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§. 1.

Des qualités des Abeilles en général; de leurs différentes espèces; combien de fortes il y en a dans une Ruche; defcription des Abeilles communes ; de leurs piquures, & des remèdes d y appliquer.

L

Es Abeilles font de tous les Infectes le plus vif & le plus laborieux: elles concilient à merveille cette vivacité & les armes offenfives dont elles font pourvuës, avec cet inftinct qui les unit, & les porte à agir de concert, pour leur bien-être général, & leur confervation.

On ne peut voir, fans étonnement, la régularité de leurs ouvrages, l'union, la police & la propreté qui rè gnent dans leur République, & leur amour pour le travail, qui leur fait entreprendre des voyages de plufieurs lieuës, dans la vue de fe procurer la

Cire & le Miel dont elles rempliffent leurs magafins, pour les befoins de l'hiver.

La furprise augmente encore, lorfqu'on fait attention aux différentes fortes d'Abeilles qui forment chaque Ruche, à leur destination, à la fécondité admirable de la Reine, & aux foins qu'elles prennent de leurs Embryons, pour les amener à leur perfection.

Elles font fort-délicates: leurs ailes fe frangent aisément, par les chocs qu'occafionnent les coups de vent, les pluies & un travail continuel. La rigueur du froid les engourdit, les tient fouvent dans l'inaction des mois entiers, & fait quelquefois périr une partie des Ruches, faute d'y apporter remède & il n'eft rien de plus ordinaire en hiver, lorfque le Soleil luit, de voir celles qui fe hafardent de prendre l'effort, tomber tranfies de froid, fans avoir la force de regagner leur Ruche.

Le froid n'eft pourtant pas ce qui en fait périr le plus : l'humidité, occafionnée par les pluies dont on n'a pas foin de préferver leurs Ruches, lear eft encore plus funefte, à caufe de la

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moififfure qu'elle occafionne dans les gâteaux, & l'air corrompu qu'elles y refpirent par le défaut de circulation d'air; & c'eft pour cela que les Ruches de paille font préférables à celles de bois, qui font moins poreufes & plus froides.

L'Abeille a la vue très-perçante & l'odorat très-fin [4]; toûjours prête à fe venger des objets qui peuvent exciter fa colére, le bruit ne l'effraye pas, & elle n'héfite jamais à livrer combat aux Hommes & aux Animaux, qui font affez téméraires pour s'approcher de trop près de leur domicile, ou pour ofer y pénétrer, fans que leur nombre ou leur taille puiffe l'arrêter.

Mr. de Palteau diftingue, comme plufieurs autres, trois fortes d'Abeilles; les deux premiéres, plus groffes & plus grandes, d'une couleur plus brune & plus foncée que les autres, ont été prifes, felon lui, dans les bois, & enfuite tranfportées dans nos jardins. Les

[a] Les Ruches périffent auprès des Villes où il y a des Rafineries de fucre: que l'on mette du Miel dans un appartement, on les voit bien-tôt y accourir en foule; & à peine les Rabettes, les Sarrafins, &c.commencent-ils à fleurir, qu'on les voit s'y rendre en lig gne directe de leurs Ruches,

autres, d'une médiocre groffeur, mais d'une couleur brune tirant fur le noir font, dit-il, également tirées des bois & l'on a un peu de peine à les apprivoifer.

Enfin les Abeilles de la troifiéme efpèce, auxquelles il donne la préféren ce pour le travail, font d'un jaune au rore, luifantes, vives & fémillantes. Quoi qu'il en foit de ces trois espèces, comme je n'en ai remarqué que d'une feule dans ma Province [a], c'eft à elle feule que je vais me fixer.

Il y a de trois fortes de Mouches dans une Ruche: la premiére, qui compofe le plus grand nombre, eft l'Abeille commune ou mulâtre; elle n'eft ni mâle ni fémelle, & elle feule est chargée du foin & de l'approvifionnement de toute la Famille. Les Bourdons, qui font les mâles, forment la deuxième espèce, & la troifiéme eft la Reinemere, dont l'emploi eft de donner des fujets à l'État.

On diftingue trois parties principales dans l'Abeille commune la tête, la poitrine & le ventre; la tête eft compofée de deux yeux, de deux

[a] Normandie,

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machoires ou pinces, d'une bouche avec fa langue, d'une trompe & de deux cornes ou antennes. Les yeux font taillés à facettes, de couleur de pourpre & couverts de poil; les deux machoires font garnies de deux dents, pofées l'une contre l'autre, longues faillantes, & jouant de gauche à droit:

elles s'en fervent comme de deux mains, pour conftruire leurs ouvrages, paîtrir la Cire, & jetter dehors tout ce qui les incommode: au-deffous des deux dents, lorfqu'on les a féparées, on obferve à la racine de la trompe, une ouverture qui eft la bouche, & audeffus un mammelon charņu qui eft la langue. Cette trompe eft une partie déliée & veluë, qui fe dévelope & fe replie au befoin: lorfqu'elle eft déployée & en mouvement, on la voit defcendre du deffous des deux dents faillantes elle paroît dans cet état comme une lame affez épaiffe, trèsluifante & d'un brun châtain : lorsqu'elle est dans fon repos & repliée, on ne voit que les étuis ou les fourreaux qui la contiennent. Elle est destinée à faire la récolte du Miel, non en le fuçant, mais en léchant & lappant au

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