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l'on a commencé à s'occuper de ces établissemens, et, avec l'aide de la méthode d'enseignement mutuel, on est arrivé à ce résultat, dont tant d'autres pays sont encore si éloignés, que sur mille recrues, il n'y en a guère plus de sept ou huit qui ne possèdent pas les connaissances élémentaires. Ces retardataires, au surplus, ont bientôt regagné le temps perdu, grâce à l'idée éminemment philanthropique que le gouvernement a eue de faire du service militaire une école où l'éducation du peuple est continuée, et dans laquelle la défense de la patrie, plus assurée encore par ce moyen, ne semble toutefois qu'un accessoire, comparée à l'amélioration physique et morale qu'y puise la population. Ce sera la gloire, peu bruyante, il est vrai, peu coûteuse à ses sujets, mais pure, solide et féconde, du roi de Danemarck, d'avoir été le premier qui se soit sérieusement, et avec autant de succès que de persévérance, occupé de l'instruction populaire.

SUÈDE ET NORWége.

La Norwége a eu cette année un Storthing ordinaire, qui s'est ouvert le 13 février à Christiania. Le discours du roi prononcé dans cette circonstance par le conseiller d'état Collett, premier membre de la régence de Norwége, offrait un tableau assez favorable de la situation matérielle du pays (voy. l'Appendice).

Pendant que le Storthing se livrait, sans beaucoup de bruit, à des travaux d'un intérêt tout local et d'une nature particulièrement financière, le prince royal vint faire un voyage en Norwége, avec le titre de vice-roi, pour avoir une occasion de prendre part à l'administration du royaume et de s'instruire de plus en plus dans tout ce qui a rapport à ses institutions. Tels étaient les considérans d'une ordonnance royale du 17 juin, par laquelle ce voyage fut annoncé au public; mais on a voulu y rattacher aussi des vues rela-, tives à un projet de modifications dans la constitution nor

wégienne, dont la communication au Storthing forme l'acte le plus important de cette session.

La constitution n'accorde au roi que le veto suspensif au sujet des résolutions prises par les représentans de la nation, Deux fois déjà, le roi Charles-Jean avait proposé aux assem blées précédentes, sans pouvoir l'obtenir, de lui accorder un veto absolu. Cette proposition fut réitérée devant le Storthing actuel, tout en laissant à celui qui le suivra le soin d'y répondre, par un message royal dont nous reproduisons le passage le plus saillant:

• Les causes qui portent S. M. à renouveler sa proposition de substituer le veto simple du roi au veto suspensif, qui se trouve maintenant stipulé dans la loi fondamentale, ne peuvent être méconnues. Ceux même qui, pour l'avenir, n'en reconnaissent pas l'utilité, ne peuvent que rendre justice à la sollicitude du roi à cet égard. C'est dans l'intérêt de l'indépendance de Ja Norwége, c'est pour la stabilité du pacte fondamental qui la régit, que S. M. en appelle de nouveau aux lumières, à la réflexion et au patriotisme de ses représentans.

« Il ne s'agit pas dans le fait ni dans l'intention du roi d'une augmentation d'autorité royale, mais bien plus de la permanence et de la distinction des pouvoirs sociaux. C'est sous ce point de vue que S. M. vient de nouveau renouveler la proposition faite au dernier Storthing, le 1er septembre 1830. Avec le même sentiment de bien public que cette proposition a déjà plusieurs fois été faite, avec le devoir qu'impose le paragraphe 112 de la constitution dans des cas pareils au gouvernement, le roi la met sous les yeux du Storthing. Ce sera au Storthing ordinaire prochain à décider si les libertés générales et individuelles réclament son adoption, ou s'il doit encore être laissé au temps, qui amène la conviction, d'adopter une mesure d'un si haut intérêt. »

Cette tentative pour étendre la prérogative royale ne s'est pas bornée là. Le roi réclamait en outre le droit d'autoriser la naturalisation des étrangers, qui, jusqu'à présent, a été exclusivement dans les attributions du Storthing, et demandait qu'un nouvel article fût ajouté à la loi fondamentale, pour conférer aux membres du conseil d'état la faculté de participer aux délibérations de la diète, sans voter. Voici de quelle manière cette dernière demande était motivée :

« S. M. pense que la marche des délibérations du Storthing serait Beaucoup facilitée, si le conseil d'état y avait accès. La présence des conseillers urait cet avantage que souvent ils pourraient fournir les éclaircissemens sollicités par les députés, ce qui épargnerait beaucoup de temps, agirait favorablement sur l'issue des débats, et préviendrait des résolutions préci pitées ou mal fondées. Pour le gouvernement cette participation aux déli

bérations serait utile, en ce que l'exécution des lois deviendrait plus facile, puisque les conseillers d'état seraient informés exactement des motifs déterminans du Storthing. Le gouvernement apprendrait par une voie directe les vœux et les demandes des districts, et les moyens de remédier aux abus existans. La présence des conseillers d'état empêcherait des conflits possibles entre les autorités publiques et rectifierait les opinions erronées sur les vues et les dispositions du gouvernement. Un tel rapprochement entre l'administration et le Storthing ne pourrait qu'augmenter leur confiance réciproque. Or, cela étant une preuve de la maturité et de la perfection d'un gouvernement constitutionnel, que le gouvernement et les représentans de la nation agissent parfaitement d'accord pour le bien de l'état, et qu'on emploie tous les moyens d'atteindre à ce but, il ne peut y avoir de doute sur l'utilité essentielle de cette liaison immédiate entre le gouvernement et le Storthing. >>

La discussion de ces propositions pourra imprimer aux séances du prochain Storthing un intérêt que celui-ci n'a guère présenté, dans le cours d'une session, à la clôture de laquelle le prince royal a présidé le 27 août, en se bornant presque à annoncer que le roi avait vu avec plaisir les mesures adoptées pour maintenir la valeur du papier-monnaie.

Un fait qui, par malheur, appartient encore à l'histoire de la Norwége, c'est l'invasion du choléra dont les ravages . ont commencé vers le mois d'octobre et n'ont cessé que l'année suivante, après avoir désolé les principales villes da pays. La capitale fut, comme presque partout, la plus maltraitée par le fléau. Au 21 novembre, on comptait déjà 621 morts à Christiania; 427 individus étaient guéris et il restait 273 malades.

Une froideur diplomatique survenue, cette année, entre la France et la Suède, a donné lieu à diverses conjectures, dont il importe peut-être à l'intelligence des événemens à venir que toute trace ne disparaisse pas. M. le marquis de Saint-Simon, ministre plénipotentiaire de France à Stockholm, fut rappelé au mois de novembre, et M. le comte de Lowenhielm, qui se trouvait en congé dans cette capitale, reçut l'ordre de ne pas revenir à Paris, où il résidait auparavant dans la même qualité. Les rapports commerciaux entre les deux états devaient continuer à être réglés par des agens consulaires. Ce n'était donc qu'une quasi-rupture; mais elle

n'en piquait pas moins vivement la curiosité publique qui s'évertuait à en deviner les motifs véritables.

POLOGNE.

Après une lutte comme celle que la Pologne avait soutenue contre la Russie, il était difficile que tout fût terminé d'un seul coup entre les deux pays, et que, malgré la victoire des Russes, un certain nombre de ces hommes que la fortune ne peut dompter, ne fussent pas poussés par la soif de la vengeance ou même par l'espoir de soulever de nouveau un peuple qu'ils savaient toujours impatient de ses chaînes, à reprendre les armes et à se jeter dans les entreprises les plus aventureuses. C'est ainsi que de jeunes officiers de l'ancienne armée polonaise, dont il paraît que plusieurs étaient revenus de l'étranger tout exprès dans ce dessein, organisèrent des bandes qui s'élancèrent en mars et en avril du fond des forêts, réussirent à mettre quelques districts en insurrection, surprirent et taillèrent en pièces divers détachemens aux environs de Cracovie et de Kalish. Mais ce succès ne fut pas de longue durée : les Russes arrivèrent en force, et les insurgés furent dispersés ou faits prisonniers.

Aussitôt les rigueurs dont le gouvernement russe commençait à se relâcher, redoublèrent pour la Pologne, tant ces tentatives si faibles et si promptement comprimées avaient réveillé toutes les craintes de ses dominateurs! La défense d'avoir aucune espèce d'armes dans sa maison fut renouvelée : l'infraction était punie de mort. On renforça les garnisons des villes et des frontières. Il devint plus difficile d'obtenir des passeports pour l'intérieur; on les refusait même tout-à-fait pour l'extérieur. Enfin, la Pologne tout entière fut mise, pour ainsi dire, en état de siége, par une ordonnance impériale du 23 avril, qui renla connaissance de tous les crimes d'état aux conseils de guerre, en attribuant au gouverneur du royaume le droit

voya

d'en désigner les membres et de décider quels actes et quelles affaires étaient de leur compétence. Ces conseils ne se contentèrent pas de sévir contre ceux qui avaient trempé dans les derniers mouvemens insurrectionnels : les parens des coupables, leurs amis, les liabitans, hommes ou femmes, soupçonnés d'avoir eu avec eux le moindre rapport, furent recherchés avec la plus grande sévérité, et plongés dans les cachots en attendant jugement.

la

En même temps que cette poignée d'insurgés essayait de recommencer la lutte à force ouverte, d'autres Polonais, s'il faut en croire des bruits auxquels d'ailleurs toute confirmation authentique a manqué, voulaient jouer le rôle de Mucius Scévola et avaient tramé un complot contre personne même de l'empereur de Russie. Leur projet était de l'assassiner, au moyen d'une espèce de machine infernale, pendant un voyage qu'il fit au mois de juin dans les provinces de la Baltique. On a dit que ce complot avait été conçu en France par des réfugiés polonais, qui, à l'aide de faux passeports et sous de faux noms, avaient réussi, malgré la rigoureuse surveillance des gouvernemens, à traverser toute l'Allemagne, la Pologne, et à pénétrer jusqu'en Russie pour le mettre à exécution. Mais le gouvernement russe, que des avis reçus de la police française tenaient en éveil, avait su se saisir des conjurés, avant leur arrivée à Riga. Toutefois aucune information juridique, aucun procès n'est venu dissiper les ténèbres de cette affaire, de telle sorte que des doutes se sont élevés sur sa réalité, et qu'en tout cas l'identité des coupables n'a pas été assez clairement constatée pour infirmer une opinion dont il résultait que la conspiration actuelle, ramification éloignée des événemens qui ont signalé les premiers jours du règne de Nicolas, comptait des adhérens parmi les Russes.

Cependant, au milieu de la conste nation où de récentes circonstances avaient encore une fois jeté la Pologne, elle eut du moins la consolation de voir rentrer dans leur patrie Ann. hist. pour 1833.

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