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C'est vous, sì quelque erreur n'abuse ici mes yeux, Qu'on m'a dit qui viviez inconnu dans ces lieux, A-t-elle dit tout haut; ô rencontre opportune! Oui, seigneur Zanobio Ruberti, la fortune Me fait vous reconnoître, et dans le même instant Que pour votre intérêt je me tourmentois tant. Lorsque Naples vous vit quitter votre famille, J'avois, vous le savez, en mes mains votre fille, Dont j'élevois l'enfance, et qui, par mille traits, Faisoit voir, dès quatre ans, sa grace et ses attraits. Celle que vous voyez, cette infame sorcière, Dedans notre maison se rendant familière, Me vola ce trésor. Hélas! de ce malheur Votre femme, je crois, conçut tant de douleur, Que cela servit fort pour avancer sa vie : Si bien qu'entre mes mains cette fille ravie Me faisant redouter un reproche fâcheux, Je vous fis annoncer la mort de toutes deux : Mais il faut maintenant, puisque je l'ai connue, Qu'elle fasse savoir ce qu'elle est devenue. Au nom de Zanobio Ruberti, que sa voix, Pendant tout ce récit, répétoit plusieurs fois, Andrès, ayant changé quelque temps de visage, A Trufaldin surpris a tenu ce langage : Quoi donc! le ciel me fait trouver heureusement Celui que jusqu'ici j'ai cherché vainement, Et que j'avois pu voir, sans pourtant reconnoître La source de mon sang et l'auteur de mon être ! Oui, mon père, je suis Horace votre fils. D'Albert, qui me gardoit, les jours étant finis, Me sentant naître au cœur d'autres inquiétudes, Je sortis de Bologne, et, quittant mes études, Portai durant six ans mes pas en divers lieux, Selon que me poussoit un desir curieux : Pourtant, après ce temps, une secrète envie Me pressa de revoir les miens et ma patrie ; Mais dans Naples, hélas! je ne vous trouvai plus, • Et n'y sus votre sort que par des bruits confus : Si bien qu'à votre quête ayant perdu mes peines, Venise pour un temps borna mes courses vaines;

Et j'ai vécu depuis, sans que de ma maison
J'eusse d'autres clartés que d'en savoir le nom.
Je vous laisse à juger si, pendant ces affaires,
Trufaldin ressentoit des transports ordinaires.
Enfin, pour retrancher ce que plus à loisir
Vous aurez le moyen de vous faire éclaircir
Par la confession de votre Egyptienne,
Trufaldin maintenant vous reconnoît pour sienne ;
Andrès est votre frère; et comme de sa sœur
Il ne peut plus songer à se voir possesseur,
Une obligation qu'il prétend reconnoître,
A fait qu'il vous obtient pour épouse à mon maître,
Dont le père, témoin de tout l'événement,
Donne à cet hyménée un plein consentement,
Et, pour mettre une joie entière en sa famille,
Pour le nouvel Horace a proposé sa fille.
Voyez que d'incidents à la fois enfantés!
CÉLIE. Je demeure immobile à tant de nouveautés.

MASCARILLE. TOUs viennent sur mes pas, hors les deux championnes,
Qui du combat encor remettent leurs personnes.
Léandre est de la troupe, et votre père aussi.
Moi, je vais avertir mon maître de ceci,

Et que, lorsqu'à ses vœux on croit le plus d'obstacle,
Le ciel en sa faveur produit comme un miracle.

(Mascarille sort.)

HIPPOLYTE. Un tel ravissement rend mes esprits confus,
Que pour mon propre sort je n'en aurois pas plus.
Mais les voici venir..

SCÈNE XV.

TRUFALDIN, ANSELME, PANDOLFE, CÉLIE, HIPPOLYTE,

LÉANDRE, ANDRÈS.

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TRUFALDIN. Sais-tu déja comment le ciel nous est prospère?
CÉLIE. Je viens d'entendre ici ce succès merveilleux.

HIPPOLYTE, à Léandre.

En vain vous parleriez pour excuser vos feux,
Si j'ai devant les yeux ce que vous pouvez dire.

LÉANDRE. Un généreux pardon est ce que je desire :
Mais j'atteste les cieux qu'en ce retour soudain
Mon père fait bien moins que mon propre dessein.
ANDRÈS, à Célie. Qui l'auroit jamais cru que cette ardeur si pure
Pût être condamnée un jour par la nature!

Toutefois tant d'honneur la sut toujours régir,
Qu'en y changeant fort peu je puis la retenir.
CÉLIE. Pour moi, je me blåmois, et croyois faire faute,
Quand je n'avois pour vous qu'une estime très haute.
Je ne pouvois savoir quel obstacle puissant
M'arrêtoit sur un pas si doux et si glissant,

Et détournoit mon cœur de l'aveu d'une flamme

Que mes sens s'efforçoient d'introduire en mon ame. TRUFALDIN, à Célie. Mais en te recouvrant, que diras-tu de moi, Si je songe aussitôt à me priver de toi,

Et t'engage à son fils sous les lois d'hyménée?

CÉLIE. Que de vous maintenant dépend ma destinée.

SCÈNE XVI.

TRUFALDIN, ANSELME, PANDOLFE, CÉLIE, HIPPOLYTE,
LÉLIE, LÉANDRE, ANDRÈS, MASCARILLE.

MASCARILLE à Lélie. Voyons si votre diable aura bien le pouvoir
De détruire à ce coup un si solide espoir;
Et si, contre l'excès du bien qui nous arrive,
Vous armerez encor votre imaginative.

Par un coup imprévu des destins les plus doux,
Vos vœux sont couronnés, et Célie est à vous.
LÉLIE. Croirai-je que du ciel la puissance absolue?...
TRUFALDIN. Oui, mon gendre, il est vrai.

PANDOLFE. La chose est résolue.

ANDRÈS, à Lélie. Je m'acquitte par-là de ce que je vous dois.
LÉLIE, à Mascarille.

Il faut que je t'embrasse et mille et mille fois,
Dans cette joie...

MASCARILLE. Ah! ahi! doucement, je vous prie.

Il m'a presque étouffé. Je crains fort pour Célie,
Si vous la caressez avec tant de transport :

De vos embrassements on se passeroit fort.

TRUFALDIN, à Lélie.

Vous savez le bonheur que le ciel me renvoie;

Mais puisqu'un même jour nous met tous dans la joie,

Ne nous séparons point qu'il ne soit terminé,

Et que son père aussi nous soit vite amené.

MASCARILLE. Vous voilà tous pourvus. N'est-il point quelque fille

Qui pût accommoder le pauvre Mascarille?

A voir chacun se joindre à sa chacune ici,
J'ai des démangeaisons de mariage aussi.

ANSELME. J'ai ton fait.

MASCARILLE. Allons donc; et que les cieux prospères

Nous donnent des enfants dont nous soyons les pères !

FIN DE L'ÉTOURDI.

LE

DÉPIT AMOUREUX

COMÉDIE EN CINQ ACTES, REPRÉSENTÉE A BÉZIERS EN 1654,
ET A PARIS, EN 1658.

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ÉRASTE. Veux-tu que je te die? une atteinte secrète
Ne laisse point mon ame en une bonne assiette.
Oui, quoi qu'à mon amour tu puisses repartir,
Il craint d'être la dupe, à ne te point mentir;
Qu'en faveur d'un rival ta foi ne se corrompe,
Ou du moins qu'avec moi toi-même on ne te trompe.
GROS-RENÉ. Pour moi, me soupçonner de quelque mauvais tour,
Je dirai (n'en déplaise à monsieur votre amour)

* GROS-RENÉ, nom de théâtre de Duparc. Il paroît que Molière vouloit donner le nom de Gros-René aux rôles qu'il faisoit pour cet acteur, comme Jodelet avoit donné le sien aux rôles que Scarron avoit faits pour lui.

* Mot grec: il signifie, qui traduit d'une langue dans une autre. Ce nom exprime parfaitement la manie de Métaphraste.

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