Images de page
PDF
ePub

Père de la grande famille, vous appelez tous les cœurs français à l'union. Vos vœux seront exaucés. L'alliance généreuse du pouvoir légitime et des libertés légales désarmera les partis. Tout s'unira dans l'amour du roi et l'esprit de la Charte. >>

Le Roi a répondu :

« Messieurs, en vous faisant connaître ma volonté d'affermir nos institutions et en vous appelant à travailler comme moi au bonheur de la France, j'ai compté sur l'accord de vos sentiments, comme sur le concours de vos lumières.

« Mes paroles avaient été adressées à la Chambre entière; il m'aurait été bien doux que sa réponse eût pu être unanime.

« Vous n'oublierez pas, j'en suis sûr, que vous êtes les gardiens naturels de la majesté du trône, la première et la plus noble de vos garanties. Vos travaux prouveront à la France votre profond respect pour la mémoire du souverain qui nous octroya la Charte, et votre juste confiance dans celui que vous appelez le digne fils d'Henri IV et de saint Louis. »

CHAMBRE DES DÉPUTÉS.

PRÉSIDENCE DE M. ROYER-COLLARD.

Séance du lundi 10 mars 1828.

La séance est ouverte à une heure et demie. M. le garde des sceaux, M. le ministre du commerce et M. le ministre de l'instruction publique assistent à la séance.

Un de MM. les secrétaires donne lecture du procès-verbal de la séance du 28 février; la rédaction en est adoptée.

Diverses pétitions, mentionnées à la tribune, sont renvoyées à la commission des pétitions.

Il est fait hommage à la Chambre de: Almanach du Commerce pour 1828, par M. Bottin; Essai sur la première éducation de l'enfance, par M. Antonin Ancey; Vie de Clotilde, reine de France, par M. Joseph Rémy; Histoire des Français des divers Etats aux cinq derniers siècles, par M. Monteil ; du Système pénal et du système représentatif en général et de la peine de mort en particulier, par M. Lucas; Nouveaux essais sur la peine de mort, par M. Valant.

La Chambre agrée ces hommages : elle ordonne le dépôt à sa bibliothèque des ouvrages offerts. On procède au renouvellement des bureaux.

M. le Président. Messieurs, j'ai diverses communications à faire à la Chambre.

Je dois d'abord l'informer que le roi a reçu hier la grande députation chargée de présenter à Sa Majesté l'adresse délibérée à la fin de la séance de samedi, Sa Majesté a fait la réponse suivante : (Voyez la réponse du roi à la date du 9 mars.)

M. le Président. Je vais donner lecture de plusieurs lettres qui m'ont été adressées il y a quelques jours, et qui ne pouvaient être lues qu'en séance publique :

"Monsieur le Président,

« Elu député de deux départements de la Gi

T. LIII.

[blocks in formation]

quinze jours, après lesquels je m'empresserai de retourner à mon poste. « Agréez, etc.

CREUZE, député de la Vienne. » (Le congé est accordé.)

<< Monsieur le président.

« J'ai l'honneur de vous faire connaître que le préfet de la Loire m'a transmis officiellement ravis de la mort de M. Fournas, député de ce département, décédé à Saint-Chamans, le 22 du mois dernier.

• Agréez, etc.

Le ministre de l'intérieur,
DE MARTIGNAC.

MM. Sernin, le comte de Lamezan et le comte de Langon sont admis à prêter serment.

M. Clément propose, au nom du premier bureau, d'admettre M. Bouchet, député de l'Ain, dont l'admission avait été ajournée, et qui depuis a produit les pièces justificatives qui constatent qu'il est âgé de plus de quarante ans, qu'il paie mille francs de contributions directes, et qu'il a la possession annale.

(M. Bouchet est proclamé député; il prête serment entre les mains de M. le président.)

M. de Saint-Albin, rapporteur du premier bureau, propose et la Chambre admet également M. le comte de Mostuějouls, député de l'AJeyron.

L'ordre du jour est le développement des deux propositions qui ont été communiquées dans les bureaux.

M. Bacot de Romand a la parole pour développer une de ces deux propositions relative au réglement.

M. le baron Bacot de Romand. Messieurs, je craindrais d'abuser des moments de la Chambre si je m'étendais en longs développements sur la proposition que j'ai eu l'honneur de lui soumettre concurremment avec mon honorable collègue M. Hyde de Neuville.

Cette proposition a simplement pour objet d'obtenir l'abrogation d'une disposition ajoutée au règlement de la Chambre par délibération prise dans sa séance du 24 avril 1827.

Je ne fais que réclamer en droit ce que les bureaux de la Chambre ont déjà décidé en fait, puisque, sans s'être entendus d'avance, ils ont unanimement refusé l'existence à la commission instituée par la délibération dont il s'agit.

Pour le rappeler en deux mots, la commission dont je demande la suppression explicite, devait être composée de neuf membres, et renouvelée chaque mois. Son objet était d'appeler l'attention de la Chambre sur l'exécution des articles 7, 15 et 16 de la loi du 25 mars 1822. Ces articles sont relatifs à la répression des offenses commises, soit envers la Chambre, soit envers les membres qui la composent.

Permettez-moi d'émettre ici, Messieurs, un væeu et une espérance; cette protection accordée par la loi sera rarement invoquée.

Tout dépend de la Chambre en général et de chacun de ses membres en particulier. Notre modération, le sentiment de notre propre dignité, seront notre sauvegarde.

Si la Chambre est, dans son principe, une émanation des opinions de la société, la Chambre, par ses débats, agit puissamment à son tour sur

les opinions du dehors. Si ces débats sont ce qu'ils doivent être après quatorze années de restauration du trône légitime, après tant de leçons diverses, nous donnerons à la France l'exemple du calme et de l'union; nous lui appren drons que ses députés n'ont plus qu'un seul désir, une même pensée, celle de se montrer également zélés pour la défense des droits de la couronne et des libertés publiques.

S'il existe, comme il devra toujours exister, pour le maintien même de notre Constitution, des opinions différentes, ou ce qu'on nomme un corps d'opposition, nous ferons voir à la France qu'il n'existe plus de partis. Nous serons les preiniers à effacer ces distinctions fâcheuses, qui tendraient à éterniser les divisions, alors que le roi voit du même il tous ses enfants.

Que l'on cesse d'apercevoir deux nations dans ce beau royaume de saint Louis, de Henri IV et de Charles X; que l'on cesse de voir des partis ennemis là où il ne doit bientôt plus y avoir que des opinions diverses; le choc des partis ébranle la puissance publique, trouble la sécurité des peuples. Au contraire, le choc des opinions parlementaires, sagement et librement émises, ne peut qu'éclairer le pouvoir, en même temps qu'il entretient la confiance de la société touchant la conservation de tout ce qui lui est cher.

Il dépend de la Chambre des députés, je le répète, il dépend de la dignité de ses débats, de la couleur de ses discussions, de faire renaître l'harmonie, l'esprit de conciliation et de paix entre tous les Français.

Plus d'interpellations fâcheuses, plus d'inculpations gratuites, plus de soupçons injurieux ! Qu'aucune fraction de l'Assemblée ne soit désormais signalée comme hostile, soit envers la légitimité, soit envers la Charte. Nous sommes tous gens d'honneur, nous avons prêté serment au roi et à la Charte, et nous nous tiendrions tous également offensés, si on nous accusait de vouloir forfaire à nos sentiments, sur un poim ou sur un autre. Ne serait-il pas également injuste d'accuser les uns de vouloir remonter à l'ancien régime, qui n'est plus qu'un rêve, ou de revenir à la Révolution qui inspire aux générations anciennes et nouvelles une si profonde horreur ?

On s'est plaint avec raison du débordement des feuilles publiques à certaines époques; on s'est récrié souvent contre leur irrévérence ou leurs offenses, soit envers la Chambre, soit envers les membres qui la composent. Mes illusions ne vont pas jusqu'à espérer que les mêmes griefs ne se produiront plus en aucune circonstance.

Mais soyez-en sûrs, Messieurs, ces griefs seront et plus rares et moins amers, dès que le calme et l'union seront devenus le caractère de la Chambre élective, dès que, grâce à ses exemples, les esprits se seront rapprochés, les irritations extérieures se seront apaisées.

Croyez aussi que, dès lors, les feuilles publiques qui reçoivent bien plus le ton qu'elles ne le donnent, rentreront dans une voie où la Chambre aura plus rarement l'occasion de déplorer leurs écarts.

S'il en était autrement, les dispositions pénales restent là dans toute leur force: les Chambres demeurent investies par la loi du droit d'en requérir, ou d'en faire elles-mêmes l'application et la magistrature rassurée, avec toute la France, sur la conservation de nos libertés, la magistrature ne sera que plus vigilante et plus sévère pour la répression de la licence.

Sous l'ordre de choses que j'appelle de tous mes vœux, que je seconderai de tous mes moyens, les attributions de la commission seront de plus en plus inutiles. Je persiste à demander sa suppression.

Je prie la Chambre de prendre ma proposition en considération et d'en ordonner le renvoi dans les bureaux.

M. de marquis de La Boëssière. Je demande la parole.

M. le marquis de La Boëssière. Lorsque l'année dernière je fis, dans les intérêts de la Chambre, la proposition qui aboutit à la commission qui vous occupe, je n'avais dans le principe d'autre but que d'obtenir que nos séances et nos discours fussent rendus par les journaux avec exactitude.

Dans la discussion, M. le ministre des finances, parlant comme député, proposa une commission. J'en saisis la pensée parce qu'elle répondait à une série d'autres idées que j'avais déjà énoncées à cette tribune relativement à l'exercice des droits de la Chambre et à la marche de notre système social.

La Chambre n'entra point dans les vues que je développai à ce sujet, et modifia ma proposition.

Telle qu'elle fut votée, elle ne répondait plus à l'ensemble des vues que je m'étais proposées; cette circonstance me désintéresse personnellement de la soutenir, quoique je déclare formellement persister dans les opinions qui me la faiBaient trouver utile.

M. le Président. La proposition de M. Bacot de Romand est-elle appuyée ?

Voix nombreuses: Qui, oui!

M. le Président consulte la Chambre sur la question de savoir si elle prend la proposition en considération.

(La Chambre se lève généralement en faveur de la prise en considération.)

En conséquence, les développements de la proposition seront imprimés et distribués, et renvoyés à l'examen des bureaux.

M. Caumartin a la parole pour développer une autre proposition, relative aux pétitions qui se Tapportent aux élections.

M. Caumartin. Ma proposition est ainsi conçue:

« Les pétitions relatives aux élections, retenues dans les bureaux pour la vérification des pouvoirs, n'ayant pas été enregistrées à leur arrivée, et présentant cependant des caractères particuliers d'intérêt et d'urgence, non seulement en raison des élections qui restent à faire, mais encore par d'autres considérations importantes, j'ai l'honneur de proposer à la Chambre d'ordonner que le rapport sur ces pétitions obtiendra, aussitôt qu'il sera prêt, la priorité sur tout autre de la commission des pétitions.

Messieurs, dans une première séance de cette session, vous avez reconnu l'utilité de la remise provisoire de toutes les pétitions relatives aux élections dans les bureaux chargés de la vérification des pouvoirs. Vous leur avez fait cette communication pour les mettre à même de puiser dans ces pétitions des renseignements sur les faits qui pouvaient avoir pour résultat l'annu

lation de certaines élections ou l'ajournement de quelques admissions.

Dans une séance postérieure, le renvoi d'une de ces pétitions à M. le ministre de l'intérieur vous ayant été demandé, en raison des graves imputations qu'elle contenait contre un adminis trateur, vous avez reconnu que la Chambre, n'étant pas encore constituée et ne devant s'occuper que de la vérification des pouvairs, elle ne pouvait rien ordonner, quant alors, sur ces pétitions, et qu'elle ne le pourrait que sur un rapport spécial qui lui serait ultérieurement fait par la commission des pétitions.

D'après ces sages dispositions, ces pétitions remises directement dans les bureaux respectifs l'ont été, pour la plupart, sans avoir été préalablement enregistrées, sans avoir reçu de numéro d'ordre, et elles y sont demeurées, dans cet état, pendant tout le temps qu'a duré la vérification des pouvoirs.

Mais pendant ce temps beaucoup de pétitions en tout autre matière sont survenues, qui ont été enregistrées et ont pris le numéro d'ordre.

De là il devrait arriver que celles relatives aux dernières élections ne vous seraient reproduites qu'à une époque éloignée.

Cependant, Messieurs, vous ne l'ignorez pas, elles contiennent l'exposé de beaucoup de griefs dont on n'a pas eu jusque-là besoin de vous entretenir, parce qu'ils n'étaient pas de nature à vicier telle ou telle élection, mais qu'il importe aujourd'hui de vous révéler comme autant d'attentats contre l'exercice de ce droit électoral sans le maintien duquel le système représentatif n'est plus qu'une déception.

Il importe de vérifier si ces attentats sont réels, et aussi de faire connaître aux nouveaux dépositaires de l'autorité ceux qui s'en sont rendus coupables.

Il'importe encore de scruter les moyens par lesquels ils sont parvenus à ces violations de la loi électorale, parce que leurs succès signalent les imperfections et l'insuffisance de cette loi, et que le besoin d'ajouter aux garanties qu'elle nous donne est généralement reconnu.

Messieurs, cette Chambre enfin constituée est loin d'être au complet des annulations, des démissions, de doubles nominations, déjà même les atteintes de la mort rendent nécessaire un assez grand nombre de réélections. Des ministres qui annoncent l'intention de nous remettre en possession de tous les bienfaits de nos institutions, ne spéculeront pas sur des délais, et voudront sans doute hater, autant qu'il est en eux, l'épo‐ que où toute la France pourra se voir représentée dans la Chambre élective selon le vœu de la Charte.

Pour cela, Messieurs, il ne suffit pas que les collèges électoraux soient promptement convoqués; il faut encore que les élections s'y fassent avec plus de régularité, de loyauté et d'indépendance que celles qui ont en lieu dans certains collèges.

Je sais bien que, sous l'administration nouvelle, nous n'avons plus à craindre ces circulaires tyranniques ou corruptrices qui tendaient à violenter ou à fausser l'honneur et la conscience des fonctionnaires publics; ces promesses, ces menaces, ces vexations qui forçaient l'électeur à faire au pouvoir le sacrifice du droit le plus sacré.

Mais enfin, si nous n'avons plus à redouter ces abus d'autorité, sommes-nous aussi rassurés contre cette puissance occulte qui, sans doute, en

était le principe et qui, dans l'ombre qui est son élément, exerce encore sa funeste influence?

Ces administrateurs sans probité qui, dans quelques départements, si l'on en croit ces pétitions, ont fait abnégation complète d'eux-mêmes et de leurs serments, pour se dévouer aveuglément à cette direction mystérieuse; espère-t-on que, se dégageant tout à coup du joug qu'ils ont volontairement subi, ils vont se convertir à leurs devoirs, à l'observance de la loi, au maintien de nos droits constitutionnels?

Pour moi, je ne crois pas à ces conversions, et je ne verrais pas sans inquiétude de si grands intérêts confiés à de tels hommes, lors surtout que l'expérience a démontré et que le gouvernement avoue, que la législation actuelle est insuffisante pour protéger ces intérêts contre de nouvelles entreprises de l'intrigue et de l'audace. Ainsi, Messieurs, voilà notre situation :

Des réélections en assez grand nombre à faire aussitôt que possible;

Des lois reconnues insuffisantes pour assurer le droit d'élection;

Et peut-être des administrateurs qui, au lieu de suppléer aux imperfections de la loi, seraient disposés à en abuser.

Dans cette situation, ce qu'il y aurait de plus alarmant sans doute, ce serait de voir des opérations électorales confiées de nouveau à ces fonctionnaires accusés de prévarication, sans qu'on se fut mis en peine de constater que ces imputations sont mal fondées.

On ne peut donc, sous ce rapport, imaginer rien de plus pressant que l'examen des pétitions qui portent de si graves accusations.

Si l'on veut ensuite réformer, améliorer, compléter la législation électorale, n'est-il pas encore du plus grand intérêt de mettre sous les yeux du nouveau ministère le tableau de ces ruses, de ces intrigues, de ces manoeuvres si perfidement inventées pour éluder la loi et dépouiller les citoyens de leurs droits? Ces révélations sont nécessaires pour qu'une loi nouvelle puisse prévoir tous les cas, prévenir tous les abus et donner toutes les sûretés désirables.

La partie si importante de ces lois qui concernerait la confection des listes, est en ce moment moins urgente que celle relative à la délivrance des cartes, la tenue du collège, à la liberté du scrutin, et surtout au respect de l'autorité pour l'indépendance du vote.

Quoi qu'il en soit, et si une loi générale ou partielle sur cette matière ne peut arriver à temps pour les prochaines élections, parce qu'il serait à craindre en effet que trop d'empressement nuisît à sa perfection; au moins un prompt rapport sur ces pétitions peut-il, dès à présent, fournir à MM. les ministres abondante matière pour des ordonnances, et pour des instructions et des circulaires propres à désavouer les pernicieuses doctrines que des ministres sans pudeur ont osé répandre.

Que les hommes honorables qui leur ont succédé, se renfermant dans les convenances de leur position, s'abstiennent de toute participation aux attaques contre les individus, il n'est personne qui ne respecte ces convenances et n'approuve cette réserve; mais ces ménagements, doivent-ils s'appliquer aux doctrines? non assurément, parce que ne pas les proscrire, ce serait les avouer, les maintenir, ce qui ne peut être dans la pensée du ministère actuel.

Quelles étaient en effet ces doctrines? quel en

était le principe fondamental? la morale des intérêts.

Convertis pour leur compte à cette doctrine corruptrice digne de leurs dominateurs, ces ministres qui ont trop longtemps abusé de la confiance du monarque, ont consenti à essayer sur la France cet étrange moyen de gouvernement.

N'osant attaquer trop ouvertement nos institutions et surtout notre régime représentatif, ils ont tenté d'en miner la base en s'arrogeant le monopole du vote de leurs subordonnés; ils ont converti les faveurs, les rigueurs de la justice administrative en une sorte de monnaie électorale, et prétendu acheter à ce prix l'opinion, là conscience des citoyens toujours plus ou moins dépendants de l'autorité : bien plus, ils ont tenté d'imposer aux fonctionnaires publics l'obligation de faire le courtage de ce coupable trafic; et, à la honte de l'époque, ils en ont trouvé d'assez vils pour s'y employer!

Voilà par quelles voies honteuses ils espéraient arriver au but qu'on leur avait assigné.

Déplorable système de corruption et de servilité qui, s'attaquant aux fonctionnaires publics de tout ordre, de tout rang, à tout le corps électoral, et par conséquent à l'élite de la France, devait avoir pour premier effet de démoraliser la nation tout entière, de dégrader son noble caractère, et d'étouffer en elle tout sentiment d'honneur, tout amour du bien public.

Hâtez-vous donc, Messieurs, en vous livrant de suite au dépouillement de ces pétitions, de dévoiler toutes les machinations pratiques de ces abominables doctrines à ceux à qui le roi vient de confier le soin de sonder et de guérir cette plaie morale qui s'attachait au cœur de la nation. Vous rendrez ainsi la sécurité, la confiance aux électeurs, à l'administration le degré d'indépendance et aussi la considération et le respect qui lui sont nécessaires pour opérer le bien.

Vous donnerez aussi à toute la France une satisfaction qu'elle réclame avec instance: lésée depuis longtemps dans ses intérêts les plus chers, elle a souffert patiemment, attendant dans le calme du respect et de la résignation, que la bienveillance du roi lui offrît l'occasion de manifester légalement ses vœux.

L'ordonnance de dissolution de la Chambre et de convocation des collèges a mis enfin la France en présence du trône.

Les entraves du despotisme ministériel n'ont pu comprimer le vœu national: La France et son roi se sont entendus, compris; et, de ce jour, la Charte a eu aussi sa restauration.

Mais vous avez, Messieurs, à consolider l'ouvrage de vos commettants.

En vous occupant de nouveau et si à propos de ces pétitions, vous satisferez à toutes les exigences fondées de cette situation, et vous concourrez à développer de plus cet amour de l'ordre légal et cet esprit public, qui ont sauvé la France avec l'aide de Dieu et de cette sagesse royale dont ce jour encore nous apporte de si touchants témoignages.

M. Méchin. Ce que demande le préopinant est consacré par un précédent mémorable. En 1820, la Chambre reçut un très grand nombre de pétitions en faveur de la loi du 5 février 1817, qu'il s'agissait alors d'abroger. La commission des pétitions réunit toutes les pétitions de cette nature dans un seul et même rapport. Ce rapport, lu à la tribune, fut de suite imprimé, distribué, et devint l'objet d'une discussion solennelle. Il n'y a

H

donc aucun inconvénient à ce que la commission des pétitions fasse cette fois ce qui fut fait alors, et que l'on procède de la même manière. Je borne là mes observations.

M. le Président. La proposition est-elle appuyée ?

Voix diverses: Oui, oui !

M. le Président. Je vais la relire. M. Méchin la modifie-t-il?

M. Méchin. En aucune manière?

M. le Président. Je vais donc consulter la Chambre pour savoir si elle la prend en considération.

M. de Berbis. L'intention de l'auteur de la proposition est que les pétitions relatives aux élections soient rapportées le plus tôt possible; eh bien, elle ne remplirait nullement son objet, s'il fallait nommer une commission, faire un rapport, le discuter, etc. Il me semble plus naturel que, dans la circonstance, on prenne la marche indiquée par le règlement, c'est-à-dire de faire les deux ou trois lectures, après lesquelles la Chambre pourra statuer de suite.

M. le Président. Ces lectures ne peuvent être faites qu'à trois jours d'intervalle.

M. de Berbis. Dans ce cas, je demande que la commission des pétitions prenne cette résolution d'elle-même, sans que la Chambre prononce. Les pétitions seront réunies, et il en sera fait un seul rapport, j'engage donc notre collègue à retirer sa proposition, qui me paraît alors être inutile.

M. le Président. M. Caumartin retire-t-il sa proposition?

M. Caumartin. Non, Monsieur.

M. le Président. La Chambre a le choix entre deux manières de procéder. Quand la Chambre prend en considération une proposition développée en séance publique, elle peut d'abord la renvoyer dans les bureaux. Il suit de ce renvoi la formation d'une commission, un rapport imprimé et distribué, et puis une discussion, ce qui entraîne des délais plus ou moins longs, mais toujours considérables. La Chambre peut aussi, quand elle veut, ouvrir la discussion sur-le-champ et sans rapport; mais, dans ce cas, il faut que la proposition subisse trois lectures faites à trois jours d'intervalle l'une de l'autre, et c'est encore un délai fort long.

De toute manière un délai assez long est inévitable; M. Caumartin doit voir si c'est son intention de retarder de dix ou douze jours le rapport qu'il demande.

M. Caumartin. Si la proposition que j'ai eu l'honneur de soumettre à la Chambre avait pour objet une modification du règlement, je conçois qu'il serait nécessaire de faire subir à ma proposion les formalités indiquées par le règlement; mais il ne s'agit pas de cela. Mon but est d'obtenir pour les pétitions un ordre particulier de délibération.

Voix au centre : C'est une modification au rẻglement.

M. Canmartin. Cet ordre que je réclame est motivé par l'urgence.

M. Méchin. Retirez votre proposition.

M. le Président. L'article 65 du règlement porte que la commission des pétitions fait un rapport par ordre de date d'inscription au procès verbal on ne peut donc pas intervertir cet ordre sans modifier le règlement. Toutefois, je ne crois pas que cet ordre s'observe à la rigueur, et j'ai remarqué souvent des interversions dans les rapports.

Voix diverses: Oui, oui!

M. Caumartin. Ce précédent est favorable à ma proposition, et la Chambre peut ordonner qu'un rapport sera fait plus tôt que tel autre. C'est une modification accidentelle qui ne retombe pas sur le règlement. J'insiste pour ma proposition.

M. de Cambon. Je dois faire observer à la Chambre que la proposition qui lui est faite est une proposition d'ordre. Il est parfaitement inutile de modifier le règlement pour atteindre le but de M. Caumartin. Il y a des précédents à cet égard, et la commission des pétitions a souvent jugé à propos d'intervertir l'ordre de ses rapports; dans ce cas, elle a motivé l'exception. Ici le motif est très facile à concevoir quant à la proposition qui vient d'être faite : c'est l'urgence de connaitre les pétitions relatives aux dernières élections, afin de jeter un jour éclatant sur les opérations qui vont leur succéder. Cette urgence sera d'autant plus appréciée, que, dans les élections très récentes, nous avons vu des scandales se renouveler; nous avons vu méconnaître des arrêts de cours souveraines depuis que vous êtes réunis dans cette enceinte. Ce motif est suffisant pour que la Chambre reconnaisse la nécessité d'un rapport sur les pétitions de cette nature. Il s'agit d'un simple renvoi à la commission des pétitions, pour lequel il faut s'affranchir des formes du gouvernement. J'appuie cette proposition.

M. Rouillé de Fontaine. La Chambre est liée par son règlement. La proposition de M. Caumartin a suivi la marche de toutes les propositions, elle a été communiquée dans les bureaux et développée en séance publique ainsi, comme l'a fait observer M. le président, il faut absolument, d'après le désir manifesté par la Chambre, qui paraît adopter cette proposition (Réclamations au centre); il faut, dis-je, renvoyer dans les bureaux; il faut qu'une commission soit nommée, ou bien que trois lectures soient faites, ce qui amènerait de très grands retaris et ne rempliraient pas le but de M. Caumartin. D'un autre côté, si la Chambre procédait autrement, non seulement elle violerait son règlement, mais encore la Charte, qui interdit toute motion d'ordre. Cependant puisque la Chambre paraît être d'accord pour que le rapport sur les pétitions concernant les élections soit fait le plus tôt possible, M. Caumartin peut très bien retirer sa proposition alors la commission pourra prendre le numéro de ces pétitions pour en faire le rapport et déclarer que, trouvant une analogie parfaite entre les pétitions qui suivent ce numéro, elle a

« PrécédentContinuer »