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qu'elle contient. [4]

Mais la méthode la plus barbare & la plus contraire à fes

propres intérêts, eft celle de brûler les Mouches avec du fouffre à la fin de l'automne : par cette maniére d'opérer, on fe procure, à la vérité, dans ce moment une récolte plus abondante que par les précédentes, puifqu'alors les Abeilles ont fait toutes leurs provifions; mais auffi on eft réduit à ne conferver que les Effaims de l'année: trifte effet du préjugé où font bien des perfonnes, que les Ruches, paffé trois ans, ceffent d'en produire.

Il n'eft donc pas furprenant que la multiplication des Abeilles n'ait pas fait plus de progrès dans le Royaume. Il l'eft, au contraire, qu'il en refte encore une auffi grande quantité qu'il y en a, fi, en outre le grand nombre d'ennemis, de maladies & d'accidens, dont j'ai donné ci-dessus le détail, on fait encore attention à la briéveté de leur vie.

On a cru prévenir une partie de ces

[4] C'eft un ufage auffi pernicieux que commun de donner des Ruches d'égale grandeur aux Effaims foibles comme aux plus forts; & les Ruches nouvelles, dont on va parler, préviennent cet abus.

que

inconvéniens, en propofant, il y a quelques apnées, l'ufage des Ruches Ecoffoifes, qui ne font autre chofe deux demi-Ruches de glui [4] pofées. l'une fur l'autre, & dont le haut, aulieu d'être en voute, plus ou moins oblongue, comme les Ruches ordinaires, étoit plat, avec une ouverture de trois pouces en quarré, pratiquée au haut de l'inférieure, pour la communication de l'une à l'autre.

On s'étoit perfuadé que lorfque la Ruche fupérieure étoit bien garnie de Cire, & l'autre jufqu'à moitié, il suffifoit d'y ajoûter une demi-Ruche, & enfuite enlever la premiére, qu'on fupposoit remplie de bon Miel, la pofer au pied de fa table, & forcer, avec deux bâtons, les Mouches de l'abandonner , pour se réunir à l'autre : à ce moyen on fuppofoit encore qu'il devoit leur refter des provifions fuffifantes pour paffer l'hiver; mais cette Ruche eft auffi imparfaite que les autres : 10" en ce qu'avec le Miel on enlève encore une quantité confidérable du Couvain, qui occupe toûjours alors tout le bas

[a] On entend par glui, la paille premiéte; c'eftà-dire, celle qui n'a pas été broyée par le fleau,

de la Ruche jufques vers les deux tiers; 2o en ce que pour couvrir des Ruches ainfi applaties par le haut, on eft obligé de fe pourvoir d'une couverture de terre cuite, chez les Potiers, en forme de poële renversée; méthode coûteufe, fragile, & incapable de préserver les Ruches des pluies que les vents pouffent avec violence contre fes côtés, & qui en font moifir tout l'intérieur ; 3o en ce que le haut de la Ruche étant plat, il s'affaiffe bientôt fous le poids des gâteaux qui y font attachés, lefquels venant à porter fur le plancher de la feconde hauffe , s'y écrafant, étouffent le Couvain, & interrompent ainfi le libre paffage & les travaux des Abeilles.

Les meilleures de toutes les Ruches connuës jufqu'à préfent, font fans contredit celles de bois de Pin ou de Sapin, compofées de trois hauffes quarrées d'égale grandeur, appliquées les unes fur les autres, avec un furtout de bois peint par-deffus, pour les garantir de tous accidens. Ces Ruches, fortingénieusement inventées, ont été données au Public par Mr de Palreau, avec un Traité imprimé à Metz

en 1756, & Mr. de Maffac en a fi bien reconnu les avantages, qu'il en a fait imprimer depuis peu un Extrait, pour en rappeller l'ufage.

Il eft certain que cette méthode obvie à la plupart des inconvéniens qu'on rencontre dans les Ruches ordinaires; mais chaque Ruche coûtant au moins fix livres, il n'eft pas poffible qu'elles puiffent être adoptées dans les Campagnes, comme le reconnoît Mr. de Bomare, dans fon Dictionnaire Univerfel d'Hiftoire Naturelle, au mot Abeilles ; & je me fuis moi-même déterminé à les abandonner, après avoir reconnu, par des expériences réitérées, que fi elles ont quelque fuccès dans les Pays chauds & fecs, il n'en eft pas de même dans les Provinces plus froides & plus humides. J'ai reconnu, dis-je, 1o que le fil d'archal, avec lequel on partageoit les hauffes pour tailler ou dégraiffer une Ruche, faifoit un mauvais effet: 2o que les gâteaux étoient plus sujets à s'y moifir, & qu'elles produifoient beaucoup moins d'Effaims que celles de paille, ce que j'ai attribué à la perte d'une partie du Couvain, occafionnée par l'humidité & la fraîcheur du bois

qui forme une double envelope, que la chaleur du Soleil ne pénètre pas aflez.

Cependant je n'ai pris ce parti qu'après avoir réuffi à adapter cette méthode aux Ruches de paille, & m'être confirmé 1o que la conftruction de ces Ruches eft fi fimple, qu'elles peuvent être exécutées felon la feule defcription que j'en ferai, ou à la vue du modèle: 2o que le prix des trois hauffes, qui compofent une Ruche ordinaire, [4] n'excède pas 24 ou 30 fols, que les Villageois peuvent s'épargner, en les faisant eux-mêmes: 30 que les Abeilles s'y confervent un grand nombre d'années: [] 4°. qu'on fe procure le fuperflu de leur magafin fans peine, fans rifquer d'être piqué, fans détruire aucunes Mouches, ni enlever le Couvain, & avec d'autant plus de facilité que cette opération fe fait en plein jour, toutes les fois qu'on le juge néceffaire: 5°. que non-feulement on peut réunir

[4] A un foible Effaim deux hauffes fuffifent d'abord, & à un Effaim très-fort & qui a beaucoup travaillé, on eft quelquefois obligé d'y en ajoûter une quatrième, ce qui eft rare.

[] On entend par-là la Ruche, & non chaque Abeille en particulier,

A

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