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titude de faits qui paroiffent s'écarter des loix ordinaires de la Nature; mais qui cependant n'ont rien d'impoffible entre les mains de l'Etre Souverain qui a créé toutes choses avec une va riété, & en même temps avec une fageffe infinie. Que l'expérience, lorf qu'elle eft faite avec les conditions né ceffaires pour en conftater l'exactitude,. étant la feule chofe qui doive nous fixer, nous en avons deux qui détruifent entiérement fon fyftême.

La premiére c'est l'accouplement d'une Reine avec deux Bourdons, que Mr. de Réaumur lui a substitués l'un après l'autre, fous un verre où il l'avoit enfermée. La deuxième eft que, comme je l'ai déja dit, d'habiles Observateurs ont compté, avec le fecours d'un bon microscope, jufqu'à cinq mille cent œufs tout à la fois, dans les ovaires qui font remarqués des deux côtés du ventre de la Reine, fans en découvrir aucuns dans les deux autres efpèces, & ont apperçu, en outre, dans la partie la plus reculée de ces ovaires, une matiére blancheâtre & encore informe, qui étoit, fans doute, destinée à former tous ceux qui devoient fe fuc

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Article des Abeil

les.

céder pendant tout le cours de l'été.

Or après le calcul exact d'un auffi grand nombre d'oeufs, fans parler de ceux qui étoient déja pondus, & après qu'on a vu cette Reine parcourir les différentes cellules d'un gâteau, y entrer d'abord la tête la premiére pour la vifiter, y introduire enfuite fon ventre, & y laiffer un œuf collé dans * Voyez le Specta- l'angle qui eft dans le fond *, où l'on cle de la Nature, avoit remarqué auparavant qu'il n'y en avoit point, n'eft-il pas beaucoup plus naturel de conclure qu'elle eft la feule Pondeufe, & que les Bourdons font les Maris, que de s'imaginer, 1° qu'une Reine, qui contient une fi grande quantité d'oeufs, ne produise cependant que fept à huit, & tout au plus quinze à vingt Abeilles de fon espèce: 2o que parmi les Bourdons, il y a des mâles qui font divorce avec les fémelles de leur espèce, pour s'accoupler avec la Reine, qui eft d'une espèce différente, fans que le Roi fon Mari, bien pourvu d'armes redoutables, fe trouve, offenfé de l'attentat commis à fes yeux, par une Époufe infidelle, & par des fujets poltrons & fans défense? En effet, il faut que Mr. Simon

convienne que l'accouplement qu'il fuppofe du mâle d'une espèce avec une fémelle de l'autre, répugne à l'ordre naturel, & ne manqueroit pas de produire des monftres, ce qui n'arrive point: donc, &c.

L'expérience qu'il prétend avoir faite fur les Bourdons, dont le ventre par lui preffé ne lui a pas offert les mêmes objets, n'eft encore rien moins que fuffifant pour en conclure comme il a fait, qu'il y a des mâles & des fémelles parmi eux j'ai remarqué moi-même, bien des fois, que la preffion a plus d'effet fur les uns que fur les autres, & que la partie que je cherchois à découvrir fe trouvoit quelquefois écrasée dans l'intérieur, plûtôt que de fortir au-dehors. D'où je conclus à mon tour, que pour que l'expérience de cet Auteur eût quelque vrai-femblance, il eût dû ouvrir avec un canif le ventre des Bourdons qu'il· foupçonnoit être des fémelles, pour voir fi l'intérieur lui auroit offert des ovaires & des œufs, ou plûtôt s'affurer fi ce qu'il n'avoit pu faire fortir, n'y étoit point resté écrasé, comme cela m'eft arrivé.

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Mais, 1 il est démontré que les Bourdons, au retour du printemps, n'éclofent que concurremment avec les Abeilles communes: comment peut-il fuppofer qu'ils font l'office de Couveuses, pour les faire éclore ? 20. S'il y a des mâles & des fémelles parmi eux, que deviennent leurs œufs après le maffacre général auquel ils font exposés au bout de fix femaines ? 30. S'ils font alors tous exterminés qu'est-ce qui en produira d'autres au printemps fuivant? eft-ce que leurs ceufs, différens de ceux des autres Abeilles, resteront dans leurs Alvéoles pendant les chaleurs de l'été & de l'automne, pour n'éclore qu'au bout d'un an, dans le temps que le Soleil fait à peine sentir fa chaleur?

Enfin, il affure avoir vu des Abeilles ouvriéres en tas, dont les unes fécondoient les autres : mais les appa rences ne l'ont-elles point encore féduit fur ce chef? & n'a-t-il point pris pour accouplement, certains mouyemens fubits occafionnés par des motifs de dilection ou d'impatience, ou pour obliger quelques-unes d'entr'elles à fe ranger & faire place? car, encore un

coup,

coup, un accouplement annonce une fécondation, & par conféquent des ceufs & une ponte: fi donc tout cela avoit lieu dans cette efpèce, qui eft la plus nombreuse, pourquoi Mrs. de Réaumur, Maraldy, &c. n'auroient

ils

pu découvrir leurs ovaires & diftinguer leurs œufs, comme ils ont fait ceux de la Reine-mere? Pourquoi n'auroient-ils vu ces Abeilles entrer à reculons dans leurs cellules, pour y dépofer leurs œufs comme fait la Reine? Pourquoi enfin fouffrent-elles ufurper des cellules qui ne font deftinées que pour elles, par une Abeille d'une espèce différente, & feule de la fienne, fi l'on en excepte le mâle qu'il lui fuppofe?

Si Mr. Simon prétend attenuer des expériences faites par des Obfervateurs auffi refpectables que ceux que j'ai fuivis, qu'il nous donne donc d'autres expériences qui ayent le dégré de certitude, qu'on eft en droit d'exiger de lui, & non des fuppofitions qui bleffent elles-mêmes les yrai-femblances. Qu'il ceffe, dis-je, d'avancer avec une confiance qu'on ne fçauroit lui paffer : » Qu'il réfute folidement, avec des

G

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