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l'espoir d'en finir avec le désordre moral des esprits.

Ces informations secrètes communiquées à l'empereur de Russie constatèrent le bon vouloir de la monarchie du 9 août pour se lier au système européen : on n'avait plus d'autre parti possible que de la soutenir dans son œuvre. Dès-lors le congrès de MuntzGraëtz se borna à des traités éventuels, à de encas sur l'avenir; sa réunion avait pour but plutôt une démonstration diplomatique qu'une démarche hostile contre les faits accomplis ('). On voulait témoigner à la France révolutionnaire que l'Europe monarchique était prête à soutenir une lutte; il ne fut fait rien au-delà, les intérêts n'étaient pas les mêmes, pour prendre des résolutions unanimes comme autrefois à Laybach ou à Vérone. Les temps étaient changés; aucune résolution militaire ne fut donc arrêtée, on confirma l'acceptation des faits accomplis, seulement il fut convenu que la question allemande serait soutenue par tous les moyens, et que la Confédération germanique resterait maîtresse chez elle.

(') La plupart des conventions jestés, les dispositions qui suisecrètes de Muntz-Graëtz furent vent : plus tard converties en édits publics. En voici un exemple:

<< Pour affermir davantage les relations d'amitié et de voisinage qui existent entre nous et nos États et LL. MM. l'empereur de Russie, roi de Pologne et le roi de Prusse, et prenant en considération l'intérêt égal des trois puissances, au maintien de la tranquillité et de l'ordre légal dans les provinces polonaises soumises à leur souveraineté, nous avons arrêté d'un, commun accord avec Leurs Ma

« Quiconque commettra dans les États de l'Autriche, de la Russie ou de la Prusse, les crimes de haute trahison, de lèse-majesté ou de révolte à main armée, ou qui entrera dans un complot dirigé contre la sûreté du trône ou du gouvernement, ne trouvera ni asile ni protection dans les autres États. Les trois cours s'engagent au contraire à ordonner l'extradition immédiate des individus accusés des crimes ci-dessus spécifiés lorsqu'il y aura eu réclama

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Ce fut donc autant pour compléter le congrès de Muntz-Graëtz que pour donner un témoignage public de déférence à l'empereur d'Autriche que tous les ministres de la diète furent appelés à Vienne, sous la présidence du prince de Metternich. Là durent encore être arrêtées des mesures coërcitives sur l'Allemagne, et la nécessité de réprimer les assemblées représentatives, les universités, et ce qui restait encore d'une presse libre. L'Europe semblait prévoir qu'il y aurait une nouvelle lutte en France; lutte immense contre une insurrection organisée presque publiquement avec des clubs et des associations avouées : était-il possible, en effet, que l'Europe restât paisible tant qu'elle voyait la société des Droits de l'homme jeter ses ramifications sur tous les points de la France et du monde, un jury qui acquittait toujours par peur ou mauvaises passions ('), une presse qui discutait le principe du gouvernement sans respect pour les personnes et les choses inviolables. Cette désorganisation profonde que l'idée de 1789 avait jetée dans

res civils et militaires et autres autorités de tenir la main à leur exécution pleine et entière à partir du 1er mars 1834.

<< Donné dans notre capitale de Vienne, le 4 janvier 1834, et dans la quarante-deuxième année de notre règne.

tion de la part du gouvernement auquel ces individus appartiendront; mais il est bien entendu que ces dispositions n'auront point d'effet rétroactif. Après être convenu avec S. M. l'empereur de Russie, roi de Pologne et S. M. le roi de Prusse, que les engagemens ci-dessus stipulés seraient simultanément publiés officiellement dans les trois États, nous les pro- (') Il y eut toujours un peu de mulguons par le présent édit et vague dans tout ce qui fut résolu les portons à la connaissance de à cette époque, et on peut s'en nos sujets pour qu'ils leur servent faire une idée par l'article qu'on de règle. Nous ordonnons en mê~, va lire ici : « Le congrès des mome temps à tous nos fonctionnai- narques est terminé; l'empereur

« Signé FRANÇOIS. »

les esprits devait être déracinée par une législation prévoyante et ferme; il ne suffisait pas d'avoir vaincu la révolution dans les rues, il fallait la briser dans son principe. Voulait-on rendre à la France sa splendeur morale et sa grandeur diplomatique? il fallait attaquer de front l'esprit révolutionnaire; labeur immense pour les hommes d'État et peut-être au-dessus des forces humaines.

de Russie a quitté Muntz-Graëtz poor visiter la Pologne. Les politiques de tous les pays et de toutes les nations se perdent en conjectures, par rapport aux décisions que les monarques peuvent avoir prises à Muntz-Graëtz et l'on répand à cet égard les bruits les plus contradictoires. Nous pouvons assurer que cette entrevue des monarques n'a eu lieu qu'avec les plus pacifiques et les plus nobles intentions

de garantir ce qui existe contre les effets désastreux de la propagande sur le bonheur et le repos des peuples; que l'on ne veut que le droit et la justice, le salut et la prospérité des nations, mais que l'on veut aussi s'opposer avec vigueur à tous les efforts futurs du parti qui désire les bouleversemens et que partout on cherchera à les étouffer dès leur naissance.»

(Teutsche-Vaterlandszeitung.)

CHAPITRE VI.

ESPRIT PUBLIC DES PROVINCES, ACTES MINISTÉRIELS.

(JUIN 1833 A MARS 1834.)

Causes de l'agitation provinciale. — La presse. — L'administration. — La garde nationale. L'opinion royaliste.

La majorité de M. le duc de Bordeaux.

-La cour de Charles X. - Voyage à Prague. Gouvernement de Paris. Préfecture de la Seine. - Retraite du comte de Bondy. - M. de Rambuteau

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préfet. - La police de M. Gisquet. — Caractère violent des poursuites de M. Persil. La cour d'assises. - Premier procès pour attentat. Poursuites contre la société des Droits de l'homme. - Acquittement. - La condamnation de M. Cabet. La presse politique. — Publications de M. Bérard, de M. Sarrans et de M. Pepin. - Esprit et tendance du ministère. Nécessité d'une répression. —Attaquera-t-on la publicité dans les rues, et les associations secrètes ? — Actes de chaque ministre en particulier. — Le maréchal Soult. L'armée et les économistes. - Le duc de Broglie. — M. Barthe et les tribunaux. — M. Thiers, les travaux publics et le commerce. struction publique, M. Guizot. - M. d'Argout et l'administration.

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Un des caractères qui marque les grandes émotions du peuple en France, c'est que la révolte vive et profonde d'abord à Paris s'éparpille ensuite en province comme un lointain retentissement; cela se vit à des époques moins régulièrement organisées, vieilles et sanglantes aussi, lors de la rébellion des bouchers sous Charles VI, durant la Ligue et la Fronde. Il arrive même que Paris s'apaise et que la province reste en

core émuè et sourdement agitée. Après la répression des sanglantes journées des 5 et 6 juin, l'organisation du parti républicain devint surtout provinciale; surveillée et vaincue à Paris, l'émeute avait plus d'espérance dans les départemens, et ici, il faut le dire, elle ne trouvait pas ces vigoureux moyens de répression qui forment comme le caractère spécial de la police centralisée, telle que l'empire l'avait comprise. A Paris, tout était classé, surveillé; nulle action n'échappait dans ce vaste réseau que la police avait jeté sur les masses; d'ailleurs le besoin d'ordre se faisait d'autant plus sentir dans ce vaste centre que l'émeute avait un caractère plus sauvage et plus désordonné. On avait effroi de contempler ce bas peuple des faubourgs, ce ramas repris de justice qui avait ravagé l'archevêché et arraché les croix du faîte des cathédrales (1).

Dans les départemens néanmoins, il y avait des causes nouvelles et plus actives de désordre; par un avis supérieur du comité occulte qui dirigeait la pensée républicaine, des feuilles publiques spécialement consacrées à défendre et à protéger la démocratie, à raviver et exciter l'esprit d'émeute et de désordre, s'étaient fondées dans beaucoup de départemens, aux chefs-lieux surtout où se trouvaient des masses d'ouvriers réunis. Ainsi, à côté du club mutuelliste, en face de la manufacture souffreteuse et maladive, il y avait un organe des plaintes et des griefs de la classe prolétaire, remuant toutes les passions, parlant aux pauvres du despotisme et de la domination des ri

(') Au fond des âmes honnêtes, 1834, qui avait laissé l'empreinte c'était surtout l'émeute de février la plus profonde.

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