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entraver ma marche qui tend à maintenir notre constitution, et particulièrement les droits des citoyens et les travaux des Etats. Cependant et surabondamment, je vous doune ici solennellement ces assurances, et je le fais avec plaisir, puisque vous me dites qu'elles vous seront agréables, et je serai très-satisfait que ces paroles soient insérées dans votre protocole, comme un monument durable de mes sentimens présens et à venir. En échange, j'attends de mes fidèles Etats que ces paroles simples et sincères d'un prince dont le cœur bat toujours pour le bonheur de son peuple, leur suffisent, et qu'ils y trouvent le motif d'une parfaite sécurité. "»

Cette adresse et cette réponse n'exprimant pas une parfaite harmonie entre la Chambre et le prince, quant à la manière d'envisager les décrets de la diète germanique, il était à craindre que des difficultés graves ne s'élevassent dans le cours d'une session inaugurée sous les mêmes auspices, à peu près, que celle des États de Wurtemberg. Une commis sion fut nommée pour examiner les actes relatifs à l'abrogation de la loi de la presse, et son rapport était attendu avec la une certaine anxiété. Lorsque le jour eut été fixé pour lecture de ce rapport, le gouvernement demanda le comité secret. La Chambre s'y opposa d'abord ; mais prévoyant que la dissolution qui avait déjà puni la résistance des États de Wurtemberg et de Hesse-Cassel, et qui planait alors sur toutes les assemblées délibérantes de l'Allemagne, ne l'épargnerait pas non plus, elle prit un terme moyen. La question fut divisée en deux sections, et l'on décida qu'on discuterait en séance secrète la section qui amenerait nécessairement des explications sur les rapports avec la diète germanique, et, en séance publique, la section qui avait pour objet l'abrogation de la loi de la presse. En résultat, la Chambre adopta une résolution portant que les changemens faits à la loi de la presse, en vertu de l'ordonnance du 28 juillet 1852, n'avaient pu être opérés définitivement sans le concours de la Chambre, et qu'ainsi elle attendait des propositions ultérieures, par la voie constitutionnelle, pour l'établissement d'une législation sur la presse, qui concilierait les obligations fédérales du gouvernement avec les droits du pays.

Cependant M. de Rotteck, revenant sur les décrets de la diète, avait fait la motion de nommer une commission d'en

quête qui serait chargée de prendre en considération l'état du pays, et de présenter à la Chambre les propositions qui pourraient découler d'un pareil examen. Après une longue discussion, la majorité se rallia à un amendement qui avait pour but de renoncer à la motion et de faire insérer au procèsverbal la déclaration que la Chambre s'en référait à la réponse du grand-duc à l'adresse, et qu'elle croyait devoir répéter que les résolutions de la diète germanique ne sauraient recevoir légalement une interprétation contraire aux garanties constitutionnelles du pays. Cette décision fut l'objet d'un blâme sévère dans un rescrit royal, en ce qu'elle renfermait, suivant le grand-duc, un mépris de sa parole de prince. En même temps que ce rescrit avait été apporté à la Chambre, le ministre de l'intérieur en avait présenté un autre qui défendait l'impression de la motion primitive de M. de Rotteck. Cette dernière communication excita de vives réclamations, et quelques jours après, M. de Rotteck fit une protestation énergique contre un pareil procédé. La Chambre adopta ensuite unanimement les conclusions de la commission, à l'effet de proclamer qu'elle avait le droit incontestable d'ordonner ou non l'impression de ce qui concernait ses délibérations, et qu'elle était déterminée à le maintenir intact par tous les moyens convenables.

Ces diverses décisions, si elles prouvaient au fond qu'en face de la diète germanique, la Chambre des députés de Bade ne pouvait rien, n'en témoignaient pas moins de l'esprit dont elle était animée, esprit de résistance qui toutefois n'excluait pas une tendance aux moyens de conciliation. C'est ainsi qu'elle adopta les lois proposées par le gouvernement sur les associations et sur les assemblées populaires, tandis que d'un autre côté elle critiquait sévèrement l'ordonnance rendue le 5 juin 1832 pour défendre ces mêmes assemblées, et qu'on priait le grand-duc de faire présenter un projet de loi qui garantît la liberté individuelle.

Mais cette Chambre qui prenait parfois, avec une énergie

remarquable, la défense des principes libéraux, y manqua tout à coup par sa décision sur l'émancipation des Israélites. Déjà ils avaient adressé, dans ce but, à la première Chambre, une pétition qui avait été renvoyée, avec une recommandation particulière, au gouvernement grand-ducal, pour qu'il présentât prochainement un projet de loi tendant à mettre les Israélites sur le pied de l'égalité civile avec les autres citoyens badois. Loin de suivre cet exemple qu'elle aurait dú donner, la seconde Chambre, entraînée surtout par M. de Rotteck, qui paraissait moins qu'un autre devoir se constituer le défenseur de ces opinions rétrogrades, n'écouta que des préjugés peu honorables pour le libéralisme allemand, et passa à l'ordre du jour, sur la pétition des Israélites.

Lá discussion du budget montra la Chambre sous des dehors plus dignes de législateurs éclairés et généreux. Elle demanda à l'unanimité que la nature du délit servît à établir des différences dans la nature même de la peine, et surtout que les prisonniers pour causes politiques ne fussent pas confondus avec les autres criminels. Elle adopta aussi des résolutions sages et utiles, en s'occupant des établissemens pour l'instruction populaire. Elle sentit quelle bonne influence pouvait avoir, sur les enfans, la création de salles d'asile où ils seraient soumis à une surveillance vraiment maternelle, pendant que les parens travailleraient au dehors. L'amélioration du sort des instituteurs devint également l'objet de sa sollicitude. Elle vota un crédit pour la fondation d'écoles industrielles, où les jeunes gens qui ne veulent pas se livrer aux études classiques, viendraient puiser les connaissances pratiques nécessaires à l'industrie qu'ils désirent exercer. Mais, par suite des mêmes préjugés que nous avons signalés tout à l'heure, la majorité, malgré de nombreuses réclamations, refusa de permettre qu'une partie des sommes votées pour l'avancement de l'instruction fût appliquée aux écoles israélites.

Différentes lois de fiscalité et d'organisation intérieure occupèrent les dernières séances des Etats de Bade. La plus importante était celle du rachat des dimes. Le principe du rachat ayant été admis par les deux Chambres, des pourparlers s'engagèrent entre elles pour régler son taux et la part contributive de l'état et des particuliers. Quoique, à cet égard, on éprouvât des difficultés à s'entendre, tout fai sait espérer une heureuse solution de cette question si intéressante pour l'amélioration matérielle du pays.

Les députés, touchant au terme de leur session, donnèrent une nouvelle preuve des sentimens qui les animaient, en votant, sur la motion de M. Welker, une adresse au grandduc, dont voici les passages principaux :

« Nous croyons devoir signaler à V. A. R., plusieurs dangers d'une haute gravité, qui évidemment menacent l'intérêt général. Le premier dé ces dangers, c'est, à nos yeux, la guerre sanglante de principes qui dure depuis cinquante ans dans l'Europe entré la liberté du peuple et le pouvoir absola; cette guerre enfin dont l'issue décidera entre la liberté ou le servage, l'indépendance ou la division, la civilisation ou la barbarie des peuples. Le second danger, qui se trouvé aggravé par le premier pour I'Allemagne, c'est le retard apporté indéfiniment à l'accomplissement des promesses qui ont été faites à l'Allemagne. Enfin, le troisième danger, c'est Ja suppression violente de la vérité, qui blesse au plus haut degré le caractère national allemand, plein de franchise et de loyanté. Le quatrième danger consiste dans l'attente portée, par suite de pareilles circonstances, à la confiance qui doit régner entre le peuple et le souverain.

« Les dangers que nous venons d'énumérer à V. A. R., sont autant d'élémens principaux dont se servent les hommes du système réactionnaire qui constitue le mal radical de l'époque. En disant: jusque-là, et pas plus loin, l'esprit de réaction, suivant l'exemple des ministres de Charles X, prétend arrêter le temps dans son libre développement; mais la réaction amène, par la force même des choses, l'esprit de révolution. Un pareil système ne saurait être profitable à des princes allemands; il ne serait avantageux qu'à des rivaux jaloux de leur puissance, que la civilisation et la liberté croissantes ne peuvent qu'affermir. Pour que l'Allemagne soit heureuse, il faut que la vérité, la justice et la fidélité soient respectées, et que les progrès légitimes soient dirigés par elles. C'est l'unique voie de salut pour les peuples comme pour les souverains. Ce n'est qu'ainsi qu'il sera possible de résister avec efficacité aux deux systèmes extrêmes de la réaction et de la révolution. Pour combattre avec avantage les dangers que nous avons signalés, il faut l'armement du peuple, la bonne foi dans les contrats, la justice, la vérité ou la liberté de la presse, et une confrance garantie par des actés qui ne sauraient permettre aucun doute. Ces quatre moyens que nous proposons sont étroitement unis; ils s'appuient l'un l'autre. Le peuple a fait son devoir; on a osé le calomnier, il repousse la calomnie, et nous, qui le représentons, nous nous efforcerons, avec la coopération de V. A. R., defrendre la patrie heureuse en cimentant le lien d'amour entre les sujets et le souverain. »

Mais nous ne saurions mieux résumer cette session remar quable, qu'en citant ici un fragment du discours dans lequel le savant jurisconsulte Mittermaier, président de la seconde Chambre, passa en revue ses travaux, et qui fut accueilli par d'unanimes applaudissemens.

« Pendant que les grands intérêts matériels du pays étaient en discussion, disait l'orateur, les intérêts moraux et les questions constitutionnelles n'étaient pas non plus négligés. La Chambre n'a pas hésité à délibérer et à se prononcer avec gravité et courage sur les rapports de la constitution et des ordonnances de la diète germanique. Partout où les droits de la constitution étaient en question, la Chambre s'est exprimée avec énergie pour les garanties constitutionnelles. Partout, nous le disons aux amis de la patrie, nous avons essayé d'obtenir ce qui était faisable. Nous n'avons pas compromis, par témérité, d'importans intérêts; mais jamais nous n'avons poussé la prudence jusqu'à la lâcheté, jusqu'au sacrifice de l'honneur. Il n'y a qu'un point sur lequel nous ne pouvons porter les yeux sans regret, c'est la liberté de la presse, c'est la perte de ce bien précieux; mais ici encore nous ne redoutons pas le jugement d'un patriote équitable, qui voudra peser toutes les circonstances. Nous lui dirons que la Chambre a déclaré que le retrait de la loi sur la presse était un acte du gouvernement partial et inconstitutionnel. Nous nous en référons à la déclaration du gouvernement provoquée par nous, déclaration où le ministère avoue que l'état actuel de la législation sur la presse ne peut durer. Nous avons examiné avec franchise quels sont les devoirs imposés au gouvernement par les lois de la confédération. Nous avons déclaré que nous désirions du moins le rétablissement de la liberté de la presse pour les affaires intérieures et le rétablissement de la publicité, et que nous ne pourrons nous contenter des assurances du gouvernement qu'autant que les lois provisoires satisferont à ces vœux, à ces exigences de la Chambre. Les états de 1835 feront rendre un compte sérieux à ceux dont la publication de cette loi dépendait et qui en sont responsables, et ils auront soin que la résolution et la déclaration de la Chambre ne soient pas vaines, et que la loi provisoire, qui doit être rendue, n'anéantisse pas les décisions législatives. Si nous ne pouvons craindre le jugement sur le passé, qu'il me soit permis de jeter un regard sur l'avenir. Úne grande ligue d'ennemis de la vie constitutionnelle, les uns honnêtes, les autres aveugles, d'autres malveillans, a été formée contre les représentans du pcuple; mais, messieurs, notre perspective s'éclaircit quand on comprend combien l'opinion publique, qui favorise tous les progrès, est devenue puissante; quand on prend confiance en un peuple qui connait ses droits, respecte sa constitution et observe religieusement la légalité. »

Par un accord dont l'Allemagne offrait peu d'exemples, le grand-duc déclara, de son côté, en venant faire la clôture de cette diète, le 13 novembre, qu'il se réjouissait de pouvoir dire hautement que les espérances qu'il avait conçues en l'ouvrant, s'étaient accomplies. Ce discours, que l'on pourra lire ailleurs (vor. l'Appendice), est encore curieux à con

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