Images de page
PDF
ePub
[blocks in formation]

Membres de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres,
Et MM. les Membres composant le Bureau de l'Académie..

Directeur :

M. RENÉ CAGNAT, Membre de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres.

Secrétaire de la Rédaction :

M. HENRI DEHÉRAIN, Conservateur de la Bibliothèque de l'Institut.

HISTORIQUE, 'MODE ET CONDITIONS DE LA PUBLICATION.

Le JOURNAL DES SAVANTS est le plus ancien des journaux littéraires de l'Europe. Fondé en 1665, il fut placé par Louis XIV en 1701 sous le patronage royal. Il disparut en 1792, mais il fut réorganisé par l'État en 1816. Depuis 1903 il est publié sous les auspices de

l'Institut de France.

Le JOURNAL DES SAVANTS paraît le 15 de chaque mois, sauf en août et en septembre, par fascicules de six feuilles in-4°.

Le prix de l'abonnement annuel est de 50 francs pour la France et de 60 francs pour l'étranger. Le prix du fascicule est de 6 francs.

Les manuscrits ainsi que les propositions de collaboration doivent être adressés à M. le Directeur ou à M. le Secrétaire de la rédaction, Bibliothèque de l'Institut, 23, quai de Conti, Paris, VI.

Adresser tout ce qui concerne les abonnements et les annonces :

A la Librairie Orientaliste PAUL GEUTHNER, 13, rue Jacob, Paris, VI.

DES SAVANTS

JUILLET 1927

LES ORIGINES DE LA GRAVURE EN FRANCE

André BLUM. Les origines de la gravure en France. Les estampes sur bois et sur métal. Un vol. in-4o, 93 p., 78 ill. Paris, Van Oest, 1927.

Dans l'importante préface qu'il a mise en tête de l'ouvrage de M. Blum, le comte de Laborde écrit : « Comme pour les origines de l'imprimerie, celles de l'estampe c'est-à-dire de l'image tirée sur papier - n'ont pas encore été élucidées jusqu'à présent », et M. Blum dit de même : « L'histoire de la découverte du procédé de la gravure est si compliquée et si obscure qu'il est difficile actuellement de prétendre jeter une lumière nouvelle sur le problème de ses origines. » C'est absolument juste, surtout quand il s'agit de la France; Courboin a fait observer que, si la bibliographie du sujet ne comporte pas moins de 5000 numéros, l'histoire de l'estampe française n'y est représentée que par huit. Il n'exagère que de peu et ne songe sans doute qu'aux ouvrages formant un ensemble. Encore faut-il immédiatement rappeler que Bouchot, avec sa hardiesse enthousiaste d'explorateur, a ouvert la voie dans l'histoire de la gravure comme il l'a fait pour les Primitifs français de la peinture.

[ocr errors]

1. Dans le précieux ouvrage sur le Département des Estampes du vicomte Delaborde, les estampes ne sont signalées que tout à la fin du volume et à partir du xv s.

La bibliographie générale est donnée par Blum (p. 81-84); j'indique ici spécialement : H. Bouchot, Le bois Protat (Gazette des Beaux-Arts, 1902, p. 395 et suiv.). Les deux cents incunables de la Bibliothèque nationale. Un vol. de texte, un vol. de pl. in-fo.

H. Courboin, Histoire illustrée de la gravure française, 2 vol. de texte in-1o, 2 vol. de pl. in-fo, 1923.

Lemoisne, Catalogue de l'exposition des estampes du moyen âge à la Bibliothèque nationale, Paris, 1926.

SAVANTS.

37

[ocr errors]

En face de ces problèmes si complexes et si nouveaux, tels qu'ils se semblent présentent aujourd'hui, quelques définitions élémentaires indispensables pour limiter dès l'abord le champ des recherches et des développements. Car le mot de gravure comprend deux termes : le procédé et ses résultats, les gravures, ou, pour éviter toute équivoque, les estampes. On peut donc, on doit, quoi qu'on en ait dit, exclure de l'histoire de l'art du graveur les nielles et travaux d'orfèvrerie en creux ou en relief et les impressions de dessins ou de couleurs sur étoffe. L'art de la gravure, c'est l'art de reproduire sur papier ou autre matière tout à fait semblable un dessin tracé d'abord sur le bois ou le métal, et cela en vue de le multiplier et vulgariser. Peu importe d'ailleurs le procédé employé : la taille d'épargne sur le bois ou le cuivre, la taille en creux sur un métal avec le burin ou le secours de l'eau-forte. Le fameux bois Protat, qui a donné lieu à tant de controverses, n'appartient qu'indirectement, lui aussi, à l'histoire de la gravure. On ne peut le classer que dans ces origines obscures qui précèdent toujours les inventions véritables et utilisables. En effet la dimension supérieure à 60/40 ne comportait qu'une impression sur étoffe.

Le sujet reste encore vaste et multiple, surtout si l'on a l'imprudence de le compliquer du problème des nationalités, si obscur et extensif au moyenâge. Le comte de Laborde (p. vii) l'a très bien vu: « Le lieu de naissance peut en outre prêter à des controverses, soit parce qu'il n'est pas très déterminé, soit parce que telle localité n'était pas française au xve siècle, rattachée seulement à notre pays par un lien de suzeraineté, soit parce que les conditions territoriales ne sont plus les mêmes aujourd'hui », et Blum a tout à fait raison de tenir compte de cette observation, qu'on pourrait aussi appliquer à des questions politiques générales. La France du moyen âge s'étend plus loin que la France actuelle, puisque, par similitude de pensée et de civilisation, elle se confond avec la Flandre et les pays Wallons; elle se limite plus près de nous au Sud, puisque la Provence et le Comtat Venaissin sont alors en rapports plus étroits et presque exclusifs avec l'Italie.

Quels sont, dans ces conditions, les instruments de recherche? M. Blum exclut (à bon droit) le lieu où une pièce a été trouvée (p. 25-27), le filigrane du papier, les légendes, les armoiries, le millésime, chacun de ces éléments ne constituant, pris isolément, que des présomptions; il s'attache plutôt au style (en excluant les fameux sinus bouclés, dont on a abusé), et plus encore au costume, à la technique, instruments qui demandent d'ailleurs a être maniés d'une main expérimentée et prudente.

En mettant en œuvre ces divers éléments, il croit pouvoir formuler

une proposition provisoire, telle que celle-ci : «La question est de savoir s'il faut accepter pour vraie l'opinion émise pendant longtemps qu'en France le développement de l'estampe commence seulement dans les dernières années du xve siècle, ou s'il ne faut pas reconnaître avant cette date l'existence d'une école française de gravure. » Il se rallie à cette dernière opinion, en acceptant pour point de départ une période comprise entre 1370 et 1390. A quelque conclusion qu'on se range, le problème est, en tout cas, nettement posé dans ses termes essentiels, qu'il s'agisse d'étudier tout simplement les origines générales et l'évolution de la gravure au xive et au XVe siècle, ou, ce qui présente bien plus de complication, de les situer dans un pays particulier, en France par exemple, en Flandre, en Allemagne ou en Italie, car tels sont les seuls pays où l'on puisse les chercher.

Pour se déterminer, lorsqu'on s'attache surtout à résumer l'état de la science, plusieurs procédés se présentent.

Le plus commode - un procédé à coup sûr — consiste dans ce qu'on pourrait appeler celui du vote; réunir les opinions les plus autorisées et se décider d'après la majorité. On verra dans le livre de M. Blum (p. 25-27) à quel résultat minimum ou maximum on aboutit ainsi pour la France. Mais puisque, dans l'œuvre d'érudition, la méthode a plus de prix que les affirmations auxquelles elle conduit, il vaut la peine d'étudier les raisons que donnent les historiens de la gravure, depuis Bouchot, Courboin, Lemoisne et Gusman, parmi les Français, jusqu'à Schreiber, Lehrs et Delen parmi les étrangers.

Le grand, le vrai problème se pose entre 1370 au plus tôt et 1420 ou 1425, comme date extrême, c'est-à-dire dans un intervalle de 50 années environ. Avant 1370, en effet, les documents font défaut; après 1425, les recherches et les controverses portent souvent sur des points de détail ou sont relativement faciles à préciser d'abord, à résoudre ensuite.

C'est donc pour ces dates qu'il importe de fixer la méthode et l'on pourra voir chez M. Blum par quelles observations délicates ont passé les érudits qui ont entrepris, pour ne prendre qu'un exemple, de classer le Chemin de Croix et le Calvaire; étude du costume, rapprochement avec les mystères, onciales de l'inscription, ou bien encore paysage pour l'Annonciation à la licorne et pour le Saint François recevant les stigmates.

Quelque intérêt que présentent ces études et à quelques résultats heu

1. P. 3.

reux qu'elles aient souvent abouti, je me demande cependant s'il n'y aurait pas un avantage à les ranger soit par époques, soit par genres. Les questions ne se présentent pas de la même façon dans les différentes périodes, ni dans les différents genres: bois ou métal, relief ou creux 1. Il y aurait done lieu de ne pas faire intervenir dans l'histoire des origines de la gravure sur bois, qui présente un caractère de généralité essentielle, le criblé, mode tout spécial, qui est contemporain du bois et à propos duquel se pose aussi la question de priorité, ou bien le burin et l'eau-forte qui rompent la suite logique des raisonnements et, pour une époque postérieure, de ne pas mêler l'imprimerie et le livre à l'estampe proprement dite, qui s'y dissout et s'y perd. Peut-être aussi, dans un ordre d'idées voisin, devrait-on se résoudre à certaines ignorances plutôt que de chercher à tout prix des attributions où l'imagination tient trop de place. Est-il fort utile aussi de découvrir à tout prix des influences de détail. d'aller jusqu'en Italie, à Ravenne ou à Florence, d'invoquer Pietro di Rimini ou l'auteur des fresques de Santa Croce, à propos de la Mort de Marie, alors surtout qu'on a toute voisine la Mort de la Vierge de Notre-Dame? Coquetterie inutile, d'autant plus que les prétendues influences ne sont souvent que des coïncidences. Les motifs artistiques ne sont pas tellement nombreux que les mêmes ne puissent se

rencontrer.

Que valent ces estampes primitives? Très intéressantes historiquement, elles sont vraiment dénuées d'intérêt artistique sans beauté, sans charme, même sans correction, sauf quelques-unes très rares; un dessin lourd, maladroit, une gesticulation pénible, des figures vulgaires à peine construites. M. Blum a raison de dire que « l'art de la gravure en France au xvo siècle.... ne permet pas de citer un nom de grand artiste »2. Disons : de véritable artiste. A peine fera-t-on grâce à la Vierge de Lyon (pl. X), à la Vierge étendue sur le lit mortuaire dans la Mort de Marie (pl. XIII), à la Vierge agenouillée dans le Couronnement (pl. XIV). Mais le Saint Sébastien (pl. XVI), le Christ de la Flagellation (pl. XVII), la Sainte Vérónique (pl. XVIII), doivent se classer dans les œuvres enfantines ou bar

1. P. 8-9. P. Gusman, La gravure sur bois et d'épargne sur métal du XIVe au XIXe siècle, Paris, 1916.

2. L'histoire du fameux Bertrand Milnet peut justifier une observation (Blum, p. 42) et servir d'avertissement à plus d'un chercheur un peu trop aventureux.

« PrécédentContinuer »