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conspirateurs. Le complot devant éclater à minuit, le gouvernement mit tous ses soins à ne pas donner l'éveil, afin que les conjurés tombassent dans le piége qui leur était tendu. Le colonel Montoya résolut donc de conduire seul son prisonnier au poste, après en avoir reçu la promesse qu'il ne ferait aucune résistance. Mais, au détour d'une rue, l'officier essaya de s'échapper. Poursuivi par le colonel, qui le serra de près, l'épée à la main, il tira un pistolet de dessous son habit, et il le lui déchargea dans la poitrine. Le colonel expira sur la place; l'alarme se répandit aussitôt dans la ville, et les troupes prirent les armes. Le lendemain, tout le complot fut découvert, et l'on apprit que ceux des conspirateurs qui, voyant leurs plans déjoués, avaient eu le temps de s'entendre, s'étaient retirés par la route de Vénézuela, sous la conduite du général Sarda. Ce général fut arrêté quelques jours après, avec plusieurs de ses complices.

par

Ils avaient gagné, a-t-on dit, les officiers de garde, et, après avoir, avec leur appui, entraîné les troupes hors de la ville, ils devaient tuer le président; puis, à la faveur d'une confusion générale, opérer une révolution sanglante. A l'exception du général Sarda, les conspirateurs furent représentés comme un ramas de bandits qui, depuis les troubles de 1830, n'avaient cessé d'infester Bogota, et qui vivaient on ne sait par quelles ressources. On croyait que quelques uns étaient animés des sentimens de vengeance contre le parti libéral; que d'autres, écrasés de dettes, avaient vu dans l'insurrection un excellent moyen de s'en débarrasser. Il n'y avait guère parmi eux qu'une demi-douzaine d'individus qui eussent quelque chose à perdre, et encore les disait-on des adhérens de Bolivar, ennemis personnels de Santander, et dont les parens ou amis n'avaient pu obtenir d'emplois sous le nouveau président. Quoi qu'il en soit, les habitans de Bogota firent preuve, en cette circonstance, d'une vive sympathie pour la cause de Santander et du gouvernement, qui puisa une plus grande énergie dans cette coopération.

vue,

La république de Vénézuela, où la tranquillité continuait à se maintenir, s'occupait d'améliorer son état intérieur et d'étendre ses relations au dehors. Sous le premier point de on trouvait ses finances dans une situation assez favorable, puisque ses recettes couvraient ses dépenses; sous le second, elle offrait à signaler une convention provisoire d'amitié, de commerce et de navigation qui fut conclue avec la France le 11 mars de cette année, et dont les ratifications ont été échangées à Caracas au mois de janvier suivant. En attendant un traité en règle, cette convention établissait des rapports de réciprocité commerciale également avantageux aux deux pays.

Une convention du même genre, signée le 14 novembre 1832, et dont les ratifications furent échangées le 27 juillet de cette année, a régularisé aussi les nombreuses relations de commerce qui se sont formées depuis plusieurs années entre la France et la Nouvelle-Grenade.

Mais au moment même où cet acte venait témoigner des sentimens mutuels de bienveillance et d'affection qui animaient les deux états, un incident inattendu faillit y faire succéder tout à coup une rupture et des hostilités graves. Dans la nuit du 26 au 27 juillet, un colonel anglais et sa famille avaient été assassinés sur leur habitation, à quelque distance de Carthagène : sa femme, son enfant et lui avaient péri sous les coups des Indiens, de la manière la plus cruelle. Cette nouvelle, portée à la ville, y jeta une profonde consternation, surtout parmi les étrangers. L'autorité se transporta sur les lieux, et dans l'après-midi on rapporta parmer les cadavres des victimes. Une grande multitude affluait sur le quai pour les voir débarquer. Le consul français à Carthagène, M. Barrot, était présent avec quelques uns de ses amis. Un alcade de paroisse s'avança brusquement vers lui, et le choisissant entre tous, il lui intima de la façon la plus insolente l'ordre de se retirer. A cette brutale injonction, M. Barrot répondit qu'il ne nuisait point au débarque

ment, et qu'il était de son devoir, à lui consul français, de rendre hommage par sa présence aux restes des malheureux étrangers assassinés. L'alcade, hors de lui-même, saisit M. Barrot par le bras, et ordonna à ses sbires de l'empoigner. Le consul, l'ayant repoussé avec mépris, s'éloigna. Une double plainte fut adressée à l'autorité par le consul et par l'alcade; mais, sans entendre aucun des témoins, c'est à celui-ci qu'on donna raison, et un alcade municipal condamna M. Barrot à la prison. Vainement il demanda ses passeports, vainement il essaya, accompagné par quelques négocians français, ainsi que par les consuls d'Angleterre et d'Amérique, de sortir de la ville pour aller à bord d'une goëlette française mouillée sur la rade; la populace fut ameutée contre lui, elle s'opposa avec fureur à son départ, exigea qu'il fût conduiten prison, en poussant des cris de mort, et le consul, voyant à quels dangers lui et ses amis étaient exposés, dut enfin se soumettre à cette insigne violence, qu'une foule stupide, encouragée par la connivence ou par la lâcheté des magistrats de Carthagène, osait faire à son caractère.

Cet incroyable attentat contre la loi des nations ne fut pas plus tôt connu en France, que le contre-amiral Mackau reçut du gouvernement l'ordre de s'embarquer pour Carthagène, d'y vérifier les faits, et d'exiger, les réparations qu'ils comportaient. Déjà le gouverneur de la Martinique avait expédié dans le même but deux corvettes de guerre qui parurent devant la ville au commencement d'octobre, et menacèrent de bloquer le port. Toutefois le commandant français, à la sollicitation des consuls d'Angleterre et de l'Amérique du nord et par égard pour les personnes et les propriétés qui allaientse trouver grièvement compromises, consentit à suspendre les hostilités jusqu'à l'arrivée du contre-amiral Mackau.

Cependant M. Barrot avait été mis en liberté, et il put se rendre à bord de l'escadre. D'un autre côté, sa plainte contre l'alcade avait été déférée à l'autorité compétente; on

procédait à des enquêtes, et on se montrait disposé à faire justice. Il convient de dire aussi que le gouvernement de Bogota avait témoigné le plus vif regret de cet événement. Mais le litige, ayant été diplomatiquement débattu d'état à état, traîna en longueur.

Une réunion des commissaires de Vénézuela, de la Nouvelle-Grenade et de l'Equateur devait avoir lieu à Bogota, pour travailler au réglement et au partage de la dette de la république de Colombie; mais cette importante affaire n'a fait aucun progrès, le commissaire de l'Equateur ne s'étant pas rendu à son poste, sans doute à cause des troubles qui avaient éclaté vers la fin de l'année dans son pays.

PÉROU.

Au Pérou, un bâtiment de commerce français a aussi éprouvé combien tous ces états de l'Amérique du sud, encore si récemment émancipés de la tutelle abrutissante de l'Espagne, comprennent peu-les rapports de justice et de bienveil lance que les nations doivent entretenir entre elles, combien peu ils savent respecter les droits et les intérêts étrangers. Un seul brick de guerre français se trouvait alors dans ces parages; mais son commandant, le capitaine DupetitThouars, ne recula point, pour soutenir une cause juste, devant le danger d'être foudroyé par les batteries de Lima et par deux navires de guerre péruviens, deux fois plus forts que lui: il réussit par son audace à imposer aux autorités de cette ville, et donna ainsi une glorieuse preuve du dévouement avec lequel les officiers de la marine française accom. plissent leur devoir."

Comment, au surplus, ces atteintes au droit des gens ne seraient-elles pas commises fréquemment, chez des peuples qui ne peuvent pas même établir dans leur intérieur le règne des lois? Le Pérou touchait encore à une nouvelle crise. Le président Gamara, dont les fonctions expiraient au mois de décembre, voyant que sa conduite arbitraire lui ôtait toute

chance d'être réélu, appuyait, pour le remplacer, un général Bermudez que l'opinion populaire repoussait avec force; et de là deux partis qui déjà, avant les élections, se mesuraient des yeux, et qui ne laissèrent pas écouler l'année sans en venir aux mains.

CHILI.

Les choses offraient une apparence plus favorable dans cette république, bien qu'on s'y occupât de réformer la constitution, circonstance qui met ordinairement en jeu toutes les passions politiques d'un pays. Une grande convention chilienne s'était réunie pour travailler à cette affaire importante, et, ses discussions terminées, elle présenta la constitution réformée à laquelle les membres du congrès, le gouvernement, les autorités civiles et militaires prêtèrent serment dans les derniers jours du mois de mai. La même cérémonie eut lieu ensuite dans les provinces.

BUENOS-AYRES.

A peine la république Argentine avait pu se reposer quelques mois de ses longues luttes intérieures et extérieures, qu'elle songea à mettre à profit l'union et la paix, qui commençaient à régner entre ses divers états, pour étendre par les armes son territoire et sa population. Braves et bien armées, les tribus indigènes qui occupent les vastes contrées entre le Rio de la Plata et la Patagonie, tribus dont celle des Charruas était un débris et un échantillon, faisaient souvent des incursions sur les terres de la république, enlevaient non seulement les troupeaux, mais des habitans, et surtout des femmes, qu'ils emmenaient au fond de leurs immenses pampas; et jusqu'à ce qu'elles fussent exterminées, ou réduites à l'impuissance de nuire, les Buenos-Ayriens pensaient que jamais ils ne pourraient jouir d'une sécurité parfaite. Les Etats de Cordova et de Santa-Fé, particulièrement exposés aux irruptions de ces peuplades sauvages, proposèrent à celui de Buenos-Ayres, d'entreprendre en commun une ex

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