Te plaire; accepte-la pour celle que je doi. MARINETTE. Monsieur, vous vous moquez; j'aurois honte à la prendre. MARINETTE. Alors comme alors ; Pour vous on emploiera toutes sortes d'efforts. D'une façon ou d'autre il faut qu'elle soit vôtre : Faites votre pouvoir, et nous ferons le nôtre. ÉRASTE. Adieu, nous en saurons le succès dans ce jour.. (Éraste relit la lettre tout bas.) MARINETTE, à Gros-René. Et nous, que dirons-nous aussi de notre amour? Tu ne m'en parles point. GROS-RENÉ. Un hymen qu'on souhaite, Entre gens comme nous, est chose bientôt faite. Je te veux; me veux-tu de même? MARINETTE. Avec plaisir. GROS-RENÉ. Touche, il suffit. GROS-RENÉ. Adieu, mon astre. MARINETTE. Adieu, Gros-René, mon desir. MARINETTE. Adieu, beau tison de ma flamme. GROS-RENÉ. Adieu, chère comète, arc-en-ciel de mon ame. (Marinette sort.) Le bon Dieu soit loué! nos affaires vont bien; Albert n'est pas un homme à vous refuser rien. ÉRASTE. Valère vient à nous. GROS-RENÉ. Je plains le pauvre hère ", Sachant ce qui se passe. SCÈNE III. VALÈRE, ÉRASTE, GROS-RENÉ. ÉRASTE. Hé bien! seigneur Valère? VALÈRE. Hé bien! seigneur Éraste? ÉRASTE. En quel état l'amour? Ce mot vient de l'al'emand herr, qui signifie seigneur. On dit, par moquerie, un pauvre hère, pour dire un pauvre seigneur. (MĖN.) VALÈRE. En quel état vos feux? ÉRASTE. Plus forts de jour en jour. VALÈRE. Et mon amour plus fort. ÉRASTE. Pour Lucile? VALÈRE. Pour elle. ÉRASTE. Certes, je l'avouerai, vous êtes le modèle D'une rare constance. VALÈRE. Et votre fermeté Doit être un rare exemple à la postérité. ERASTE. Pour moi, je suis peu fait à cet amour austère Qui dans les seuls regards trouve à se satisfaire; Et je ne forme point d'assez beaux sen'iments Pour souffrir constamment les mauvais traitements : Enfin, quand j'aime bien, j'aime fort que l'on m'aime. VALÈRE. Il est très naturel, et j'en suis bien de même. Le plus parfait objet dont je serois charmé, N'auroit pas mes tributs, n'en étant point aimé. ÉRASTE. Lucile cependant... VALÈRE. Lucile, dans son ame, Rend tout ce que je veux qu'elle rende à ma flamme. ÉRASTE. Vous êtes donc facile à contenter? Que vous pourriez penser. VALÈRE. Pas tant ÉRASTE. Je puis croire pourtant, Sans trop de vanité, que je suis en sa grace. VALÈRE. Moi, je sais que j'y tiens une assez bonne place. ÉRASTE. Ne vous abusez point, croyez-moi. VALÈRE. Croyez-moi, Ne laissez point duper vos yeux à trop de foi. ÉRASTE. Si j'osois vous montrer une preuve assurée Que son cœur... Non, votre ame en seroit altérée. VALÈRE. Si je vous osois, moi, découvrir en secret... Mais je vous facherois, et veux être discret. ÉRASTE. Vraiment, vous me poussez, et, contre mon envie, Votre présomption veut que je l'humilic. Lisez. VALÈRE, après avoir lu. Ces mots sont doux. ÉRASTE. VOUs connoissez la main? VALÈRE. Oui, de Lucile. ÉRASTE. Hé bien? cet espoir si certain... Adieu, seigneur Éraste. GROS-RENÉ. Il est fou, le bon sire. Où vient-il done pour lui de voir le mot pour rire? ÉRASTE. Certes, il me surprend; et j'ignore, entre nous, Quel diable de mystère est caché là-dessous. GROS-RENÉ. Son valet vient, je pense. ÉRASTE. Oui, je le vois paroître. Feignons, pour le jeter sur l'amour de son maître. SCÈNE IV. ÉRASTE, MASCARILIE, GROS-RENÉ. MASCARILLE, à part. Non, je ne trouve point d'état plus malheureux Que d'avoir un patron jeune et fort amoureux. GROS-RENÉ. Bonjour. MASCARILLE. Bonjour. GROS-RENÉ. Où tend Mascarille à cette heure'? Que fait-il? revient-il? va-t-il? ou s'il demeure? MASCARILLE. Non, je ne reviens pas, car je n'ai pas été; Je ne vais pas aussi, car je suis arrêté; Et ne demeure point, car, tout de ce pas même, Je prétends m'en aller. ÉRASTE. La rigueur est extrême; Doucement, Mascarille. MASCARILLE. Ab! monsieur, serviteur. ÉRASTE. VOUS nous fuyez bien vite! hé quoi! vous fais-je peur? MASCARILLE. Je ne crois pas cela de votre courtoisie. ÉRASTE. Touche; nous n'avons plus sujet de jalousie, Laissent la place libre à vos heureux desseins. MASCARILLE. Plût à Dieu! ERASTE. Gros-René sait qu'ailleurs je me jette. GROS-RENÉ. Sans doute; et je te cède aussi la Marinette. MASCARILLE. Passons sur ce point-là; notre rivalité N'est pas pour en venir à grande extrémité : Mais est-ce un coup bien sûr que votre seigneurie Soit désenamourée? ou si c'est raillerie? On tend Mascarille? pour, où va Mascarille? est un latinisme: quo tendit? (A.) ÉRASTE. J'ai su qu'en ses amours ton maître étoit trop bien, MASCARILLE. Certes, vous me plaisez avec cette nouvelle. N'eut pour témoins, la nuit, que deux autres et moi, Qui rend de nos amants la flamme satisfaite. MASCARILLE. Je dis que je suis interdit, Et ne sais pas, monsieur, qui peut vous avoir dit D'un secret mariage a serré le lien. ÉRASTE. VOus en avez menti. MASCARILLE. Monsieur, je le veux bien. ÉRASTE. Vous êtes un coquin. MASCARILLE. D'accord. ÉRASTE. Et cette andace Mériteroit cent coups de bâton sur la place. MASCARILLE. Vous avez tout pouvoir. ÉRASTE. Ah! Gros-René! GROS-RENÉ. Monsieur. ÉRASTE, Je démens un discours dont je n'ai que trop peur. à Mascarille. Tu penses fuir. MASCARILLE. Nenni. ÉRASTE. Quoi! Lucile est la femme....? MASCARILLE. Non, monsieur, je raillois. ÉRASTE. Ah! vous railliez, infame? MASCARILLE. Non, je ne raillois point. ÉRASTE. Il est donc vrai? MASCARILLE. Non pas. Je ne dis pas cela. ÉRASTE. Que dis-tu done? MASCARILLE. Hélas! Je ne dis rien, de peur de mal parler. ÉRASTE. ASSure Ou si c'est chose vraie, ou si c'est imposture. ÉRASTE, tirant son épée. Veux-tu dire? Voici, MASCARILLE. Hélas! je la dirai : Mais peut-être, monsieur, que je vous fâcherai. ÉRASTE. Parle; mais prends bien garde à ce que tu vas faire. A ma juste fureur rien ne te peut soustraire, Si tu mens d'un seul mot en ce que tu diras. MASCARILLE. J'y consens, rompez-moi les jambes et les bras, ÉRASTE. Ce mariage est vrai? MASCARILLE. Ma langue, en cet endroit, A fait un pas de clerc, dont elle s'aperçoit : |