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quelques coups de foufflet: on peut encore enfumer les Abeilles des deux Ruches, ou du moins celles de l'ancienne : cette fumée paffagére les engourdit, fans pouvoir leur nuire; elles paffent à ce moyen la nuit ensemble, fans bruit & fans tumulte : le lendemain elles font pour ainfi dire apprivoifées & familiarifées les unes avec les autres ; & tout ce qui pourra en résulter, ce fera de trouver le matin du jour fuivant, une` des deux Reines morte aux environs de la Ruche, ce qui n'eft pas un grand

mal.

Enfin une troifiéme maniére de marier deux vieilles Ruches foibles, eft de commencer par les enfumer l'une & l'autre, afin de faire monter les Abeilles dans le haut de chaque Ruche; enfuite on détache la hauffe de bas de l'une & de l'autre, & l'on place la Ruche la plus foible fous l'autre mais comme cette Ruche fe trouve alors compofée de quatre hauffes, il ne faut pas manquer d'ôter celle de bas avant l'hiver, fi elle ne fe trouve pas fuffifamment garnie & peuplée, pour la laiffer fubfifter jufqu'au printemps.

On doit préférer, autant qu'il est

poffible, le mois de Mai pour marier les Ruches foibles, parce que c'eft celui de la plus abondante récolte pour les Abeilles, & celui par conféquent dans lequel il leur eft le plus aifé de garnir promptement leur Ruche: d'ailleurs c'eft le temps de la Ponte la plus. forte de la Reine. Cependant s'il s'en trouvoit encore de foibles jufqu'au mois d'Octobre, il faut abfolument les réunir, fi on veut qu'elles paffent l'hiver.

§. 19.

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Des ennemis des Abeilles; combats qu'elles livrent; pillages auxquels elles font exposées; maniére de connoître quand une Ruche y eft livrée, & remèdes d y apporter avantages & inconvéniens qui résultent d'un Rucher.

Es Abeilles ont bien des ennemis, comme nous le verrons au Paragraphe fuivant; mais les plus dangéreux font leurs Voifines propres : elles n'ont point d'ennemis dont le pillage faffe périr plus de Ruches : c'eft à quoi les Habitans de la Campagne ne penfent feulement pas. Chez elles comme

parmi nous, elles trouvent dans leur propre espèce des affaffins & des brigands, d'autant plus à craindre, qu'elles ont moins lieu de s'en défier, & qu'elles peuvent moins fe précautionner contre leurs attaques & leurs incurfions.

Ce n'eft pas communément par libertinage, ni par pareffe que les Abeilles vont au pillage, c'eft par befoin & néceffité. L'Auteur des Ruches de bois nous dit que les inclinations perverses d'une certaine espèce d'Abeilles, qui font les groffes brunes des bois, (peu connues dans cette Province) font quelquefois caufe de ce défordre: elles font, dit-il, plus fujettes à caution que les autres; l'on doit s'en défier, lorsqu'il s'en trouve dans une Ruche, & le meilleur eft de les en écarter autant qu'il eft poffible.

En général les Abeilles fe faififfent mutuellement; cherchent pour fe percer, le défaut de leur anneaux, dont la cuiraffe eft impénétrable à leurs dards: on les voit quelquefois quitter prîfe, après un long combat, fans s'être fait aucun mal : mais lorsqu'une des deux a trouvé moyen de percer fon adverfaire,

c'en eft fait dans le moment, le poison lui ôte la vue, & la victorieufe la traîne en triomphe hors de la Ruche.

Mais plufieurs autres causes forcent pour ainfi dire les plus pacifiques & les plus laborieuses, à commettre ce brigandage. Les principales font la misére, la faim & la difette qu'elles éprouvent au commencement du printemps ou d'un nouvel établissement, quand les premiers jours ont été mauvais, & ne leur ont pas permis de fortir. Tous ces fléaux concourent à former des bandes de voleurs & de brigands. Aufsi estil d'expérience que les faux jettons, ceux qui font trop foibles, qui arrivent trop tard ou qui n'ont pas été réunis à temps à d'autres, font ceux qui caufent plus de ravages: dans les Ruches ordinaires, le mal eft plus commun, & il n'eft prefque pas poffible d'y apporter remède; les Vers, les Teignes & les autres Infectes, qui y pénètrent facilement, s'y cantonnent, s'y multiplient, dévorent & gâtent tout l'ouvrage, de forte que les Abeilles n'ont rien de mieux à faire que de tout abandonner. Ces Mouches errantes & vagabondes cherchent à vivre aux dépens de qui il

appartiendra. Si elles font les plus fortes, elles affiégent une autre Ruche, elles en chafferont les Propriétaires, & ravageront toutes leurs provifions en peu de temps. Celles qui ont été chaf-. fées de leur maifon, iront à leur tour tenter de nouvelles aventures, ou plûtôt exercer de nouveaux brigandages; ainfi le mal deviendra épidémique, & l'on verra les Ruches les mieux fournies defolées & réduites à rien, par ce cruel accident. Enfin celles qui ont été rongées par les Souris, les Mulots & autres Animaux; qui ont effuyé les cruelles vifites des Guêpes & des Frélons, font encore souvent obligées d'abandonner leur Ruche, pour aller chercher leur fubfiftance dans d'autres plus faines ou mieux garnies. Telles font en abrégé les principales caufes du pillage, ce fléau fi redoutable & fi funefte aux Abeilles.

En général le pillage eft plus à craindre après deux à trois jours de pluie, parce qu'alors la faim preffe plus vivement celles qui ont fouffert pas le défaut de provifions: l'appétit eft fi vif, qu'elles faififfent les moyens les plus courts & les plus fûrs de le contenter

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