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de la convention, comme la continuation d'un état de choses qui existait tacitement depuis le mois de novembre 1830; enfin qu'il avait réclamé les dispositions réglémentaires que la mise en pratique de certaines parties de la convention pouvait rendre nécessaires.

Dans la discussion de l'adresse, dont la rédaction n'avait d'ailleurs aucun caractère hostile au gouvernenient, le ministère retrouva encore sur la brèche MM. de Brouckère, Dumortier, Gendebien, et plusieurs autres de ses anciens adversaires, pour attaquer son système tant à l'intérieur qu'à l'extérieur, Leurs reproches roulaient en grande partie la destitution de quelques fonctionnaires pour cause d'opinion, sur la dissolution de la Chambre, et sur les troubles dont les villes d'Anvers et de Gand avaient été le théâtre pendant le mois précédent. Quant aux débats sur la politique extérieure, c'était naturellement la convention du 21 mai qui devait en faire tous les frais.

Le ministre de la justice commença par établir que rien n'est plus difficile à un pouvoir naissant, au sortir d'une révolution, que de ramener le calme après la tempête, l'ordre après le chaos, Les passions contre-révolutionnaires alimentent sans cesse les passions révolutionnaires; l'opposition, qui ne prend pas pour point de départ le gouvernement existant, passe aux yeux du peuple, non plus pour une opposition, mais pour un ennemi réel. Que peut alors le gouvernement pour lutter contre les partis, contre l'effervescence populaire, en présence de provocations incendiaires?

« En règle générale, continuait l'orateur, plus les institutions d'un pays sont démocratiques, plus l'action du pouvoir est faible, et plus aisément aussi s'élèvent des conflits. Parcourez l'histoire de la Hollande, et vous verrez fréquemment les conflits démocratiques passer sur la place publique. Voyez l'Amérique du Nord, pays où la liberté de la presse est la plus illimitée, eh bien, c'est là qu'il y a le plus de duels et de conflits de

cette nature.

Si je vous parle ici des troubles de Gand et d'Anvers, ce n'est pas pour les justifier, mais pour les expliquer; non pour en faire l'apologie, mais pour laver le pouvoir de l'absurde imputation de les avoir provoqués.

N'a-t-on pas vu depuis deux ans l'opposition accuser le ministère de toutes les émeutes? Les derniers troubles ont été provoqués par la presse contrerévolutionnaire. Plusieurs d'entre vous savent à quel excès d'audace cetle presse est parvenue, sa violence a franchi toutes les bornes. Les partis sont ordinairement indulgens pour ceux qui servent leurs intérêts; mais je vais vous citer quelques passages de ces feuilles qui attaquent ŝans pudeur le roi et une jeune femme plus respectable encore par ses vertus que par son rang, et vous n'entendrez pas sans dégoût de pareilles turpitudes.

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Ici le ministre donnait lecture de quelques passages des journaux orangistes, et demandait s'il était étonnant, après des attaques aussi dégoûtantes, aussi prolongées, que des bfficiers, indignés des injures déversées sur une dynastie à laquelle ils avaient voué leur épée, eussent cédé un moment au désir de punir ces impudentes provocations. Au surplus il démontrait, pièces en main, que l'autorité judiciaire avait fait tout ce qui dépendait d'elle pour prévenir ou réprimer les désordres ; que si l'autorité militaire n'avait pas concouru immédiatement au même but, même but, c'était l'objet d'une enquête dont la justice était saisie, et que jusqu'à ce qu'elle eût prononcé, on ne devait rien préjuger.

De nouveaux éclaircissemens dans le même sens furent donnés par le ministre de l'intérieur, qui répondit plus spécjalement aux accusations dont il avait été l'objet de la part de M. Dumortier, pour avoir destitué quelques fonctionnaires ouvertement hostiles au gouvernement. Il avait exercé un droit et même rempli un devoir; il avait obéi à une nécessité de position.

Après avoir affirmé que le ministre de l'intérieur avait violé la constitution, 'en destituant de leurs fonctions administratives des députés non sujets à être recherchés ou poursuivis à l'occasion de leurs opinions et de leurs votes, M. Gendebien, entrant dans l'examen de la convention du 21 mai, trouvait que le traité du 15 novembre n'existait plus et que la Belgique était rejetée dans le dédale de la diplo

matie.

M. Nothomb, s'attachant à la question du nouveau traité, en développa les motifs et les avantages avec une netteté qui re

commande cette partie de son discours à l'attention du lec

teur..

« Le roi Guillaume ayant refusé de nous reconnaître, disait-il, on en est venu à l'idée de scinder le traité. On a fait deux parts: on a mis d'un cóté la reconnaissance de la Belgique et les avantages assurés à la Hollande. On a considéré ces avantages comme le prix de la reconnaissance On a mis de l'autre côté les mesures coërcitives et les avantages assurés à la Belgique. On a considéré ceux-ci comme la condition de la levée de ces mesures. On a dit à la Hollande: Nous leverons l'embargo si vous mettez immédiatement la Belgique en possession des avantages matériels du traité. Nous respecterons les répugnances de votre roi, si vous consentez à vous priver de tous. les avantages du traité. Singulier marché, auquel on ne croirait pas, s'il n'était écrit en toutes lettres dans la convention du 21 mai.

«Le but principal de cette nouvelle combinaison politique a donc été d'ajourner l'exécution du traité du 15 novembre en ce qu'il emporte abdication du roi Guillaume: les droits dynastiques de la maison d'Orange restent saufs quant à elle; je dis quant à elle, car ils ne le sont plus pour les autres puissances qui ont reconnu un roi des Belges. Cette considération, messieurs, est importante. L'ajournement de la reconnaissance du roi Guillaume ne révoque pas la reconnaissance des autres puissances; celle-ci nous reste acquise. Notre pavillon continue à être admis partout, excepté dans les ports, dans les eaux de la Hollande; là, nous nous conformerons au droit des gens en prenant le pavillon neutre; et en cela il n'y a ni humiliation ni déshonneur ; nous pouvons, par réciprocité, exiger que les navires hollandais hissent, lorsqu'ils entrent dans nos ports ou nos rivières, le pavillon blanc.

La position du roi des Belges à l'égard de la maison d'Orange sera, sous plusieurs points, la même que celle de Louis-Philippe à l'égard des Bourbons. Les deux dynasties règnent au nom du principe de la souveraineté populaire, et sont reconnues par l'Europe; mais la branche aînée des Bourbons n'a point abdiqué au profit de la branche cadette, Guillaume n'a point abdiqué en faveur de Léopold; sous te point de vue, le roi des Belges règne comme le roi des Français. Je sais qu'il y a des différences dans la situation des deux rois, victimes des révolutions de juillet et de septembre: Charles X est retombé dans la vie privée et l'exil; Guillaume est resté roi, quoique sa tête soit à moitié découronnée; mais l'idée morale est la même. »

Bientôt après, faisant un retour sur le passé et comparant ce que la Belgique obtenait aujourd'hui avec ce qu'elle avait autrefois demandé, l'orateur continuait en ces termes :

« J'ai considéré la convention du 21 mai, par rapport au traité du 15 novembre, et par rapport à la maison de Nassau. Elle me paraît réduire celle-ci à l'impuissance. En stipulant un armistice indétini, elle me semble. se concilier parfaitement avec le traité du 15 novembre, et rentrer dans l'exécution de cet acte.

Mais je vais plus loin. Je veux bien faire à l'opposition la plus grande concession; je lui accor de tout: oui, le traité du 15 novembre est anéanti; et c'est l'opposition qui s'en plaint! N'a-t-elle pas constamment demandé l'anéantissement de ce traité? Loin de blamer, le ministère, qu'elle lui rende grâces! Et voyez comme notre situation serait bele! Les effets nouveaux du traité subsist ent: la reconnaissance générale des puissances n'est

point révoquée; le traité n'est anéanti que dans ses effets matériels. Nous sommes rejetés au mois de septembre; mais tant mieux d'après vos doctrines : de quel subit amour vous êtes-vous épris pour le traité du 15 novembre? Nous reprendrons toutes les questions comme si rien n'avait été décidé. Depuis quand le plaideur, qui a perdu son procès, se plaint-il de l'arrêt de cassation? Si l'un des vôtres avait obtenu ce prétendu résultat, il vous dirait, ou vous nous diriez pour lui :

« Il existait un traité désastreux, imposé à la Belgique à une époque de « malheur; nous sommes parvenus à faire étracter cet acte, et, en atten« dant qu'un autre traité intervienne, nous avons procuré au pays un provisoire très-tolérable; le jour de la réparation va se lever pour nous.>> Ah! que n'avez-vous dit vrai; que'n'est-elle anéantie cette délimitation territoriale qui démembre deux de nos provinces, que n'est-il permis de plaider de nouveau une cause, hélas! irrévocablement jugée ? Mais il est dans la destinée de l'opposition de se tromper pour le bien comme pour le mal. (Sensation.) »

Le traité du 15 novembre existait donc toujours, seulement l'exécution finale en était suspendue jusqu'à la conclusion d'un arrangement définitif et direct avec la Hollande. Or, cet arrangement aurait ou n'aurait pas lieu, et M. Nothomb terminait en démontrant que dans l'une comme dans l'autre hypothèse, la Belgique n'avait rien à craindre; qu'elle serait maîtresse de ne donner son copcours à cet arrangement qu'autant qu'il lui offrirait des avantages supérieurs à ceux du statu quo créé par la convention du 21 mai.

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Suivant M. Dubus, toutes ces conséquences si favorables qu'on tirait de la convention étaient plus apparentes que réelles; et, en examinant ce dont la Belgique jouissait et ce dont elle allait jouir, les droits qu'elle avait et ceux qu'elle allait avoir, il avait été entièrement désenchanté. D'abord la convention ne changeait rien à la situation du pays, puisqu'il avait avant elle la jouissance des territoires cédés par traité du 15 novembre, celle de la navigation de l'Escaut avec moins d'entraves qu'aujourd'hui, la possession d'Anvers, et que la dette n'était pas payée. La navigation seule de la Meuse serait un avantage notable pour la province de Liége, si cette clause était exécutée entièrement. En attendant, les mesures coërcitives avaient cessé, et tout indiquait que, lors de l'arrangement définitif, la Belgique serait obligée de payer tous les arrérages de la dette. L'orateur ne demandait

rien que les 24 articles qui lui paraissaient maintenant abandonnés; mais il les voulait tout entiers.

Ce débat continuait à être entremêlé de discussions sur les destitutions et sur les troubles de Gand, d'Anvers et de Bruxelles, dans lesquelles les moyens d'attaque et de défense, peu dignes d'intérêt, étaient reproduits avec monotonie des deux parts. Au total, les griefs de l'opposition furent résumés dans deux amendemens dont l'un, présenté par M. Dumortier, et relatif à la politique extérieure, était ainsi

conçu :

« L'expulsion de notre ennemi de la forteresse d'Anvers lui a enlevé un puissant point d'appui. La convention du 21 mai nous conserve en possession de plusieurs avantages matériels, stipulés par le traité du 15 novembre; it nous donne l'espoir que nous verrons incessamment la navigation de la Meuse ouverte à notre commerce et celle de l'Escaut dégagée de toute

entrave.

En stipulant une convention particulière avec la Hollande, les puissances exécutrices n'ont pu se dégager de la garantie d'exécution qu'elles avaient contractée envers nous. S'il en était autrement, si la Belgique était abandonnée à elle-même, elle doit rester entière dans tous ses droits, libre de ses moyens d'action contre son ennemi.

« La nation d'ailleurs a fait assez de sacrifices à la paix de l'Europe; ses droits ne peuvent être plus long-temps méconnus.

«Le gouvernement de votre majesté saura les faire valoir, sûr de l'appui de la représentation nationale, toutes les fois qu'il s'agira de défendre notre honneur et notre indépendance. »

Voici le second amendement, présenté par M. de Brouekère, au sujet des troubles du mois de mai :

» Votre majesté a sans doute été comme nous affligée des désordres qui ont eu lieu naguère dans plusieurs villes. Nous sommes convaincus qu'elle aura enjoint à son gouvernement de prendre des mesures énergiques, afin d'empêcher le renouvellement de ces désordres. »

Il y avait loin du ton de modération qui régnait dans ces amendemens à la vivacité des hostilités de l'opposition; aussi le ministre de la justice vint-il déclarer qu'après les avoir examinés, le ministère n'y avait rien vu qui pût entraver la marche du gouvernement; qu'il n'avait donc aucun motif pour les combattre puisqu'ils ne rejetaient aucun blâme sur la personne des ministres et ne portaient aucune atteinte à la prérogative royale. L'orateur expliqua ensuite cette conduite en disant que ce n'était pas là acte de faiblesse, mais acte de

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