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J'ai déja dit que le Miel occupe toûjours feul la partie fupérieure de la Ruche, & que le Couvain, qui eft toûjours dans le bas, fe prolonge ordinairement vers les deux tiers, où l'on commence à le trouver mêlé avec le Miel : il est donc conftant qu'en n'ôtant que la premiére hauffe, on n'enlève que le Miel pur, fans aucun Couvain. A la vérité on ne s'approprie qu'une partie de la dépouille d'une Ruche; mais outre que cette partie est tout ce qu'il y a de bon, c'est qu'on a l'avantage de faire cette opération fans peine & fans détruire ni Mouches, ni Couvain. Ainfi loin de ruiner en entier fes Ruches comme dans les méthodes ordinaires, on les laiffe fi abondamment pourvues de Miel, de Cire & de Couvain, qu'à peine s'apperçoivent-elles du vol qui leur eft fait, & qu'elles continuent leur travaux avec la même ardeur, enforte que, pour peu que l'année foit favorable, elles fe retrouvent dans un état qui permet qu'on leur enlève, à la fin de l'automne, une feconde hauffe, & par cette façon de les ménager, on eft fûr de retirer en deux fois un produit plus confidérable, qu'en voulant les

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dépouiller & ruiner tout d'un coup, comme l'on a coutume de faire en beaucoup d'endroits.

Je ne peux déterminer positivement le nombre de hauffes qu'une Ruche doit avoir pour être dégraiffée ; je crois que cela dépend des Pays plus ou moins chauds, plus ou moins favorables aux Abeilles, & l'expérience feule peut fervir de règle. Je me fuis bien trouvé de ne point faire cette opération avant que mes Abeilles ayent rempli la moitié d'une quatriéme hauffe; j'en ai cependant vu beaucoup garnies de Miel à trois j'en ai vu auffi à qui je faifois ajoûter avec fuccès une quatriéme & une cinquième, à mesure que j'appercevois qu'elles en avoient befoin pour ne les dégraiffer qu'au mois d'Août, de Septembre ou d'Octobre; ce qu'il y a de certain, c'est qu'il ne faut leur en donner qu'une à la fois; qu'un nombre fuperflu leur eft nuifible, les décourage par le trop grand vuide qu'il leur offre, & par l'impoffibilité de le remplir de gâteaux, quelquefois même les force à l'abandonner.

En général, on ne doit dégraiffer chaque Ruche, qu'autant qu'on lá con

noît bien pourvuë de Miel ce qu'il est facile de connoître à la quantité de ses Ouvrières, à fa péfanteur & à fon odeur miellée qui fe fait fentir fortement en approchant d'elle: mais pour celles qui n'ont que le néceffaire, il feroit imprudent de leur enlever au cune hauffe cette épargne fera bien récompensée, par la vigueur qu'elle ne manquera pas d'acquérir, puisqu'elle se mettra en état de paffer l'hiver fans fecours, de jetter au printemps un, ou même plufieurs bons Effaims, & de former pendant l'été une forte Ruche, qu'on dégraiffera alors avec avantage, & qui fe perpétuéra ainfi les années fuivantes.

C'est ici que je puis dire avec l'Auteur des Ruches de bois, qu'il n'y avoit prefqu'aucun temps dans l'ancienne pratique, dans lequel ont pût tenter avec fûreté de tailler fes Ruches: on ne le faifoit qu'avec crainte, & qu'en s'expofant à mille inconvéniens, aulieu qu'on peut dans tous les temps, & fans courir le moindre rifque, dégraiffer fes Ruches & leur ôter leur fuperAlu, pourvu cependant que ce ne foit dans la faifon des Effaims, de

pas

crainte qu'il ne fe trouve du Couvain dans la hauffe qu'on veut enlever, Cette Ruche, qui aura été dégraiffée au mois de Juillet, méritera peut-être encore de l'être deux autres fois avant l'hiver, fi le Pays eft abondant, la faifon favorable, & la Ruche bien peuplée. Telle autre Ruche qu'on n'a pas dû dégraiffer pendant tout l'été, parce qu'elle n'étoit pas trop fournie, aura fait des provifions fuffifantes pendant l'automne, pour autorifer à la dégraiffer avant l'hiver : en un mot, cette facilité qu'on a de tailler mes Ruches, & de le faire toutes les fois qu'on le juge néceffaire, eft un avantage des plus importans; j'ai de très-bonnes raifons de ne pas différer cette opération jufqu'à la fin de l'hiver: en les dégraiffant pendant l'année, & fur-tout au mois d'Octobre, je confulte autant mes propres intérêts que ceux de mes Ouvriéres: je rends, comme je viens de le dire, leur habitation moins grande, & dès lors plus chaude & moins expofée à les faire périr de froid pendant l'hiver. Je trouve également mon avantage dans cette pratique, parce que la qualité de la Cire & du Miel, qui paffent

P'hiver dans une Ruche, fe trouve altérée par l'humidité & les vapeurs que la chaleur y entretient, & que le moindre mal qui en puiffe résulter, eft que ces vapeurs noirciffent les rayons, & rendent la Cire plus difficile à blanchir.

§. 22.

Maniére de réduire les Ruches ordinaires à ma nouvelle méthode.

Our réduire une Ruche ordinaire

Pour réduire une hode, one pagit que de placer une hauffe deffous, auffi-tôt qu'elle a jetté un Effaim, ou même auparavant, fi on ne la croyoit pas affez forte pour en produire, & de placer fur la table une natte voutée ; enfuite, lorsqu'on s'apperçoit que les Abeilles ont travaillé dans cette hauffe, on choifit vers le mois d'Août une nuit obfcure, pour cerner tout alenTour, avec un couteau bien tranchant, au moins la tierce partie du haut de la Ruche, en fe donnant de garde que la lame ne pénètre trop dans l'intérieur, de crainte de tuer les Abeilles : & pour les contenir pendant cette opé

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