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proposé dans son rapport. Il est sans doute loin de sa pensée de vouloir tracer au gouvernement la marche qu'il doit suivre dans les élections prochaines; il veut seulement appeler ses méditations sur un point de législation difficile. Le noble pair ne saurait cependant se résoudre à penser que la Corse doive rester étrangère au bien fait de la loi du 2 mai 1827, aussi longtemps qu'elle sera privée de l'institution du jury. Dans cette situation exceptionnelle, l'application du nouveau système électoral peut présenter de graves difficultés; mais ces difficultés, dans l'opinion du noble pair, ne sont pas cependant insurmontables. La liste du jury se divise en deux parties distinctes, dont la première ne comprend que les électeurs; on conçoit donc que les dispositions relatives à cette première partie puissent être mises à exécution dans un département où le jury n'existe pas. Mais les obstacles qui s'opposent à l'application des lois actuelles, fussentils invincibles de leur nature, une loi nouvelle pourrait encore les faire disparaître, et l'on ne saurait voir d'inconvénient à signaler au gouvernement, auquel appartient l'initiative en cette matière, les vœux exprimés dans la pétition soumise à la Chambre..

M. le comte Ch. de Vogué, qui avait proposé de passer à l'ordre du jour, déclare que, d'après les éclaircissements qui viennent d'être donnés à la chambre, il se réunit à la proposition faite par le comité..

Cette proposition, qui tend à renvoyer au ministre de l'intérieur les observations comprises dans la 2o partie de la pétition, est mise aux voix et adoptée.

M. le comte de La Villegontier, rapporteur, rend compte d'une troisième pétition, présentéé par le sieur Noël, électeur.

Le pétitionnaire réclame contre plusieurs arrêtés du préfet du département de Seine-et-Marne, qui l'ont rayé de la liste des électeurs de ce département sur le motif qu'il aurait son domicile à Paris. Pour faire réformer cette décision, le sieur Noël s'est pourvu successivement devant les tribunaux et devant le Conseil d'Etat, et après de longues procédures interrompues par deux conflits, il se plaint de n'avoir pu encore obtenir justice sur sa demande.

Sans entrer dans l'examen des motifs sur les quels repose l'arrêté du préfet, le comité croit. devoir appeler l'attention du gouvernement sur la nécessité de prendre des mesures pour remédier à un état de choses dans lequel, au moyen: de renvois successifs des tribunaux à l'adminis tration et de l'administration aux tribunaux, les questions qui touchent aux droits les plus précieux des citoyens peuvent rester aussi longtemps indécises. Dans cette vue, le comité propose de reuvoyer la pétition du sieur Noël au garde des sceaux et au ministre de l'intérieur.

(Ge double renvoi est mis aux voix et adopté.) Par une quatrième pétition, cinquante-neuf électeurs de Niort dénoncent à la Chambre des. irrégularités graves, qu'ils prétendent avoir été commises dans la formation des dernières listes. électorales du département de Deux-Sèvres. A leur pétition est joint un exemplaire d'un imprimé présenté au roi en son conseil, et ayant pour but d'obtenir l'autorisation de poursuivre le préfet devant les tribunaux. Il résulterait des renseignements recueillis par le comité que les plaintes, consignées sait dans la pétition, soit

dans le mémoire, seraient ou erronées ou exagérées. Mais ce qui semble devoir surtout fixer l'opinion de la Chambre, c'est que le Conseil d'Etat se trouve saisi par les pétitionnaires euxmêmes de la demande qu'ils se croient en droit de former. Dans cet état, on ne peut que laisser suivre à l'affaire son cours régulier, et le comité propose seulement le renvoi au ministre de l'intérieur.

M. le comte de Saint-Roman croit devoir signaler à l'attention toute spéciale de la Chambre quelques faits, dont, à son avis, le résultat. devrait être de faire écarter la pétition par l'ordre du jour. Il s'était formé dans le département des Deux-Sèvres, une association destinée à diriger les élections. Cette association, dont le centre était au chef-lieu du département, avait des ra mifications dans chaque commune. Elle se crut en droit de présenter directement au préfet les pièces des divers électeurs, et les réclamations auxquelles les listes pouvaient donner lieu, sans justifier d'aucun pouvoir donné par les intéressés.

Le préfet ne pensa pas qu'il fût de son devoir d'admettre une pareille intervention: il consulta le ministre, et il lui fut répondu, sous la date du, 27 septembre, qu'il ne devait recevoir les productions des pièces que des mains des intéressés ou de ceux qui justifieraient être leurs fondés de pouvoirs c'est l'exécution de cette instruction ministérielle, qui est devenue le texte de toutes les plaintes formées contre le préfet des Deux-Sèvres.. La Chambre jugera si la conduite qu'il a tenue en cette occasion n'est pas, au contraire, la seule qu'il pût tenir; elle sentira combien il serait, dangereux d'abandonner les élections aux influences d'associations ainsi formées, de laisser établir à côté de l'administration du roi une sorte de pouvoir organisé par des individus sans mission, et qui ne présentent à la société aucune des garanties qu'elle a le droit de réclamer. De semblables organisations ont cependant eu lieu dans les départements. Elles y subsistent encore, les journaux, organes du parti en proclament la légitimité; ils en indiquent la forme, ils leur dictent ensuite les choix qu'elles doivent prescrire aux électeurs, ils leur fournissent les moyens d'attaque contre les opérations de l'administration. De pareils abus ne sauraient être tolérés, ils rappellent un temps où de semblables associations s'étaient aussi organisées dans toute la France. Les malheurs qu'elles ont causés ne sont sans doute pas encore oubliés; la Chambre ne voudra pas préjuger en quelque sorte la légalité de ces manœuvres en renvoyant au ministre une pétition qui cu est le résultat. Elle veut, sans doute, que les elections soient pures de toute fraude; mais tant que les faits ne sont pas vérifiés par l'autorité compétente, la présomption de bonte foi et de légalité doit être en faveur de L'administration: et que serait-ce si, même indépendamment de cette présomption, la preuve était acquise, dès à présent,que parmi les faits allégués dans la pétition il y en a de matériellement faux.?. C'est ce que le comité annonce, c'est aussi ce qui résulte de documents authentiques que le nobile pair pourrait produire à la Chambre. Dans cet état, si elle croit devoir renvoyer au ministre de l'intérieur pour l'éclaircissement des faits, il serait de son impartialité de renvoyer en même temps au ministre de la justice pour que la calomnie, si elle est prouvée, ne demeure pas impunie.

M. le comte de La Villegontier, rapporteur, déclare que le comité aurait lui-même proposé l'ordre du jour, s'il n'existait pas une plainte formée au conseil d'Etat, et encore en instance; mais, dans cet état, il lui a paru que l'intérêt même de l'administrateur attaqué était de voir les faits complètement éclaircis, et c'est dans cette vue seulement qu'il a proposé le renvoi.

M. le vicomte de Martignac, ministre de l'intérieur, obtient la parole pour donner à la Chambre quelques explications qui lui paraissent de nature à éclairer sa discussion. L'article 4 de la loi du 2 mai 1827, en réglant le mode suivant lequel seraient jugées les réclamations formées contre la rédaction des listes, n'avait pas indiqué par qui ces réclamations pourraient être présentées. Les instructions ministérielles durent s'occuper de cet objet, et l'on pensa qu'il était dans l'esprit de la loi que les réclamations fussent faites et les pièces produites par les intéressés eux-mêmes ou par des fondés de pouvoir spéciaux. Le préfet des Deux-Sèvres s'était conformé à cette règle. Cependant plusieurs réclamations Jui furent présentées par des individus se qualifiant d'agents du comité électoral. Il consulta sur ce qu'il devait faire à cet égard on répondit que ce titre ne donnait aucun caractère à ceux qui le prenaient et cependant afin de faciliter d'autant plus les réclamations, on décida qu'un pouvoir en forme ne serait plus exigé, et qu'à l'avenir l'administration locale se contenterait d'une simple lettre qui indiquât l'intention de l'électeur. C'est dans cet état qu'ont eu lieu les élections des Deux-Sèvres. Aujourd'hui les réclamants sont en instance devant le conseil d'Etat la Chambre ne pensera pas, sans doute, qu'elle puisse rien préjuger à cet égard; mais il est nécessaire qu'elle sache que l'administration, profitant des lumières succes ives qu'une expérience encore bien courte a pu répandre sur le meilleur mode d'exécution de la loi, vient de prescrire une marche qui semble concilier en ce point tous les intérêts légitimes. Voici comment s'exprimait à cet égard les dernières instructions données aux préfets : «Je n'ai point parlé jusqu'ici des réclamations qui vous seraient adressées par des tiers, soit pour obtenir l'inscription d'un nouvel électeur, soit pour contester celle d'un électeur porté sur l'ancienne liste. Cette question est difficile et a reçu précédemment diverses solutions. Je ne doute pas qu'animé comme vous l'êtes du désir de reconnaitre tous les droits réels, de donner à la liste électorale le plus grand degré possible d'exactitude, vous n'accueilliez, du moins comine renseignements, toutes les pièces, toutes les observations qui vous parviendront à cet égard.

« Vous ferez observer, dans votre avis aux électeurs, qu'il convient que les demandes en inscription formées par des tiers, soient accompagnées d'un mandat de l'intéressé, ne fût-ce qu'en forme de simple lettre ou de pouvoir sousseing privé. Cette forme constaterait l'intention du réclamant, et préviendrait l'inconvénient de productions irrégulières ou inexactes qui, faites sans l'aveu des intéressés, pourraient les compromettre par leur résultat. Toutefois, vous devez statuer sur des productions qui seraient faites sans mandat formel, lors mênie que la décision n'aurait pour objet que de les déclarer non recevables. »

Telles sont les explications que le ministre & cru devoir donner à la Chambre, avant qu'elle prononcât sur la question qui lui est soumise.

M. le comte Forbin des Issarts, sans s'opposer au renvoi proposé par le comité, insiste sur la proposition déjà faite de renvoyer en même temps au ministre de la justice. L'intention de la Chambre est d'être juste, mais elle veut l'être pour tous. La pétition contient des faits qui sont de nature à porter atteinte à la considération d'un administrateur. Si, comme il le paraît, ces faits sont erronés, l'administrateur a droit à une réparation; et si la justice doit protéger les droits du citoyen, elle doit garantir aussi l'honneur du fonctionnaire qui a fait ou qui a cru faire aussi son devoir.

M. le baron de Barante exprime le regret de voir la discussion s'établir sur un terrain qui ne paraît pas être celui qu'elle devait occuper. Les pétitions en matière électorale ne peuvent avoir pour la Chambre des pairs qu'un intérêt purement législatif. Elle ne saurait aucunement être constamment juge de la régularité d'une opération en particulier, ou de la conduite tenue par l'administration locale. L'autre Chambre possède seule les renseignements nécessaires pour prononcer à cet égard en connaissance de cause, et la Chambre des pairs ne doit considérer que ce qui a trait à la législation. L'ordre du jour est unanimement invoqué en ce qui concerne le préfet. Il n'est pas moins nécessaire de l'adopter relativement à ces associations d'électeurs contre lesquelles le preopinant s'est si vivement élevé. Tant qu'il n'a point articulé qu'ils avaient transgressé les lois, tant qu'il ne leur impute pas un délit, sa façon de s'exprimer à leur égard signifie seulement qu'il professe une autre opinion que la leur.

Il faut donc en revenir à la question légale, c'est-à-dire au droit que peuvent avoir des tiers de demander l'inscription d'un électeur sur la liste, ou de réclamer contre les erreurs et les omissions. M. le ministre a parfaitement établi, par les instructions qu'il vient de lire, qu'un préfet ne pouvait refuser la vérité, de quelque part qu'elle lui arrivât. Il peut, il doit inscrire d'office toutes les fois qu'il a pleine connaissance que la capacité électorale existe. Comment pourrait-il refuser des pièces, sauf à lui à s'assurer si elles sont authentiques et suffisantes ? Rien de plus clair et de plus loyal que ces instructions du ministre. Reste le droit d'un tiers pour réclamer contre la liste déjà rédigée. M. le ministre de l'intérieur dit qu'il y a eu variation et incertitude sur ce point. Il y a du moins jurisprudence, car une ordonnance du 4 juillet 1821, rendue au contentieux, a établi que tout électeur avait droit d'élever des réclamations de cette nature. Mais il importe qu'aucun doute ne subsiste; ainsi il faudrait renvoyer la pétition au ministre, uniquement pour que, dans le projet de loi qu'il prépare, cette question reçoive une solution claire et positive. Sur tout le reste de la pétition, l'orateur demande l'ordre du jour.

M. le marquis de Talaru aurait désiré que sur toutes les pétitions de ce genre la Chambre passât à l'ordre du jour, comme n'étant pas compétente en pareille matière. Mais puisque l'on a entendu l'accusation, il sera permis de dire quelques mots pour la justification d'un fonctionnaire qui n'a fait que son devoir en repoussant des réclamations présentées au nom d'un prétendu comité dont la loi ne reconnaissait pas l'existence, et qui cependant prétendait à entrer en relations directes avec l'administration. Le noble pair a entre les mains deux lettres signées, l'une d'un.

indivitu se qualifiant l'un des secrétaires du comité consultatif électoral et du jury, l'autre, de plusieurs individus se disant membres du bureau de semaine. Si un préfet pouvait jamais encourir aucun blâme pour avoir refusé de reconnaître de pareilles associations, si jamais les Chambres leur donnaient quelque consistance par une délibération favorable, le noble pair n'hésite pas à le dire, nous retombons dans l'anarchie des clubs, et il n'y a plus d'administration possible, à quelques mains qu'il plaise au roi de la confier. Le noble pair vote donc l'ordre du jour, et, dans tous les cas, il demanderait que le renvoi au ministre de la justice fût prononcé simultanément avec le renvoi au ministre de l'intérieur.

M. le comte Molé estime qu'il y aurait une réponse satisfaisante à faire à ceux qui se plaignent de l'intervention des tiers dans les élections. Mais plus la discussion se prolonge, et plus il est frappé de l'espèce d'inconvenance qu'il peut y avoir à recommencer ainsi les discussions qui se sont élevées dans l'autre Chambre, et pour lesquelles elle semble seule compétente. Il demande donc que la Chambre y mettre un terme, en prononçant immédiatement le renvoi proposé par la commission.

M. le duc de Fitz-James observe que l'ordre du jour serait le mode le plus sûr de terminer toute discussion, et de satisfaire au vœu du préopinant.

M. le comte Molé déclare qu'il se réunit à la proposition faite de l'ordre du jour.

M. le comte de Tournon observe que la Chambre ne peut s'interdire d'une manière absolue l'examen des questions qui se rattachent à la formation des listes électorales. Elle ne saurait en effet rester indifférente au maintien de règles sur lesquelle repose la constitution de l'une des branches du pouvoir législatif. Mais il existe ici une autre raison pour la Chambre de s'abstenir. L'affaire est pendante au conseil du roi; c'est là seulement que l'on pourra décider si les faits sont exacts ou erronés. La Chambre n'est pas suffisamment éclairée à cet égard, elle ne peut donc prononcer, ni le renvoi au ministre de l'intérieur, ni le renvoi au ministre de la justice; elle doit laisser l'affaire suivre son cours régulier, et c'est sous ce rapport que le noble pair insiste pour l'ordre du jour.

M. le comte de Montalivet croit devoir faire une simple observation sur la question légale de l'intervention des tiers, seul point de vue sous lequel il lui semble, en effet, que la Chambre soit appelée à s'occuper de la pétition. Aucune disposition des lois électorales n'exigeant que les productions ou les réclamations soient faites directement par les intéressés, on rentre à cet égard dans le droit commun, qui permet ainsi que cela est textuellement inscrit dans le Code civil, de constituer le mandat, non seulement par écrit, mais même verbalement : sous ce rapport, la circulaire dont le ministre a donné connaissance, contient, sans doute, une grande amélioration à l'état actuel, mais cette amélioration est tellement importante, qu'une disposition législative devient nécessaire; et c'est un motif suffisant de prononcer le renvoi au ministre de l'intérieur.

M. le comte de Tocqueville estime qu'en

principe général il serait dangereux pour la régularité même des opérations électorales que le droit de produire des pièces fût accordé à tout individu, même sans aucune mission de l'intéressé. L'exercice du droit électoral est assez important pour que celui qui y prétend prenne le soin de le réclamer. Quant à la pétition actuellement discutée, l'affaire étant déjà portée au Conseil d'État, l'ordre du jour semble être le seul parti que la Chambre puisse prendre.

M. le duc Decazes s'étonne que la discussion sur les opérations électorales des DeuxSêvres ait été engagée précisément par un orateur qui, dans une discussion précédente, semblait contester à la Chambre des députés elle même le droit de s'occuper de semblables questions.

C'est sans doute à la Chambre des pairs qu'il appartient le moins d'apprécier des réclamations particulières en matière d'élection. Elle ne doit s'en occuper que sous le point de vue légal; mais sous ce rapport la question présente n'est pas sans importance. Le préopinant semble vouloir que l'électeur ne soit porté sur les listes qu'autant qu'il le demande; mais il ne faut pas oublier que la même liste sert pour les fonctions électorales et pour le jury. Si l'inscription sur la liste assure le droit d'élection, qui est aussi un devoir, elle impose un autre devoir encore, celui du jury; et, sous ce rapport, on peut douter que les citoyens missent à s'y faire porter tout l'empressement nécessaire. Aussi a-t-il été reconnu par les ministres eux-mêmes dans toutes les discussions élevées à ce sujet, lors de la discussion de la loi du 2 mai, que l'inscription devrait avoir lieu d'office. Le procès-verbal de la Chambre renferme à cet égard les déclarations les plus formelles de M. le garde des sceaux et de M. le président du conseil, et ce fut seulement parce que la chose était de droit que l'amendement proposé à cet effet fut repoussé par eux. Il résultait pour les préfets l'obligation de recevoir les titres et les renseignements qui leur parviendraient, n'importe par quelle voie, sauf à les apprécier. On doit regretter qu'il n'en ait pas toujours été ainsi, mais le but du noble pair n'est point d'incriminer le passé dont l'autre Chambre est seule juge, il ne réclame que pour l'avenir, et il appelle l'attention des membres sur la nécessité d'insérer dans la loi dont on s'occupe, des dispositions qui fassent cesser les doutes et les abus qut ont pu en être les suites.

M. le comte de Villèle estime que l'intervention de l'intéressé, ou par lui-même ou par fondé de pouvoir, est nécessaire pour la garantie de l'administration. Son devoir est sans doute d'inscrire d'office tous ceux sur la capacité desquels elle est à même de se procurer des renseignements positifs. Mais si l'on admet légèrement les étrangers à produire des pièces, à présenter légèrement des réclamations sans l'autorisation des intéressés, on s'exposera évidemment à opérer sur des bases inexactes. L'administration peut être à chaque instant entraînée dans des pièges dont elle ne saurait se garantir. Elle peut admettre sur les listes des individus qui n'auraient plus, au moment du vote, la capacité nécessaire, et du concours desquels on tirerait ensuite avantage pour faire annuler ensuite l'élection, si elle n'avait pas tourné au gré des auteurs de ces manoeuvres. I importe que l'administration soit bien pénétrée des dangers que cette marche en

traînerait pour la légalité et la vérité des élec-d'accord; mais on insiste sur la question légale, tions, qui sont et ont toujours élé le vœu comme le besoin du gouvernement et du roi.

M. de vicomte de Martignac, ministre de Tintérieur, observe que c'est dans cet esprit qu'ont été rédigées les instructions dont il a en partie donné lecture à la Chambre. Elles prescrivent à la vérité de recevoir toutes productions, de quelque part qu'elles viennent, mais sauf à ne les considérer que comme simples renseignements, et à les rejeter même s'il y a lieu.

M. le comte de Marcellus déclare qu'il est loin de trouver superflus les détails donnés par le premier orateur qui vient d'être entendu. La Chambre, dont le premier devoir est de défendre le trône, unique source pour la France, d'ordre, de paix et de bonheur, ne saurait jamais être trop éclairée sur des intérêts qui tiennent à de si bautes questions; mais il ne lui appartient pas d'accueillir légèrement les accusations portées contre les fonctionnaires investis de la confiance du roi. Celles que contient la pétition sont loin d'être prouvées. L'affaire est portée d'ailleurs devant la juridiction qui doit en connaître. Le noble pair insiste donc pour l'ordre du jour.

M. Je baron Mounier, membre du comité des pétitions, croit devoir rappeler en peu de mots les motifs qui avaient déterminé la proposition faite du renvoi au ministre de l'intérieur. La pétition peut, comme on l'a dit, être considérée sous plus d'un point de vue. Elle contient d'abord une plainte contre le préfet. Sous ce rapport, le moble pair ne pense pas, comme d'autres opinants, que la Chambre doive toujours repousser sans examen des réclamations de cette nature. Mais elle ne peut jamais en être juge. Le renvoi qu'elle prononcerait ne pourrait avoir d'autre résultat que de saisir le Conseil dEtat de l'affaire, et il en est déjà saisi. L'ordre du jour serait donc applicable. Mais la pétition soulève en même temps une question grave sur la formation des listes électorales, et le comité a pensé qu'il était utile d'appeler sur ce point de la législation l'attention du ministre. Dans la discussion qui vient de s'élever à ce sujet, on a peut-être un peu confondu l'inscription d'office, et celle qui a lieu sur pièces produites. C'est l'inscription d'office qui peut surtout être sujette à erreurs; mais quand des pièces sont produites, si elles sont régulières et probantes, peu importe de quelle part elles arrivent. D'ailleurs, il ne s'agit pas en ce noment de trancher la question, mais de la signaler à l'attention du gouvernement. Le noble pair pense donc que le renvoi doit être prononcé, au moins pour la partie de la pétition qui est relative à la question légale, sauf à la Chambre à passer à l'ordre du jour sur la partie qui se rapporte aux opérations particulières du département des DeuxSèvres.

M. le comte de Peyronnet estime que la question ne mérite, sous aucuns de ses rapports, l'importance qu'on semble y attacher. Les plaintes présentées contre le préfet ont été jugées par l'autre Chambre, qui a validé l'élection, elles ont élé jugées par le roi dont la confiance a suivi le fonctionnaire attaqué, dans le nouveau poste auquel il vient d'être appelé; le comité des pélitions a lui-même reconnu le peu de fondement de ces plaintes. La Chambre n'a donc plus à s'en occuper, et sur ce point même tout le monde est

et il faut bien en dire quelques mots. Lorsqu'un citoyen, ayant la capacité électorale, ne se présente pas pour réclamer son inscription, toute personne peut-elle être indistinctement admise à faire valoir ses droits même sans son aveu ? le bon ordre permet-il que les administrateurs soient privés à cet égard des garanties que l'on réclame pour les particuliers? Ne fait-on pas tout ce qui est juste pour ceux-ci, en admettant, pour établir le mandat donné par l'électeur, la forme d'une simple lettre, et ne serait-ce pas s'exposer à de graves abus que d'admettre comme obligatoire pour l'administration l'intervention de tiers entièrement étrangers à l'électeur? Ne serait-ce pas livrer le préfet sans moyen de défense aux accusations qu'on ne manquerait pas ensuite d'élever contre lui? Sans doute, une production de pièces faite par un tiers peut fournir des renseignements utiles, mais l'administration sera toujours à même d'en profiter pour s'éclairer, et ce qui importe seulement, c'est qu'elle ne soit pas obligée de satisfaire à des demandes qui ne-seraient accompagnées d'aucune manifestation de la volonté personnelle de l'intéressé. Personne, sans doute, ne voudrait aller jusqu'à lui imposer cette obligation, et dès lors la législation peut, sans aucun inconvénient, demeurer telle qu'elle est aujourd'hui. Le renvoi au ministre est donc inutile; le noble pair vote, en conséquence, l'ordre du jour.

Divers membres réclament la clôture de la discussion.

M. le duc de Broglie demande à présenter quelques observations sur la position de la question. Deux propositions ont été faites à la Chambre. On a demandé, d'une part, le renvoi au ministre de l'intérieur, et, de l'autre, l'ordre du jour. Mais la discussion a fait reconnaître la nécessité d'envisager la pétition sous deux rapports différents. Quant à la question de fait, aucune difficulté ne paraît possible, et l'on convient que la Chambre n'est en position de se prononcer ni dans un sens ni dans un autre; l'ordre du jour doit donc être adopté sur ce point. En ce qui touche da question de droit, la preuve qu'on est loin d'être d'accord, résulte suffisamment de la prolongation même de la discussion. Cette question n'a pas été résolue de la même manière par l'ancienne et par la nouvelle administration; elle paraît exciier dans la Chambre un dissentiment assez prononcé tout indique qu'elle doit être examinée avec une maturité proportionnée à son importance, et c'est ce qui porte une partie de la Chambre à insister pour le renvoi. Le noble pair demande qu'afin de laisser une entière liberté à toutes les opinions, la Chambre délibère séparément sur les deux parties de la pétition.

Aucun orateur ne s'opposant à cette demande, M. le président annonce qu'il va consulter d'abord l'Assemblée sur la partie de la pétition qui a pour objet les plaintes formées contre la confection des listes électorales du département des Deux-Sèvres.

La Chambre, consultée, adopte l'ordre du jour sur cette partie de la pétition.

La Chambre est ensuite consultée sur la partie de la même pétition, relative à la question de savoir par qui peuvent être faites les productions et réclamations en matière électorale.

L'ordre du jour est également adopté sur cette seconde partie de la pétition.

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M. Rouillé de Fontaine donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier; la rédaction en est adoptée.

La Chambre renvoie à sa commission spéciale différentes pétitions qui lui sont adressées. Elle accepte ensuite l'hommage et ordonne le dépôt à sa bibliothèque des ouvrages suivan ts: Des droits et des devoirs de la magistrature française et du jury, par M. Boyard, conseiller à la cour royale de Nancy; Des libertés garanties par la Charte, par le même; Du monopole qui s'établit dans les arts industriels et le commerce, au moyen des grands appareils de fabrication, par M. Bidaut; Mémoire sur les forçats, par M. Quentin.

M. le Président. Voici une lettre dont je dois donner lecture à la Chambre :

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frages, sont proclamés candidats à la surveillance de la Caisse d'amortissement.

La Chambre doit maintenant procéder à un scrutin de ballottage pour les trois autres candidats. Les six noms soumis au ballottage sont MM. Laffitte, le baron Louis, le baron Baron, le comte Duchâtel, Pardessus et de Formont. Chaque bulletin doit contenir trois noms pris parmi ceux que je viens d'indiquer, ni plus, ni moins, autrement il serait annulé.

On fait l'appel nominal et le réappel.

Le nombre des votants constaté est de 299.
Voici le résultat du scrutin de ballottage:
MM. le comte Duchâtel..... 170 suffrages.
le baron Louis.
Laffitte.....
Pardessus.

le baron Baron.. de Formont.

156

148

147

146

124

M. le Président. MM. le comte Duchâtel, baron Louis et Laffitte, ayant réuni le plus de suffrages, sont proclamés candidats pour la surveillance de la Caisse d'amortissement.

L'ordre du jour pour demain est séance publique à une heure pour une communication du gouvernement, et ensuite réunion dans les bu

reaux.

La séance publique est levée.

La Chambre se forme en comité secret.

CHAMBRE DES DÉPUTÉS.

PRÉSIDENCE DE M. ROYER-COLLARD.
Comité secret du mardi 11 mars 1828 (1).

Le procès-verbal du comité secret du 8 mars est lu et adopté.

M. le Président dit que l'ordre du jour est la lecture de plusieurs propositions qui ont été déposées sur le bureau.

M. Benjamin Constant dit qu'il propose à la Chambre, conformément à l'article 19 de la Charte et à l'article 37 de son règlement, de prendre la résolution suivante :

« Sa Majesté sera suppliée de proposer une loi qui abroge l'article 4 de la loi du 17 mars 1822 concernant la censure. >>

M. Dupin aîné donne lecture de la proposition suivante:

Sa Majesté sera humblement suppliée de proposer une loi ainsi conçue :

L'article 4 de la loi du 17 mars 1822, sur la censure facultative, est rapporté. »>

M. le Président fait observer que ces deux propositions ont le même objet, mais qu'ayant été déposées le même jour sur le bureau, il n'a pu accorder de priorité.

La Chambre décide qu'elle entendra jeudi les développements de deux popositions.

M. Benjamin Constant propose à la Chambre, conformément à l'article 19 de la Charte et aux articles 37 et 54 de son règlement, de prendre la résolution suivante :

(1) Les comités secrots de la session de 1828 sont inédits.

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