ('). Eh bien! quatre ans après, le même parti qui par l'organe de M. Sébastiani et de M. Dupin avait rejeté les conseils d'arrondissement, les soutenait cette fois avec la même vigueur que l'avait fait M. de Martignac. La Chambre adopta le système des conseils d'arrondissement, et donna ainsi un nouvel exemple de toute la mobilité de ces guerres de partis qui brisent les meilleures combinaisons politiques. Si en 1829 la loi départementale n'avait pas été rejetée, le ministère de M. de Martignac se fût conservé, et alors point de ministère du 9 août et peutêtre point de révolution.

Le tiers parti, aux vues si étroites, imprima toujours son cachet à ces lois; il s'opposa constamment à toute action religieuse ou aristocratique dans le projet, et M. Dupin obtint le grand triomphe de faire déclarer que les curés ne seraient point comp

(') Combien de fois M. de Martignac et M. de Portalis ne m'ontils pas raconté que ce fut là l'ori

gine de la chute de leur ministère. Charles X ne le dissimula pas. (Voyezl'Histoire de la Restauration)

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