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Les réponses du jury ont été affirmatives sur toutes les questions, et sáns circonstances átténuantes, si ce n'est en faveur de Cadot seulement. La cour a prononcé la peine de mort contre les trois premiers accusés, et celle des travaux forcés à perpétuité contre Cadot.

16. Paris. Institut. Élection. L'Académie des sciences a procédé aujourd'hui au scrutin pour l'élection d'un membre dans la section d'agriculture.

Au premier tour, sur 52 votans, M. Turpin a obtenu 15 voix, M. Girou de Buzaraignes 11, M. Huzard12, M. lluerne de Pommeuse 4, M. Vilmorin, 6, et M. Soulange-Bodin 3. Aa second tour, les suffrages se sont partagés de la manière suivante : M. Turpin 19, M. Girou 11, M. Huzard 14, M. Huerne 1, M. Vilmorin 5, et M. Soulange-Bodin 2.

Enfin, au troisième tour, M. Turpin à obtenu la majorité (31 voix).

17. Théatre Italien. Première représentation de GIANNI DI CALAIS, opéra semi-seria en trois actes, de Donizetti. Ce Jean de Calais est un armateur qui, faisant un jour la chasse aux corsaires, a délivré de leurs mains une jeune et belle demoiselle qu'il a ensuite épousée, sans lui demander aucun renseignement hi sur elle ni sur sa famille, mais qui n'en est pas moins la fille du roi de Zélande. Après une série d'aventures singulières et romanesques, les plus incroyables du monde, Jean de Calais est réconnu par ce roi, bonhomme s'il ea fat, comme son gendre et son successeur au trône. Ce tissu d'invraisemblances, tiré d'un vieux mélodrame joué vers 1810 à l'Ambign-Comique, est au dessous de la critique. Le public n'y comprenait rien, et de là sans doute en partie la froideur avec laquelle il a écouté la musique de Donizetti. C'était d'ailleurs une rude besogne pour les dilettanti parisiens que de suivre une pièce inintelligible et d'apprécier une partition nouvelle. On n'a

paru la considérer que comme une œuvre légère, sans beaucoup d'importance sous le rapport de l'art. Cependant on y a remarqué çà et là de jolis motifs, une cavatine su premier acte qui a valu à Mme Ungher de légitimes applaudissemens, une barcarollefort originale, parfaitement chantée par Tamburini, une cava tine également chantée à ravir par Rubini, et enfin un trio charmant dans lequel ces trois virtuoses ont fait assaut de talent comme acteurs el comme chanteurs. Le finale du deuxième acte est aussi très-bien. Toutefois la première impression a été défavorable à cet opéra et ne lui permettra pas sans doute d'être joué souvent.

26. Réception de M. Ch. Nodier à l'Académie Française. - La séance était brillante et digne de la réputation du nouvel académicien. Une autre raison d'ailleurs que l'estime qu'inspire son talent avait attiré la foule dans la salle de l'Institut: on se rappelait les opinions politiques de M. Nodier, sa guerre d'épigrammes contre l'Académie, le penchant qu'il a montré pour la nouvelle école élevée jadisaux nues par l'auteur de Jean Sbogar; et la manière dont il parviendrait à plaire à ses auditeurs, sans blesser aucune convenance, en expliquant ses anciens sentimens, excitait au plus haut point la curiosité publique. M. Nodier a commencé, suivant l'usage, par se prosterner en toute humilité devant la gloire de ceux qui l'avaient élu, par exprimer le bonheur qu'il ressentait d'être à son tour de l'Académie, ou plutôt par déclarer que ce bonheur était inexprimable. Et en effet, s'il faut en croire M. Nodier, malgré quarante ans d'études appliquées à l'art oratoire et à la grammaire, il n'avait pas trouvé dans le langage des paroles assez vives, des expressions assez fortes pour peindre l'excès de sa félicité. Quelques personnes ont pensé que c'était pousser un ped foin l'exagération,

Après un tribut d'éloges payé en

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termes élégans ét justes à son prédécesseur M. Laya, en mettant le citoyen au dessus de l'écrivain et son courage au dessus de son talent, le récipendiaire est arrivé à la question de ses opinions littéraires. L'école romantique avait eu long-temps un appui dans la critique ingénieuss de M. Nodier, quelquefois même un encouragement dans l'autorité de son exemple. Il n'a point désavoué ses sympathies pour la rénovation de la littérature, et pour certains =écrivains de nos jours qui tentent de l'opérer avec plus de persévérance que de succès; mais il a posé de justes bornes à son admiration, : et les restrictions dont ses éloges étaient mêlés n'étaient que des concessions au bon sens. Bientôt, il I s'est élevé jusqu'à l'étoquence en défendant les intérêts de la vraie littérature contre ceux qui semblent g avoir conspiré la roine de la morale publique. Des applaudissemens unanimes ont dû lui prouver que ses paroles avaient trouvé un écho dans tous les cœurs. I a fini son discours par un noble souvenir accordé à la vieillesse, à l'exil, en présence du pouvoir qu'il a remercié de lui laisser la franchise de sa conscience.

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M. Jouy était chargé de répondre à M. Nodier; il l'a fait en homme d'esprit, mais surtout en admirateur de l'Académie de M. Nodier, de M. Laya et de Voltaire. Après toutes ces admirations, l'orateur s'est livré à une vive censure de la licence de la presse, dont il a tracé un effroyable tableau.

La séance a été terminée par la lecture que M. Tissot a faite de deux idylles de Théocrite, qui ont paru traduites avec autant d'élégance que de fidélité.

28. Théâtre de la Porte SaintMartin. Première représentation de ANGÈLE, drame en cinq actes et en prose de M. Alexandre Dumas. Après la chute éclatante du Fils de l'émigré (28 août 1832), M. Dumas s'était retiré, comme Achille, sous sa tente, boudant le public,

cet autre roi des rois qui venait d'infliger à l'écrivain oublieux de sa gloire une juste punition. Mais M. Dumas avail à sa disposition trop de moyens de faire la paix avec ses juges, pour que sa rancune tint à jamais contre la perspective d'un nouveau triomphe. Il n'avait qu'à leur donner un de ces ouvrages féconds en mouvemens passionnés, en émotions fortes et inattendues qui rachètent leurs défauts hábituels; et, à cette condition, la rẻconciliation serait bientôt opérée : c'est ce qui à éu Heu ce soir, avec tant de bienveillance et d'applau dissemens de la part du public, qu'il n'aurait pas fait davantage pour un chef-d'œuvre. Angèle est loin cependant d'être un chef-d'œuvre et même il faut passer par trois actes assez médiocres, assez peu intéressans, pour arriver au drame; trois actes qui se ressentent encore beaucoup de cette brutalité cy nique, de ce matérialisme effronté, dont la scène est aujourd'hui si souvent souillée par ses régénérateurs. Un progrès de M. Dumas, c'est d'avoir donné cette fois une pensée morale pour base à son ouvrage. L'homme profondément corrompu, qu'il nous montre cherchant à parvenir, à satisfaire son avidité pour la fortune et les honneurs, en séduisant les femmes dont le crédit peut favoriser ses desseins, reçoit à la fin le juste châtiment de toutes ses infamies, au rebours de certain système de littérature suivant lequel la vertu est inévitablement destinée à être sacrifiée et le vice à prospérer. La dernière victime de l'égoïste ambitieux, c'est une jeune fille qu'il a feint d'aimer, et qu'il a ensuite lâchement abandonnée, pour se tourner du côté de la mère lorsqu'il s'est aperçu qu'un mariage avec celle-ci Ini serait plus avantageux. Mais Angèle porte avec elle les témoignages de la séduction, et quand elle arrive tout à coup à Paris pour retrouver son séducteur, et surtout pour retrouver sa mère, alors le drame devient vif, simple, naturel et touchant. La scène de l'a

veu, au quatrième acte, entre la mère et la fille, est fort belle, surtout, parce qu'elle est chaste et pleine de mots vrais et sortis du cœur. Les situations du cinquième acte sont également fortes et saisissantes. La principale est la provocation qu'un jeune homme, triste et malade, qui aimait aussi Angèle de toute son âme, adresse au baron d'Alvimar, le séducteur de la pauvre jeune fille; un duel s'ensuit, dans lequel d'Alvimar succombe, et son vainqueur, poussant le dévouement pour Angèle jusqu'aux dernières limites, s'arrange de manière qu'elle pourra du moins avouer son enfant sans rougir. Ce dénouement était plein de difficultés; mais M. Dumas s'en est tiré avec une adresse et une habileté que le public a reconnues par d'unanimes applaudissemens.

31. Théâtre de l'Opéra-Comique. Première représentation de LE REVENANT, opéra fantastique en cinq tableaux; paroles de M. de Calvimont, musique de M. Gomis. - Le sujet de cette pièce n'est autre chose que l'histoire contée, dans le Redgauntelet, de Walter Scott, par Willie le vagabond, histoire terrible et qui n'a pas le sens commun, comme toutes les histoires de sorciers, de diables et d'apparitions. Il s'agit d'un fermier écossais qui voit mourir son seigneur au moment où il venait de lui payer son loyer, ́et avant d'en avoir reçu quittance; l'héritier du défunt, en rivalité d'amour avec le fermier, insiste pour avoir cette quittance, ou sinon il faudra payer deux fois. Le diable se mêle de l'aventure, si bien que le fermier descend aux enfers, revoit son ancien maitre, en obtient la quittance voulue, et remonte

sur la terre, où il a le double plaisir de confondre son nouveau propriétaire et d'épouser sa fiancée. La musique et les décors tiennent lieu de l'intérêt qui manque à cette pièce bizarre. Cette musique, d'une touche sévère et vigoureuse, atteste que l'auteur s'est inspiré de Weber, sans le copier servilement. L'ou verture est d'un effet large et hardi. Des couplets modulés d'une manière originale, une romance d'une mélodie gracieuse, un finale traité avec talent ont été applaudis dans le premier acte. Au second, la scène de l'enfer a fait sensation : le chœur des damnés et la ballade du sabbat ont obtenu un succès complet. Il est à regretter néanmoins, dans cette œuvre si remarquable à beaucoup d'égards, que la nature du sujet ramène trop souvent les effets sombres et lugubres, qu'elle entraîne une trop grande unitermité de moyens et de couleurs.

— Voici le relevé des observation! météorologiques faites à l'Observatoire de Paris en 1833:

La plus grande élévation du baromètre a été, le 4 janvier, à 1130,93; la moindre élévation a été, le 1er avril, à 732°, oo. Le 29 juin le thermomètre est monté à 29. 1/2 centigrade, et le 10 janvier il est descendu à 8o 1/2 de glace centigrade. Il y a eu 164 jours de pluie, 168 de brouillard, 45 de gelée, n de neige, 10 de grêle et grésil, 9 de tonnere. Le vent a soufflé fois du N., 39 fois du N. E., 22 foi de PE., 31 fois du S. E., 44 fois du S., 68 fois du S. O., 89 fois de l'O., 25 fois du N. O. Il est tombé 58 mill. 35 cent. d'eau dans la cour de l'Observatoire, et 487 mill. 10 cent. sur l'édifice.

NOTE

POUR SERVIR A L'HISTOIRE DES LETTRES ET DES ARTS

EN 1833.

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Le chiffre des ouvrages exposés était considérable comme de coutume, ainsi que l'armée des expo1 sans; toutefois, le public ne remarqua pas d'abord sans surprise et sans regrets, que les chefs de premier et de second ordre manquaient pour la plupart à cette armée. Quelques uns ont été emportés par ce cruel fléau qui, dans le cours de l'année 1832, a décimé tant de familles, éclairci tant de corporations; les autres, et parmi eux on comptait MM. Paul Delaroche, Léopold Robert, Schnetz, Gudin, Steuben, Ingres, avaient négligé d'occuper les places qu'ils remplissent ordinairement par d'importantes compositions, et ne brillaient cette fois que par leur absence: c'est assez dire que l'exposition de 1833 devait avoir à regretter ce qui eût fait véritablement sa gloire et son éclat.

M. Horace Vernet a été du petit nombre de ceux dont les ouvrages concourent ordinairement à la rlchesse de nos salons, qui n'ont pas fait défaut à l'appel; mais la fatalité qui poursuivait la peinture a voulu que lui-même ne se tint pas à la hauteur qu'il avait prise en 1827 et en 1831. Cet artiste s'est proposé de rendre, dans les dimensions du genre historique, avec un style pur, noble et travaillé, une anecdote de la vie de Michel Ange et de Raphaël. Ces deux illustres rivaux,

l'un rassasić de gloire et d'années, l'autre dans toute la force du talent et en possession de toute la faveur publique, se rencontrant au Vatican: « Vous marchez avec une suite nombreuse ainsi qu'un général», dit le peintre du Jugement dernier au jeune Sanzio entouré de ses élèves; « Et vous, reprit celui-ci, vous allez seul comme le bourreau. » Cette anecdote; si elle est vraie, n'honore pas Raphaël, et peut-être, pour un artiste, est-ce avoir eu la main malheureuse que de l'avoir choisie pour sujet d'un tableau. Mais ce choix admis, M. Horace Vernet a-t-il du moins rendu son idée avec force et clarté? Si peu, à notre avis, que rien, absolument rien n'indique que Raphaël et Michel Ange viennent d'échanger ces aigres paroles. Michel Ange, les bras chargés de plâtres, d'outils, de clefs, descend l'escalier du Vatican, tandis que Raphaël est arrêté beaucoup plus haut, sur un pallier, d'où il fait une étude d'après une jeune paysanne placée au dessous de lui, à gauche, scène que le vieux pape Jules II observe d'un étage supérieur. Quant à la manière dont Raphaël peut faire cette étude, il est difficile de la comprendre', eu égard à la position respective du peintre et de la jeune femme. Quoi qu'il en soit, cette femme, qui tient un enfant dans ses bras, et sur laquelle M. Vernet a cu raison

Ann. hist. pour 1833. Appendice.

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d'appeler la lumière la plus brillante de sa composition, aurait été digne, par la pureté de ses formes, par l'expression céleste de sa tête, de servir de modèle au peintre de la Vierge par excellence."

M. Horace Vernet figurait encore au salon pour plusieurs portraits, entre lesquels celui d'une dame romaine, touchant du piano pour amuser son enfant que lui présente une nourrice, offre un heureux assemblage de toutes les belles qualités qui recommandent son pinceau. Ceci est plus qu'un portrait, c'est un tableau, et un tableau fort beau de composition, d'exécution, de dessin et de couleur.

L'auteur d'un tableau représentant les bonneurs funèbres rendus au Titien, mort à Venise, pendant la peste de 1576, M. A. Hesse, s'est placé baut cette année dans l'estime des connaisseurs. On trouve ici une unité de pensée et d'exécution, un accord du tout avec chaque partie qui constituent le mérite particulier de l'ouvrage. On sent que l'auteur a étudié avec profit les tableaux et la ville de Venise. Le style est bien approprié à la nature du sujet, la lumière distribuée avec une extrême justesse, la scène disposée avec une grande simplicité; le caractère des têtes et des expressions vrai en même temps que varié, et enfin la couleur locale observée avec soin.

Parmi les sujets de tableaux mis au concours pour la Chambre des députés, celui de Doissy-d'Anglas saluant la tête de Féraud massacré au sein de la Convention dans la journée du er prairial an 111 (20 mai 1795), paraît avoir surtout conveņu à l'imagination de M. Court; car, bien que son esquisse n'eût pas obtenu la préférence du jury, cet artiste n'en a pas moins persisté à exé cuter ce sujet dans une grande composition. Rien de mieux que cette confiance dans ses forces, dans son talent, mais il faut que le succès y réponde. Or, M. Court a échoué devant le public comme devant le jury. Sa composition, malgré tout

le fracas qu'il y a mis, laisse le spectateur froid, et manque de vérité dans la couleur. M. Court semble avoir voulu renchérir sur l'horreur du sujet; c'est à la fois un défaut de goût et d'esprit.

M. Orsel, à l'imitation des premiers peintres de la renaissance, a présenté le développement d'une idée morale dans une suite de scènes variées et coordonnées entre elles, que renferme le même tableau. Le sujet représente allégoriquement le bien et le mal sous la forme de deux femmes, dont l'une, après une vie vertueuse, est admise dans le ciel, tandis que l'autre, pour avoir prêté l'oreille aux conseils du démon,finit par devenir sa proie. On reconnait dans ce tableau l'application de toutes les grandes doctrines professées par David. Le dessin de M. Orsel est correct, le jeu de la lumière rendu avec soin, la composition bien ordonnée, et l'exécution, dans beaucoup de parties, fait honneur au talent du peintre. Ce tableau n'était pas d'ailleurs le seul de son genre à l'exposition, M. Couder a rassemblé aussi, dans un seul cadre, les principales scènes de Notre-Dame de Paris, en surmontant le tout du portrait de l'auteur du roman, M. V. Hugo. Ce genre, au total, a fait peu de sensation dans le poblic, et ne paraît pas devoir” se reproduire souvent.

Il y avait au salon quelques grandes pages où se rencontraient sans doute des qualités estimables, mais qui ne sont pas de celles dont l'esprit reste frappé. Plusieurs ouvrages, qui attestaient un talent réel, avaient le défaut d'avoir été traités dans de trop grandes dimensions : tels étaient Don Juan et Haidée, de M. Dubuffe; Ali pacha et Vasiliki, et Blanche de Beaulieu, par M. Monvoisin.

M. Ziegler s'est fait distinguer par i son tableau du Giotto dans l'atelier de Cimabué, et M. Guichard par ses rêves d'amour: toutefois, dans l'attention qu'on accordait à ce der nier ouvrage, il y avait plus d'étonnement que de satisfaction, car il

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