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rantir; mais j'ai remarqué auffi, qu'ou tre qu'un Rucher n'eft pas pratiquable pour la plupart des Gens de la Campagne, 10 c'eft qu'on ne peut ni vifiter fes Ruches, ni les dégraiffer avec la même facilité qu'en plein air, & fans inquiéter les plus voifines: 20 c'eft que mes Ruches mifes en hiver, de la façon que je l'expliquerai au Paragraphe 27, font à l'abri des pluies & des nèges; 30 enfin, (& c'eft ici la raifon la plus importante) c'est que plus les Ruches font voifines les unes des autres, & plus elles font exposées au pillage & au maffacre, tant parce que l'odeur du Miel y attire les fainéantes, que pare que leur vivacité naturelle & le moindre coup de vent, les expose à fe tromper à chaque inftant de Ruche, enforte que tout bien confidéré, j'ai pensé que les avantages d'un Rucher font inférieurs aux inconvéniens qu'il occafionne, & c'est la raifon pour laquelle je n'en ai point donné de defcription: d'ailleurs on peut y fuppléer en les enfermant l'hiver dans un appartement bien fec, & où il n'entre aucun jour, fi l'on en a.

§. 20.

Les premiers fe contentent ordinairement d'attaquer les Abeilles en détail & par trahison, en les furprenant en campagne, ou à l'entrée de leurs Ruches; celles-ci y pénétrent hardiment, & les éventrent impitoyablement, pour fe faifir du Miel qui eft renfermé dans leurs entrailles.

Contre ces lâches & perfides affaffins, il n'y a point de remède pofitif: le meilleur eft fans doute de détruire les Guêpiers qu'on peut découvrir aux environs, ce qui eft facile avec de l'eau bouillante, & de mettre un ratelier ou grille à la porte de la Ruche, où il n'y ait des arcades que pour paffer les Abeilles. Il eft certain que ces redoutables ennemis feront plus timides à entrer dans un endroit clos, que dans un découvert, où il leur feroit facile de dévorer en abordant tout ce qui pourroit s'oppofer à leur invafion; & que les Abeilles de leur côté feront plus hardies à les repouffer de concert & à forces réunies, en les voyant entrer en moindre nombre.

Les Fourmis font encore de ces Infectes qu'on doit éloigner des Ruches. Elles aiment paffionnément le Miel,

cependant elles n'attaquent ordinairement que les Ruches les plus foibles, & il eft aifé de les détruire : il ne faut même pour les empêcher d'y aller que de clouër autour des pieds qui foutiennent les tables, des laniéres de peau de Mouton, dont on met la laine en dehors.

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La fauffe Teigne n'en veut pas directement aux Abeilles, pas plus que les Fourmis; mais elle en veut à leurs ouvrages, ce qui revient au même ; car elle eft capable de faire périr une Ruche entiére, & de faire déferter toutes les Mouches en fe logeant au milieu d'elles. Je n'entreprendrai point de faire ici l'hiftoire de ces Infectes: il fuffira de fçavoir que ces Papillons de nuit, qui vont fe brûler à la chandelle, ne craignent point d'aller au travers de mille dangers, dépofer leurs Œufs dans le fond de la Ruche la plus peuplée : ces Œufs fe changent bientôt en Chenilles, qui fe pratiquent une demeure & une galerie dans les gâteaux, où elles vivent aux dépends d'une longue fuite de cellules de Cire, qu'elles percent fucceffivement pour fe nourrir; elles fe changent bientôt en Cryfalides,

s'envelopent dans une coque qui leur fert de défense, & enfin fe métamorphofent en Papillons, qui laiffent de nouveaux Œufs dans la Ruche. Quelquefois cette vermine fe multiplie tellement dans une année, que les Abeilles n'y peuvent plus tenir, & font forcées d'abandonner leurs Ruches pour toûjours.

Elles ne font point inftruites de ce qu'elles ont à craindre de ces Papillons, qu'elles laiffent courir dans leurs Ruches fans les poursuivre : elles n'emploient ni contr'eux, ni contre les Teignes qu'ils produifent, aucuns de ces moyens vigoureux ou ingénieux dont ont leur fait honneur en tant d'autres occafions: ces Républicaines fi fiéres, fi jaloufes de leur provifions, nourrif

fent dans leur fein un ennemi domeftique, de la foibleffe duquel elles ne fe défient pas, & qui parvient à fe rendre maître de la place; tant il eft vrai qu'il n'y a point d'ennemi méprifable. Le mal que leur font les fauffes Teignes eft prefque toûjours irremédiable dans les anciennes Ruches, & on a le défagrément de voir des Colonies entiéres d'Abeilles déferter, en ne laiffant que

des provifions dont on ne peut tirer aucun parti.

Comme ces fauffes Teignes fe logent prefque toûjours dans le haut des Ruches, il eft fort facile de les exterminer en détachant la hauffe fupérieure, dans laquelle elles fe placent ordinairement. D'ailleurs les vieilles Ruches font plus expofées à ce malheur que les nouvelles; & comme j'ai grand foin de renouveller les miennes, elles n'en font prefque jamais infectées. Cependant, lorfqu'il s'en trouve fur la table, il faut après avoir écarté doucement la Ruche le foir, les ratiffer avec un couteau, & frotter la place avec du vinaigre ou de de l'urine & force fel.

Ce n'eft pas feulement pendant l'été que les Abeilles font perfécutées de tant de maniéres : elles le font encore très-cruellement pendant l'hiver. Les Souris, les Mufaraignes, les Mulors font fur-tout à craindre pendant cette faifon. Ces ennemis ne feroient pas affez hardis pour entrer dans une Ruche, dont les Abeilles auroient leur activité ordinaire : ils fe tireroient mal d'une pareille expédition, & ils fuccomberoient bientôt fous le nombre de

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