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et les plénipotentiaires anglais et français énoncèrent une opinion conforme à la sienne. Néanmoins, le cabinet de La Haye avait pris successivement toutes les mesures propres à assurer aux Belges la libre navigation de la Meuse, telle que l'avait stipulée le paragraphe 1 de l'art. 4 de la convention du 21 mai. D'anciens péages contraires à la convention de Mayence furent supprimés, et des modifications faites dans le réglement des passages, de manière à ne plus laisser aux bateliers aucun sujet de plainte. Quoique toutes ces dispositions n'eussent pas revêtu la forme d'une convention, le gouvernement belge pensa, ayant contre lui la déclaration des deux puissances médiatrices, qu'il n'avait plus rien à exiger, et qu'il pouvait passer outre au rétablissement des communications entre Maëstricht et la Hollande. Mais en prenant cette résolution, il ne perdit pas de vue que certaines garanties étaient nécessaires et convenables. Il fallait que la fixation d'une route militaire en faveur de la Hollande ne pût être considérée que comme accordée à titre d'échange de la liberté de la navigation de la Meuse, dont le commerce belge jouissait et devait continuer à jouir sur cette rivière, conformément à l'art. 4 de la convention du 21 mai. Ainsi, la durée de la convention militaire se trouvait subordonnée à l'état des choses existant sur la Meuse, c'est-à-dire à l'observation par la Hollande des dispositions du paragraphe i dudit art. 4. C'est le but qu'on s'était efforcé d'atteindre dans le préambule de la convention du 18 novembre. On y avait expressément établi la même connexion que présentaient, dans la convention du 21 mai, les deux paragraphes de l'article dont il s'agit ; connexion qui fait de la liberté des communications de Maëstricht et de celle de la navigation de la Meuse, deux objets essentiellement liés l'un à l'autre.

La convention du 18 novembre eut à peine été rendue publique, qu'elle souleva une foule de critiques. Elle fut accusée d'être inconstitutionnelle, parce qu'elle exemptait

les Hollandais des droits de douanes, dans leur passage sur le territoire belge; parce qu'on ne pouvait grever les habitans du Limbourg de logemens militaires sans l'assentiment des Chambres ; et surtout parce que, d'après l'article 121 de la constitution, il était interdit au gouvernement de laisser passer des troupes étrangères par la Belgique. Toutes ces objections n'en faisaient réellement qu'une, et on y répondit du côté du ministère, en citant la loi du 1er octobre 1831, qui autorise le roi à faire occuper où traverser le territoire du royaume par telle troupe étrangère qu'il voudra. Quant à l'utilité de la convention, niée par quelques orateurs, le ministère en appelait à tous ceux qui profitaient de la navigation de la Meuse, aux négocians, aux bateliers, aux consommateurs, à toutes les populations des deux rives, depuis Liége jusqu'à Venloo.

Les débats sur cette affaire furent clos dans la séance du 10 décembre, sans que les opposans eussent formulé aucune proposition pour mettre la Chambre en mesure de se prononcer dans un sens ou dans un autre, et l'on en revint à la discussion des lois de finances, qui remplit les dernières séances de l'année, sinon avec calme et modération, du moins sans entraîner aucune difficulté sérieuse, aucun incident d'un intérêt historique.

Il n'en était pas de même en Hollande, où le budget des dépenses et des recettes pour 1834 rencontrait dans les États- généraux une opposition à laquelle le gouvernement n'était pas accoutumé. La plupart des membres de la seconde Chambre qui prirent la parole dans la discussion, réclamèrent avec force des économies et insistèrent vivement pour la prompte conclusion de la paix. Ils s'étendirent en même temps sur la nécessité de réviser et d'améliorer la loi fondamentale. «Dans ce moment, une fin quelconque est urgente, disait un orateur (M. van Dam van Ysselt), puisque ce qui peut nous arriver de pis, serait moins mauvais que notre situation actuelle, vivant comme

la

nous vivons dans des embarras financiers, sans loi fondamentale, sans indépendance du pouvoir judiciaire, sans système arrêté, ce qui finira par détruire complétement le crédit public. »>-« Nous voici parvenus à la fin de 1833, ajoutait un autre orateur (M. Luyben), sans toucher au terme du provisoire si préjudiciable au pays. On peut dire, en effet, que nous sommes encore au même point qu'il y a trois ans, avec cette différence, que nos forces se sont affaiblies par perte de la citadelle d'Anvers; que les habitans de la vieille Neerlande, pendant ces trois années, ont supporté les frais et charges de la guerre, et que le gouvernement, dans cet état de choses, propose un budget de plus de 53 millions de florins, auquel, à la longue, une population de 2,500,000 âmes ne saurait pourvoir. Si les conditions de paix, disait-il encore, avaient été acceptées il y a deux ans, la nation aurait maintenant une somme de 150 millions de moins à compter dans sa dette publique. Il fallait 26 millions pour payer seulement les intérêts et les amortissemens; cela ne pouvait durer. Les dépenses des départemens de la marine et de la guerre étaient portées trop haut. Des voix nombreuses s'élevaient contre la funeste persévérance que mettait le gouvernement à maintenir le pied de guerre, malgré la convention du 21 mai.

A des griefs, à des attaques si péremptoires, M. Donker Curtius, soutien non moins éloquent que dévoué du ministère, ne put opposer que la nécessité de continuer un déploiement de forces qui permettrait au gouvernement de remplir tous ses devoirs envers la nation et de ne pas se départir de prétentions auxquelles il est impossible de renoncer. Cependant, l'orateur était loin d'approuver le conseil de reprendre les hostilités et d'aller exiger à Bruxelles l'acceptation des conditions de la paix. Quant à l'état intérieur du pays, il convenait que des économies pouvaient s'effectuer; mais il serait malheureux que le salut de la patrie dépendît de l'épargne de quelques millions de florins,

Le ministre des finances s'attacha ensuite à relever toutes les observations, toutes les objectious qui avaient été faites dans le cours de trois séances. Il rejetait sur la fausse politique de l'Europe les charges extraordinaires que la Hollande avait dû supporter. Le plus grand différend entre le gouvernement et les États-généraux était relatif au chapitre de la marine et de la guerre; on désirerait voir fixer au taux du pied de paix les sommes nécessaires pour ces deux départemens; mais le ministre déclarait que le gouvernement ne pouvait rien céder sous ce rapport, puisqu'il s'exposerait à préjuger des événemens qui étaient au dessus de tout calcul humain. Il était impossible, de toutes manières, de prévoir ce qui se passerait dans le Limbourg et dans le Luxembourg. On ne savait pas encore quelle serait l'étendue du royaume et quelles forteresses on aurait à défendre. Tout cela dépendrait de l'état de l'Europe. On ignorait quelles alliances il faudrait conclure au dehors, quelles lois il faudrait porter en matière de milice et de schuttery, de sorte que toutes les évaluations sur ces points seraient de simples chimères. Le ministre finissait en soutenant que la crainte d'une banqueroute était sans fondement; que le budget de 1835 mettrait en harmonie les dépenses et les recettes sans charges extraordinaires; que le paiement des rentes était assuré et qu'on ne devait pas désespérer, lorsque l'étranger avait pleine confiance dans les ressources financières de la Hollande.

18 décembre. En résultat, la Chambre ayant été appelée à voter sur le budget des dépenses et des recettes pour 1834, le premier fut adopté par 36 voix contre 16, et le second par 28 contre 24, c'est-à-dire, ce dernier, à une majorité de 4 voix seulement. Le lendemain la Chambre rejeta, à une majorité de 31voix contre 19, le projet de loi tendant à combler le déficit de 1833.

De ces votes et des débats qui les ont précédés ressortent deux conséquences également dignes d'attention : l'une, c'est que le roi de Hollande s'obstinait à attendre les événemens,

à compter sur l'imprévu; qu'il nourrissait toujours quelque arrière-pensée de guerre générale et par suite de restauration de sa dynastie à Bruxelles; et l'autre que la nation, accablée sous le poids de ses charges, voulait décidément une solution de ses différends avec la Belgique.

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