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conciliation et de désir d'abréger une discussion pénible pour Ja Chambre; que le ministèré, bien qu'il aimat mieux lé projet d'adresse, sous le rapport de la convenance et de la précision, n'avait pas pensé que, pour une différence de rédaction, il fallût engager le gouvernement dans une lutte.

Les deux amendemens furent adoptés à une grande majorité; les ministres s'étaient abstenus de prendre part au vote du premier et s'étaient levés pour le second.

De cette manière la victoire pouvait sembler encore indécise entre les deux partis; mais un troisième amendement, contenant, un blâme formel de la dissolution de la dernière Chambre et des destitutions, les força à une division qui dissipa tous les doutes. Le ministère ayant déclaré qu'il yoyait ici une atteinte à la prérogative royale, au maintien de laquelle son devoir était de veiller avec attention, à ses risques et périls, et que ce même devoir lui commandait de s'opposer de toutes ses forces à l'amendement proposé, la discussion recommença pleine d'aigreur et de violence. Il y cut même, entre le ministre de l'intérieur et M. Gendebien, un échange de paroles si vives qu'elles amenèrent un duel dans lequel le premier reçut une grave blessuré. Le ministère fut plus heureux dans la Chambre où l'amendement n'eut pour Iui que 36 voix, tandis qué 55 le rejetèrent. De go membres qui votèrent ensuite sur Fensemble de l'adresse, 76 répon dirent oui, et 14 non.

par

Vers cette époque (17 juin) eut lieu la clôture de la ses sion des États-généraux de Hollande. Le discours prononcé le ministre de l'intérieur à cette occasion était comme le résumé de cette session, où des symptômes de la lassitudé • qué la nation éprouvait de l'état de choses actuel s'étaient plus d'une fois révelés. Après un tribut d'éloges payé au courage des soldats qui avaient défendu la citadelle d'Anvers, le ministre rappelait qu'un emprunt décrété par la loi et accueilli par le patriotisme de la nation, avait encore une fois fait trouver dans les ressources du pays les moyens d'as

surer la défense de son sol, de son honneur et de son indépendance. Au besoin, la loi sur la landsturm eût rendu cette défense plus formidable. Le travail des Codes néerlandais avait continué avec un zèle grâce auquel cet important ouvrage était sur le point d'être achevé. Enfin, la convention du 21 mai ramenait dans la patrie les navires marchands de la Hollande avec leurs cargaisons et avait rendu les braves défenseurs de la citadelle d'Anvers à la Hollande, au roi et à leurs proches. De cette manière se trouvait renouvelé l'espoir d'un arrangement final des affaires belges.

Les premières lois qui furent discutées dans les Chambres à Bruxelles n'ayant trait qu'aux intérêts matériels du pays, ce fut une sorte de terrain neutre sur lequel tous les partis purent se rencontrer sans engager de ces luttes passionnées où l'existence d'un ministère est en question. Il y eut donc une sorte de trève parlementaire, qui ne devait pas durer long-temps il est vrai, mais qui nous permet du moins d'annoncer ici la reprise des négociations avec la conférence de Londres, pour un traité de séparation définitif entre la Hollande et la Belgique. Les ministres des affaires étrangères des deux pays, le baron Verstolk [de Soelen et le général Goblet se rendirent, vers le milieu de juillet, à Londres, pour cette nouvelle tentative d'arrangement dont on verra plus tard les résultats.

Un événement qui importait aussi à la consolidation de la dynastie de Léopold, eut lieu quelques jours après. Le 24 juillet, à cinq heures du matin, une salve de 101 coups de canon annonça à la capitale de la Belgique que la reine venait d'accoucher d'un prince. On n'ignore pas de quelles formalités solennelles, de quelles cérémonies d'étiquette, la naissance de l'héritier du trône, et en général tout ce qui sert à constater l'existence sociale des membres des familles royales, est entouré dans presque tous les pays. En Belgique, les lois, les mœurs, les opinions firent que les choses durent se passer avec beaucoup plus de simplicité, et, sans aucun

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privilége de chancellerie. Déjà le roi Léopold s'était soumis, lors de son mariage, aux dispositions du droit ordinaire, en ce qui touche les publications voulues par le Code civil. Son nom avait pu se lire, pendant plusieurs jours, affiché à la porte de l'Hôtel-de-Ville de Bruxelles, confondu avec ceux des plus humbles artisans: Il avait ordonné en outre, pour se conformer à d'autres prescriptions du Code, la transcription de l'acte de mariage sur les registres de l'état civil de Bruxelles. Le nouveau né fut pareillement inscrit sur les mêmes registres dans la commune de Laeken, comme pour témoigner de l'égalité parfaite de tous devant la loi. Une seule circonstance s'éloigna du droit commun, c'est le procès-verbal de l'accouchement de la reine, qui fut dressé à part et que signèrent les principaux fonctionnaires et dignitaires du royaume. L'enfant ne reçut aucun autre titre que celui de prince royal. On avait parlé du projet de le qualifier duc de Brabant ; mais ou ce projet n'a pas existé, ou il avait été abandonné. Le roi ayant annoncé qu'il ferait élever son fils dans la religion de l'immense majorité des Belges, c'est-àdire dans la religion catholiqne, à laquelle on saft qu'il est lui-même étranger, le baptême fut célébré le 8 août, à l'église de Sainte-Gudule, à Bruxelles, et suivi des fêtes accoutumées. La reine des Français et le duc d'Orléans, representant le roi son père, tinrent l'enfant royal sur les fonts baptismaux en qualité de marraine et de parrain (1).

Sur ces entrefaites, une nouvelle cause de guerre avait surgi dans la Chambre des représentans, entre le ministère et l'opposition. Le ministre de la justice ayant ordonné d'expulser de la Belgique un Prussien condamné comme vagabond et d'extrader un Français soupçonné de banqueroute frauduleuse, le fait avait été dénoncé à la Chambre par M. de Robaulx. Le ministre déclara alors que depuis plusieurs se

(1) Cet enfant est mort le 16 mai 1834.

maines, il s'était établi entre la légation française et le ministère belge, des relations qui avaient pour but d'amener un arrangement entre les deux gouvernemens à l'effet de se rendre réciproquement les individus frappés par un mandat du juge d'instruction, pour faits étrangers à la politique, spécialement pour faits de banqueroute frauduleuse et crime de faux en écriture de commerce. Le ministre avait souscrit cet arrangement, sauf à en référer à la législature, et s'appuyait, en attendant, d'un décret impérial du 25 octobre 1811, qui avait prévu le cas d'extradition, même pour des Français coupables de crimes en pays étranger, On se récria aussitôt sur la singularité du procédé du ministre qui avait mis préalablement à exécution un arrangement pour lequel il avouait lui-même avoir besoin de l'approbation des Chambres. L'art. 128 de la constitution promettait toute protection aux étrangers, sauf les cas prévus par la loi. Or, aucune exception n'avait été faite puisque aucune loi n'existait. Le ministre avait donc violé le pacte fondamental, et l'opposition se réserva de revenir sur l'incident. De son côté, le ministre annonça que pour apaiser des craintes fondées sur des sentimens honorables, il était tout prêt à limiter le droit d'extradition, en soumettant sur cette matière, un projet de loi à la Chambre.

Ce projet, destiné à fixer législativement le sens de l'art. 1-28 de la constitution, fut présenté dans la séance du 24 juillet. L'exposé des motifs établit rapidement la nécessité qu'imposaient à la Belgique sa situation géographique et l'étendue de ses frontières, de se mettre en garde contre ceux qui viendraient se soustraire, chez elle, à la vindicte des lois de leur pays. Il démontrait qu'il y avait des crimes qui frappaient la société en général, et que les nations étaient, moralement et pour leur sûreté, solidaires entre elles de la répression de ces crimes. L'extradition, restreinte à des cas spécialement déterminés dans la loi, ne serait consentie qu'avec les états qui se seraient obligés aux mêmes échanges,

et sur le vu des copies authentiques du mandat du juge, ou d'un jugement.

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14, 16, 17, 19, 20 et 22 août. Dans la discussion, quelques orateurs nièrent l'utilité d'une pareille loi qu'ils regardaient comme dangereuse entre les mains de tous les ministres et à plus forte raison, disait M. de Robaulx, dans celles d'un ministre qui n'a point notre confiance et qui agit tonjours sous l'influence de la France. Sans aller aussi loin, la majorité se montra jalouse de limiter sévèrement le droit d'extradition et de stipuler des garanties formelles, de manière à en prévenir l'extension aux délits politiques. En résumé, la loi adoptée par la Chambre, à une majorité considérable, (54 voix contre 9) avec les amendemens qui passèrent aussi dans le sénat sans difficulté, restreignait la faculté d'extradition aux crimes les plus graves contre les personnes ou les propriétés, à' charge de réciprocité par les gouvernemens étrangers, et en ne l'accordant que sur la production d'un arrêt de condamnation, ou d'un arrêt de la chambre des mises en accusation, et après que le ministère aurait pris l'avis de la chambre des mises en accusation de la cour d'appel dans le ressort de laquelle aurait été arrêté l'individu dont l'extradition serait demandée.

Dans le cours de ces débats, souvent empreints d'une grande violence, M. Gendebien avait annoncé qu'il dresserait un acte d'accusation contre le ministre de la justice (M. Lebeau), pour le fait d'extradition qui avait précédé cette loi. Ainsi qu'on · devait s'y attendre, une foule curieuse d'assister au développement de cette proposition, se porta à la séance du 23 août. M. Gendebien ne s'arrêta pas long-temps sur l'incident qui avait motivé sa démarche et qu'il rappela en ces termes : « Un négociant français, muni de passeports en règle, est arrêté à Bruxelles; il est écroué à la prison civile, sans aucune forme de procès et livré aux autorités françaises, sur l'invitation (tous les journaux ont dit sur l'ordre) du ministre de France. Ces faits constituent un acte de sujétion indigne d'un peuple

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