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médiocre odeur, à celui qui en a une trop fenfible; celui-ci étant pour l'ordinaire travaillé & falfifié par le moyen de quelques herbes fortes qu'on y a mêlées. En général les herbes contribuent beaucoup à lui donner des odeurs, & des qualités plus ou moins eftimables. Entre les blancs, celui de Narbonne eft regardé comme le plus délicieux, à caufe de la chaleur du climat, & de la quantité de Romarin & de Méliffe qu'il y a aux environs de cette Ville, ou plûtôt de Corbiére, petit Bourg qui n'en eft éloigné que de trois lieuës. Parmi les Miels communs (& qui font peut-être les plus fains) celui de Champagne paffe pour le meilleur des jaunes, parce qu'en général, le terroir y eft fec & les herbes fines & aromatiques; celui des Pays les plus gras, n'est pas des plus

eftimé.

De-là on doit conclure que s'il y a un grand avantage à avoir beaucoup de Miel, il y en a encore plus, à en avoir qui foit bon; & que cela dépend de la fituation dans laquelle on fe trouve, & du foin qu'on a de procurer de bonnes herbes à fes Abeilles

aux environs de leurs Ruches. Cette fituation eft quelquefois fi avantageufe, qu'il eft des Pays l'on fait voiturer tous les ans les Ruches par bateaux, de canton en canton, pendant Pété & l'automne fuivant que les fleurs s'y fuccèdent : auffi n'eft-il pas extraordinaire d'y en voir qui donnent jufqu'à quarante & foixante livres pefant de Miel.

§. 8.

Prodigieufe fécondité de la Reine; maniére dont elle dépofe fes Œufs dans les Alvéoles: on voit rarement plus d'une Reine aux premiers Elaims; il y en a ordinairement plufieurs aux Jeconds & troifiémes, & pourquoi?· A Peine une jeune Mere a-t-elle

quitté fa dépouille de Cryfalide, qu'elle eft fecondée, dans l'efpace de quatre à cinq jours, & prête à pondre. Le Couvain eft cette multitude d'œufs qu'elle place dans les Alvéoles: fa fécondité eft fi grande, qu'elle pond fouvent en fix femaines dix à douze mille oeufs, & que pour l'ordinaire

ce nombre va dans une année, jufqu'à trente-cinq à quarante mille: il devroit être même double & triple, fi le calcul de Mr. de Bomare étoit exact, ce que je n'ai encore pu vérifier *.

· Cette fécondité, quelque prodigieufe qu'elle paroiffe, n'eft point fufpecte: on a compté dans les ovaires d'une Mere Abeille, jufqu'à cinq mille cent œufs visibles, par le moyen d'une bonne loupe; de-là on n'a pas eu de peine à conclure que le nombre de ceux qui échapent aux yeux par leur petiteffe, & qui prendront leur place à mefure qu'ils feront pondus, eft beaucoup plus confidérable.

* Voir ci-après.

Un cortége affez nombreux, quelquefois plus grand, quelquefois moindre, accompagne cette Reine, moins affurément pour la défenfe d'une tête auffi précieufe à l'État, & qui n'est communément expofée à aucun danger, de la part des ennemis du dehors, que pour la foigner & la foulager car les unes lui préfentent du Miel, avec leur trompe, les autres la lèchent, la careffent, la broffent même exactement.

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Ainfi escortée, la Reine entre d'abord dans un Alvéole, le tête la premiére, pour en faire la vifite, & elle y refte pendant quelques inftans: enfuite elle en fort, & y rentre à reculons, pour dépofer & coller l'œuf dans l'angle qui eft au fond. Sa ponte est faite dans un moment : elle pond ainfi cinq ou fix œufs tout de fuite, après quoi elle fe repofe avant que de continuer; quelquefois elle paffe devant un Alvéole vuide fans s'y arrêter, fans même le vifiter, & le choix eft d'autant plus indifpenfable, que les cellules n'ont pas toutes les mêmes dimenfions & la même grandeur, comme je l'ai expliqué au Paragraphe 6o.

Il n'eft donc pas étonnant que la Mere Abeille, qui eft prête à pondre l'œuf d'une Ouvriére, n'entre pas dans l'Alvéole destiné à contenir un Mâle qu'elle rencontre fur fa route, un coup d'œil lui fuffit pour en faire la diftinction; mais elle entre d'abord & doit entrer la tête la premiére, pour voir fi l'habitation eft préparée, & fi elle n'a rien qui puiffe nuire au dépôt qu'elle va lui confier, & qu'elle fçait lui convenir.

Il est bien admirable de voir que cette Mere ne fe trompe jamais dans la diftribution qu'elle fait de fes œufs, & qu'elle les place exactement dans les Alvéoles propres à contenir chaque efpèce; il eft vrai que lorfqu'elle n'en trouve pas un affez grand nombre de préparés, pour tous les œufs qui font prêts à fortir, elle en met deux ou trois & jufqu'à quatre dans le même; mais ils ne doivent pas y refter, un feul doit le remplir. On ne fçait s'ils font enfuite replacés dans d'autres cellules; ce qu'il y a de certain, c'eft qu'on n'a pas encore remarqué, je le répète, qu'il en foit resté plus d'un dans chaque : on a feulement découvert que la ponte n'est pas entre-mêlée, de façon que cette Reine ponde tantôt un œuf d'Ouvriére, tantôt celui d'un faux Bourdon, & tantôt celui d'une Fémelle. Les œufs des Abeilles communes fortent les premiers, au nombre de plufieurs milliers; vient enfuite une centaine d'œufs, & quelquefois beaucoup plus, qui produiront des Mâles: ceux-ci font fuivis par quinze ou vingt oeufs, d'où fortiront les Reines; après quoi la ponte des œufs des Ouvriéres continuë &

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