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en peu de temps. Ce pillage fe fait ordinairement dans les mois de Juillet, Août & Septembre; mais furtout dans celui d'Août. Dans ces mois les Guêpes & les Frélons [a] font dans toute leur vigueur & dans toute leur liberté, parce que tout eft éclos dans leur Guê pier; & comme ces Infectes ne font point de provifions pour l'avenir, & qu'ils vivent au jour la journée, ils cherchent partout à concilier les intérêts de leur pareffe & de leur fainéantife, avec ceux de leur gourmandise & de leur infatiable avidité.

Outre les Ruches foibles qu'on aura négligé de marier, celles des voisins, qui n'auront peut-être pas été également bien foignées, viendront chercher fortune, alléchées de très-loin par l'odeur du Miel, dont elles font friandes, & elles cauferont de grands domfi l'on n'y veille avec atten

mages,

tion.

On connoît qu'une Ruche est livrée au pillage lorfqu'on entend un bruit plus grand; lorfqu'on en voit fortir les

[a] On entend les Guêpes de la groffe espèce, & non les Abeilles fauvages, nommées Frélons en beaucoup d'endroits.

Abeilles avec plus d'affluence & de précipitation que de coutume, & lorfqu'on apperçoit des combats & des duels à la porte de cette Ruche, qui eft affiégée de tous côtés : d'autres prétendent qu'une Ruche eft livrée au pillage lorfqu'on voit une quantité extraordinaire de Mouches entrer & fortir avec grand bruit, & principalement fur le midi, comme autant de voleurs avides, qui entrent le ventre plat & fortent triomphants, le ventre gros & rempli quoiqu'il en foit de ce figne, qui n'eft peut-être qu'équivoque, à raifon de la difficulté qu'il y a de reconnoître dans le tumulte fi les Abeilles ont le ventre plein ou vuide, il ne faut pas confondre avec le pillage, les ébats & les divertiffemens que de jeunes Abeilles prennent aux environs de la Ruche, avant que d'entreprendre aucuns voyages en campagne. Lorfqu'el les viennent de naître, toutes ne vont pas dès le premier jour butiner les fleurs; on leur permet de fe promener, de s'amufer ou de fe fortifier pendant quelques jours, avant que de les envoyer à l'ouvrage. Il faut donc bien diftinguer le pillage de ces jeux d'enfans, afin de

he point prendre de précautions inutiles, ou même dangéreuses: au refte il eft aifé de diftinguer la jeuneffe qui cherche à paffer fon temps, des Abeilles étrangères qui viennent affiéger une Ruche. Les jeunes Mouches fe tiennent conftamment devant la bouche de la Ruche; elles ont même toûjours la tête tournée vers elle, pour la reconnoître & ne la pas perdre de vue, au-lieu que les Mouches affiégeantes environnent la place de tous côtés, fans garder aucune direction, ni aucune pofition déterminée: elles marquent une agitation vive, qui annonce de l'inquiétude; elles n'entrent qu'en crainte, & après plufieurs tentatives qui font connoître qu'elles font étrangères & fentent leur mauvais deffein.

?

Le fécret le plus efficace & le plus fouverain pour prévenir le pillage c'est de n'avoir que des Ruches fortes, & bien fournies en peuple & en provifions; pour cela il faut foigner attentivement fes Abeilles dans tous les temps critiques, fournir abondamment à leur fubfiftance, veiller exactement à leur propreté, réunir & marier

dans les temps tous les petits Effaims

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ensemble, enforte que, foit à l'entrée de l'hiver, foit dans les autres faifons, on n'ait point de Ruches foibles, donc les Abeilles foient contraintes d'aller au pillage pour vivre. Par cette précaution effentielle, on n'aura pas à craindre qu'elles aillent à la maraude, parce qu'elles ne manqueront de rien chez elles; on n'aura pas même tant à redouter de la part des étrangères ou des voifines, parce que celles que l'on a étant vigoureuses, bien peuplées & bien nourries, feront en état de fe défendre, & de foutenir avec avantage les affauts qu'on leur livrera. Si cependant, par inattention ou par accident, on avoit quelques Ruches crop foibles, dont on fût en droit de fe défier, ou pour lesquelles on eût à craindre, (parce qu'il arrive auffi que les fortes qui fentent leur fupériorité, vont piller les foibles) il faut avoir foin de les éloigner les unes des autres. Le voifinage leur fourniroit occafion de connoître mutuellement leur état & leur fituation, & de prendre enfuite des réfolutions violentes, dont les foibles feroient la victime.

Il ne faut pas manquer alors d'ap

on

pliquer à la Ruche de ces derniéres, un petit ratelier de bois, avec des arcades de grandeur & en nombre fuffifant, pour laiffer fortir & rentrer les Mouches avec cette attention préviendra infailliblement le pillage, parce que les Abeilles domiciliaires de la Ruche affiégée, fçauront bien fe défendre, fuffent-elles beaucoup moins nombreuses que les affaillantes ces derniéres ne peuvent fe préfenter qu'en détail, trouveront à qui parler, & ne fe hafarderont qu'avec crainte, & en moindre nombre.

Le pillage eft fi grand & fi funefte

e quelquefois même aux Ruches fortes, que bien loin de me déterminer à faire faire un Rucher pour mes Abeilles, j'ai grand foin de les éloigner le plus qu'il m'eft poffible les unes des

autres.

Ce n'eft pas que je ne sçache bien qu'elles y reffentent moins la rigueur du froid; qu'elles font moins expofées aux incurfions des Souris & des Mulors, & qu'elles y font à l'abri des nèges & des pluies que les vents pouffent contre les Ruches, lorfqu'on n'a pas pris les précautions convenables les en ga

pour

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