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Et je suis pour les gens qui disent leur pensée.
ORONTE. Madame, c'est en vain que vous vous défendez.

ALCESTE. Tous vos détours ici seront mal secondés.
ORONTE. Il faut, il faut parler, et lacher la balance.
ALCESTE. Il ne faut que poursuivre à garder le silence.
ORONTE. Je ne veux qu'un seul mot pour finir nos débats.
ALCESTE. Et moi, je vous entends, si vous ne parlez pas.

SCÈNE IV.

ARSINOÉ, CÉLIMÈNE, ÉLIANTE, ALCESTE, PHILINTE, ACASTE, CLITANDRE, ORONTE.

ACASTE, à Célimène.

Madame, nous venons tous deux, sans vous déplaire,
Éclaircir avec vous une petite affaire.

CLITANDRE, à Oronte et à Alceste.

Fort à propos, messieurs, vous vous trouvez ici;
Et vous êtes mêlés dans cette affaire aussi.

ARSINOÉ, à Célimène.

Madame, vous serez surprise de ma vue;
Mais ce sont ces messieurs qui causent ma venue :
Tous deux ils m'ont trouvée, et se sont plaints à moi
D'un trait à qui mon cœur ne sauroit prêter foi.
J'ai du fond de votre ame une trop haute estime
Pour vous croire jamais capable d'un tel crime;
Mes yeux ont démenti leurs témoins les plus forts,
Et, l'amitié passant sur de petits discords,
J'ai bien voulu chez vous leur faire compagnie,
Pour vous voir vous laver de cette calomnic.
ACASTE. Oui, madame, voyons d'un esprit adouci
Comment vous vous prendrez à soutenir ceci.
Cette lettre, par vous, est écrite à Clitandre.
CLITANDRE. Vous avez, pour Acaste, écrit ce billet tendre.
ACASTE, à Oronte et à Alceste.

Messieurs, ces traits pour vous n'ont point d'obscurité,
Et je ne doute pas que sa civilité

A connoître sa main n'ait trop su vous instruire.

Mais ceci vaut assez la peine de le lire :

« Vous êtes un étrange homme, de condamner mon enjouement, >> et de me reprocher que je n'ai jamais tant de joie que lorsque je ne » suis pas avec vous. Il n'y a rien de plus injuste; et, si vous ne ve» nez bien vite me demander pardon de cette offense, je ne vous la » pardonnerai de ma vie. Notre grand flandrin de vicomte...

Il devroit être ici.

>> Notre grand flandrin de vicomte, par qui vous commencez vos » plaintes, est un homme qui ne sauroit me revenir; et, depuis que » je l'ai vu, trois quarts d'heure durant, cracher dans un puits pour >> faire des ronds, je n'ai pu jamais prendre bonne opinion de lui. >> Pour le petit marquis...

C'est moi-même, messieurs, sans nulle vanité.

>> Pour le petit marquis, qui me tint hier long-temps la main, je » trouve qu'il n'y a rien de si mince que toute sa personne, et ce >> sont de ces mérites qui n'ont que la cape et l'épée. Pour l'homme » aux rubans verts...

(A Alceste.)

A vous le dé, monsieur.

>> Pour l'homme aux rubans verts, il me divertit quelquefois avec ses >> brusqueries et son chagrin bourru; mais il est cent moments où je >> le trouve le plus fâcheux du monde. Et pour l'homme à la veste...

(A Oronte.)

Voici votre paquet.

» Et pour l'homme à la veste, qui s'est jeté dans le bel-esprit, et veut » être auteur malgré tout le monde, je ne puis me donner la peine » d'écouter ce qu'il dit; et sa prose me fatigue autant que ses vers. » Mettez-vous donc en tête que je ne me divertis pas toujours si bien » que vous pensez; que je vous trouve à dire plus que je ne voudrois >> dans toutes les parties où l'on m'entraîne; et que c'est un merveil» leux assaisonnement aux plaisirs qu'on goûte, que la présence des » gens qu'on aime.

CLITANDRE. Me voici maintenant, moi.

>> Votre Clitandre, dont vous me parlez, et qui fait tant le doucereux, » est le dernier des hommes pour qui j'aurois de l'amitié. Il est extra>> vagant de se persuader qu'on l'aime; et vous l'êtes de croire qu'on » ne vous aime pas. Changez, pour être raisonnable, vos sentiments » contre les siens; et voyez-moi le plus que vous pourrez, pour m'ai>> der à porter le chagrin d'en être obsédée. »

D'un fort beau caractère on voit là le modèle,
Madame, et vous savez comment cela s'appelle.

Il suffit. Nous allons, l'un et l'autre, en tous lieux,
Montrer de votre cœur le portrait glorieux.

ACASTE. J'aurois de quoi vous dire, et belle est la matière;
Mais je ne vous tiens pas digne de ma colère;
Et je vous ferai voir que les petits marquis

Ont, pour se consoler, des cœurs du plus haut prix.

SCÈNE V.

CÉLIMÈNE, ÉLIANTE, ARSINOĖ, ALCESTE, ORONTE,

PHILINTE.

ORONTE. Quoi! de cette façon je vois qu'on me déchire,
Après tout ce qu'à moi je vous ai vu m'écrire!
Et votre cœur, paré de beaux semblants d'amour,
A tout le genre humain se promet tour à tour!
Allez, j'étois trop dupe, et je vais ne plus l'être ;
Vous me faites un bien, me faisant vous connoître :
J'y profite d'un cœur qu'ainsi vous me rendez,
Et trouve ma vengeance en ce que vous perdez.

(A Alceste.)

Monsieur, je ne fais plus d'obstacle à votre flamme,
Et vous pouvez conclure affaire avec madame.

SCÈNE VI.

CÉLIMÈNE, ÉLIANTE, ARSINOÉ, ALCESTE, PHILINTE.

ARSINOÉ, à Célimène.

Certes, voilà le trait du monde le plus noir;
Je ne m'en saurois taire, et me sens émouvoir.
Voit-on des procédés qui soient pareils aux vôtres?
Je ne prends point de part aux intérêts des autres;

(Montrant Alceste.)

Mais, monsieur, que chez vous fixoit votre bonheur,
Un homme comme lui, de mérite et d'honneur,
Et qui vous chérissoit avec idolatrie,
Devoit-il...?

ALCESTE. Laissez-moi, madame, je vous prie,
Vider mes intérêts moi-même là-dessus;
Et ne vous chargez point de ces soins superflus.
Mon cœur a beau vous voir prendre ici sa querelle,
Il n'est point en état de payer ce grand zèle;

Et ce n'est pas à vous que je pourrai songer,
Si, par un autre choix, je cherche à me venger.
RSINOÉ. Hé! croyez-vous, monsieur, qu'on ait cette pensée,
Et que de vous avoir on soit tant empressée?

Je vous trouve un esprit bien plein de vanité,
Si de cette créance il peut s'être flatté.
Le rebut de madame est une marchandise

Dont on auroit grand tort d'être si fort éprise.
Détrompez-vous, de grace, et portez-le moins haut.
Ce ne sont pas des gens comme moi qu'il vous faut.
Vous ferez bien encor de soupirer pour elle,
Et je brûle de voir une union si belle.

SCÈNE VII.

CÉLIMÈNE, ÉLIANTE, ALCESTE, PHILINTE.

ALCESTE, à Célimène.

Hé bien! je me suis tu, malgré ce que je voi,
Et j'ai laissé parler tout le monde avant moi.
Ai-je pris sur moi-même un assez long empire?

Et puis-je maintenant...?

CÉLIMÈNE. Oui, vous pouvez tout dire;

Vous en êtes en droit, lorsque vous vous plaindrez,
Et de me reprocher tout ce que vous voudrez.
J'ai tort, je le confesse; et mon ame confuse
Ne cherche à vous payer d'aucune vaine excuse.
J'ai des autres ici méprisé le courroux;
Mais je tombe d'accord de mon crime envers vous.
Votre raisonnement, sans doute, est raisonnable;
Je sais combien je dois vous paroître coupable,
Que toute chose dit que j'ai pu vous trahir,
Et qu'enfin vous avez sujet de me haïr.
Faites-le, j'y consens.

ALCESTE. Hé! le puis-je, traîtresse?
Puis-je ainsi triompher de toute ma tendresse?
Et, quoique avec ardeur je veuille vous haïr,
Trouvé-je un cœur en moi tout prêt à m'obéir?
(A Éliante et à Philinte.)

Vous voyez ce que peut une indigne tendresse,
Et je vous fais tous deux témoins de ma foiblesse..

Mais, à vous dire vrai, ce n'est pas encor tout,
Et vous allez me voir la pousser jusqu'au bout,
Montrer que c'est à tort que sages on nous nomme,

Et que dans tous les cœurs il est toujours de l'homme.

(A Célimène.)

Oui, je veux bien, perfide, oublier vos forfaits;
J'en saurai, dans mon ame, excuser tous les traits,
Et me les couvrirai du nom d'une foiblesse

Où le vice du temps porte votre jeunesse,
Pourvu que votre cœur veuille donner les mains
Au dessein que j'ai fait de fuir tous les humains,
Et que dans mon désert, où j'ai fait vœu de vivre,
Vous soyez, sans tarder, résolue à me suivre.
C'est par-là seulement que, dans tous les esprits,
Vous pouvez réparer le mal de vos écrits,
Et qu'après cet éclat qu'un noble cœur abhorre,
Il peut m'être permis de vous aimer encore.
CÉLIMÈNE. Moi, renoncer au monde avant que de vieillir,
Et, dans votre désert, aller m'ensevelir !
ALCESTE. Et, s'il faut qu'à mes feux votre flamme réponde,
Que vous doit importer tout le reste du monde?
Vos desirs avec moi ne sont-ils pas contents ?
CÉLIMÈNE. La solitude effraie une ame de vingt ans.
Je ne sens point la mienne assez grande, assez forte,
Pour me résoudre à prendre un dessein de la sorte.
Si le don de ma main peut contenter vos vœux,
Je pourrai me résoudre à serrer de tels nœuds;
Et l'hymen...

ALCESTE. Non. Mon cœur à présent vous déteste,
Et ce refus lui seul fait plus que tout le reste.
Puisque vous n'êtes point, en des liens si doux,
Pour trouver tout en moi, comme moi tout en vous,
Allez, je vous refuse; et ce sensible outrage
De vos indignes fers pour jamais me dégage.

SCÈNE VIII.

ÉLIANTE; ALCESTE, PHILINTE.

ALCESTE, à Éliante. Madame, cent vertus ornent votre beauté, Et je n'ai vu qu'en vous de la sincérité;

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