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tiennent à ses services; voulez-vous me permettre de les exposer?

M. le Président. Si la discussion n'est pas fermée, la parole est à M. de Briqueville, ensuite à M. Degouve de Nuncques, à M. Cordier, à M. de Laborde.

M. de Briqueville renonce-t-il à la parole?

M. de Briqueville. Je n'ai rien à dire après l'honorable M. Dupin; ses raisonnements sont concluants pour moi.

(Les autres membres déclarent également renoncer à la parole.)

M. le général Dutertre. Qui peut se flatter d'avoir donné des preuves plus éclatantes de fidélité et de dévouement au roi que le prince de Hohenlohe? Il a non seulement servi de son épée la monarchie, mais il a sacrifié sa fortune. Quand les émigrés étaient bannis de plusieurs Etats de l'Allemagne intimidés par le succès des armées françaises, les émigrés trouvaient chez lui une généreuse hospitalité.

Ses services sont connus de tous les vétérans de l'armée de Condé; et lorsque les événements de 1814 nous ont ramené notre monarque légitime, le prince de Hohenlohe n'a pas balancé à quitter le grade de feld-maréchal, dont il était revêtu en Autriche, pour venir offrir son cœur et ses services à la France et à son roi. Il a suivi notre auguste généralissime en Espagne; il y a commandé une division avec autant de bravoure que de succès. Qui ne se rappelle sa brillante conduite devant Saint-Sébastien, et pendant le cours de cette glorieuse campagne?

Messieurs, celui qui pourrait, après une semblable conduite et un pareil dévouement, refuser à M. le prince de Hohenlohe le droit de siéger dans la Chambre des pairs ne saurait pas apprécier la fidélité inébranlable dont il a doncé tant de preuves à notre auguste monarque, et la touchante générosité envers les compagnons de ses infortunes.

Enrichissons la France de sujets aussi dévoués, et le roi comptera encore quelques bons Français de plus.

Je pense donc, Messieurs, que vous ne refuserez pas votre acquiescement général à la proposition qui vous est faite d'enregistrer les lettres de grande naturalisation.

(On demande à aller aux voix.)

M. Marchal se présente à la tribune et insiste pour prendre la parole.

M. Marchal. Messieurs, ce n'est pas en faisant du sentiment à la tribune que l'on établit à une Chambre législative les importants services rendus à l'Etat par les deux étrangers qu'il s'agit de récompenser, en leur conférant la qualité de citoyen français.

Messieurs, l'ordonnance du 4 juin 1814 est formelle; elle nécessite le concours des deux Chambres pour apprécier le mérite des services rendus, et il faut que l'Etat en ait recueilli le fruit.

Vous êtes fatigués, Messieurs, et d'ailleurs je ne pourrais rien ajouter à la science, à la logique et à l'éloquence de mon honorable collègue M. Dupin; je serai court, je veux établir la nécessité d'ajourner votre délibération.

La Chambre doit vérifier les lettres de naturalisation, c'est-à-dire examiner les services rendus à l'Etat par les deux étrangers, désignés par la

faveur royale. Ces services n'ont pas été expliqués, ils sont sommairement rappelés dans les lettres qui vous sont soumises; on commente ce texte à la tribune. Ce n'est pas ainsi qu'il faut prouver. On doit soumettre à la Chambre un exposé fidèle des services rendus par les princes d'Hohenlohe et d'Arenberg, la Chambre jugera ensuite s'ils ont été rendus à la personne du prince ou à l'Etat, et dans ce dernier cas quelle est leur importance. Cette distinction est nécessaire, car nous ne sommes plus au temps où l'on entendait dire, sans réplique: l'Etat, c'est le roi!

On a manifesté la crainte que le refus des lettres portât atteinte à la prérogative royale. Je la respecte. Mais, comme on vous l'a dit, le pouvoir royal est dans l'initiative, et seul, ou à votre refus, il ne pourrait rien à la validité de ces lettres.

La Charte et l'ordonnance de 1814 sont ici les lois à consulter pour connaître l'étendue du pouvoir royal. Le résultat de l'examen n'est pas dou

teux.

Le roi constitutionnel peut bien, par un acte de sa volonté et sans expliquer le motif, faire des marquis et des comtes; il peut relever l'éclat du trône en l'entourant de personnages titrés et décorés. Mais pour donner un citoyen à l'Etat, pour créer un citoyen français, ce n'est pas trop de la délibération des trois branches du plus grand pouvoir dans notre système politique.

Pour délibérer il faut connaître, et je demande à être instruit avant de me prononcer.

Sans doute, la nomination à la pairie, avant la vérification des lettres de naturalisation, cause ici de l'embarras. Mais ma proposition ne préjuge rien. C'est le seul moyen de tout concilier.

Dans l'état actuel des choses, cette affaire n'est pas instruite; prétendre vérifier, c'est vouloir l'impossible.

Je vole pour l'ajournement.

(On demande vivement à aller aux voix.)

M. le Président. Il y a deux grandes lettres de naturali ation. La discussion a pu être commune aux unes et aux autres, mais la délibération est nécessairement distincte. Je vais donc soumettre d'abord à la délibération les grandes lettres de naturalisation accordées à M. le prince de Hohenlohe, maréchal de France.

Je rappelle à la Chambre que, sur quatre vérifications, la Chambre, sur la première, après avoir voté par assis et levé, a passé au scrutin, et que pour les trois autres, elle a voté seulement par assis et levé. Si le scrutin est demandé, je consulterai la Chambre. (Voia nombreuses : Oui, oui !) (La Chambre consultee décide qu'après avoir voté par assis et levé elle passera au scrutin.)

M. le Président. Je mets aux voix si la Chambre déclarera vérifiées et adoptées les grandes lettres de naturalisation accordées au prince de Hohenlohe, et si elle en ordonnera la transcription sur ses registres.

(Le côté droit et une partie du centre gauche se lèvent en faveur de cette proposition. A la contreépreuve, quelques membres du côté gauche se lèvent.)

M. Petou et autres membres de la gauche. On n'a pas bien compris, recommencez l'épreuve. Voix à droite: Non, non! la contre-epreuve a été faite.

M. le Président. On dit qu'on n'a pas compris; je vais recommencer la délibération: il ne faut

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A une heure, la Chambre se réunit en vertu de l'ajournement porté au procès-verbal de la séance du 22 de ce mois.

Lecture faite de ce procès-verbal, sa rédaction est adoptée.

Le ministre de l'intérieur, chargé de faire à la Chambre une communication de la part du gouvernement, est introduit.

Ce ministre ayant obtenu la parole, communique à l'assemblée quinze projets de loi déjà adoptés par la Chambre des député dans ses séances des 17, 18 et 21 de ce mois, et qui ont pour objet d'autoriser les départements de l'Ardèche, du Calvados, du Cantal, de la Charente, de la Charente-Inférieure, de l'Indre, de l'Isère, des Landes, de la Loire, du Loiret, de la Marne, de la Haute-Marne, de l'Oise, du Tarn et des Vosges, à s'imposer extraordinairement diverses sommes pour les travaux des routes départementales situées dans ces départements.

M. le vicomte de Martignac, ministre de l'intérieur, expose ainsi qu'il suit les motifs de ces projets de loi:

Messieurs, Sa Majesté nous a donné l'ordre de présenter à Vos Seigneuries quinze projets de loi qui ont reçu déjà l'assentiment de la Chambre des députés.

Chaque jour le besoin des communications se T. LIII.

fait sentir plus vivement; les départements éclairés sur leurs véritables intérêts reconnaissent que le meilleur moyen d'accroître leur aisance et leur richesse, c'est de perfectionner et d'étendre les voies qui les mettent en relation avec les autres contrées du royaume, et qui servent au débouché des produits de leur sol et de leur industrie. Ils savent que les sacrifices qu'ils s'imposent pour une destination aussi utile sont éminemment productifs, et que l'avenir remboursera avec usure la dette dont le présent va se trouver momentanément grevé.

Par ces motifs, et à l'exemple de plusieurs autres départements qui les ont précédés dans cette carrière, les départements dont les noms sont énoncés dans les projets de loi que nous apportons à Vos Seigneuries demandent à s'imposer des contributions extraordinaires pour subvenir aux besoins des routes qui traversent leur territoire. Les sommes dont ils peuvent disposer sur les centimes variables et facultatifs sont évidemment insuffisantes, et il serait impossible de songer aux ressources nouvelles.

Quelques membres de la Chambre des députés auraient voulu que le vote des nouveaux centimes fût restreint à une seule année, mais Vos Seigneuries reconnaîtront que pour des travaux de ce genre, qui doivent durer un certain nombre d'années, il est nécessaire de créer des moyens de crédit qui embrassent le mème laps de temps; qu'on ne réaliserait qu'avec de grands désavantages des emprunts dont le remboursement ne serait pas assuré, et que les marchés qu'il faut contracter avec des entrepreneurs ne pourraient être conclus sans cette garantie qu'à des conditions onéreuses. Ces considérations nous ont engagé à ne pas modifier ici le vote des départements, et nous espérons que Vos Seigneuries adopteront la proposition que nous avons l'honneur de leur soumettre.

PREMIER PROJET.

CHARLES, PAR LA GRACE DE DIEU, ROI DE FRANCE ET DE NAVARRE,

A tous ceux qui ces présentes verront, salut.

Nous avons ordonné et ordonnons que le projet de loi dont la teneur suit, adopté déjà par la Chambre des députés, sera présenté à la Chambre des pairs par notre ministre secretaire d'Etat de l'interieur, et par le sieur Becquey, conseiller d'Etat, directeur général des ponts et chaussées et des mines, que nous chargeons d'en exposer les motifs et d'en soutenir la discussion.

Article unique. L'imposition extraordinaire de 4 centimes additionnels au principal des quatre contributions directes qui a été établie sur le département de l'Ardèche, pendant les années 1827, 1828 et 1829, par la loi du 5 juillet 1826, continuera d'être perçue jusqu'en 1835 inclusivement, conformément à la demande faite par le conseil général de ce département, dans sa dernière session.

Le produit de cette imposition sera employé aux travaux des routes départementales situées dans le département de l'Ardèche.

CHARLES, etc.

DEUXIÈME PROJET.

Article unique. Le département du Calvados, conformément à la demande qu'en a faite son conseil général, dans sa session de 1827, est autorisé à s'imposer extraordinairement pendant six annees consecutives, à

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CHARLES, etc.

TREIZIÈME PROJET.

Article unique. Le département de l'Oise, conformément à la demande qu'en a faite son conseil général, dans sa session de 1827, est autorisé à s'imposer extraordinairement, pendant trois années, 2 centimes additionnels au principal des quatre contributions di

rectes.

Le produit de cette imposition extraordinaire sera employé à la confection et à l'achèvement des routes départementales situées dans ce département.

CHARLES, etc.

QUATORZIÈME PROJET.

Article unique. Le département du Tarn, conformément à la demande qu'en a faite son conseil général, dans sa session de 1827, est autorisé à s'imposer extraordinairement, pendant cinq ans, à partir de 1829, 5 centimes additionnels au principal des quatre contributions directes.

Le produit de cette imposition extraordinaire sera employé aux travaux des routes départementales situées dans ce département.

CHARLES, etc.

QUINZIÈME PROJET.

Article unique. Le département des Vosges, conformément à la demande qu'en a faite son conseil général, dans sa session de 1827, est autorisé à s'imposer extraordinairement, pendant cinq années, à partir de 1829, 5 centimes additionnels au principal des quatre contributions directes.

Le produit de cette imposition extraordinaire sera employé à la confection des cinq routes dont le département a sollicité, dans ladite session de 1827, le classement au nombre des routes départementales.

Donné en notre château des Tuileries, le 25 jour du mois d'avril de l'an de grâce 1828, et de notre règne le quatrième.

Signe: CHARLES.

Par le roi :

Le ministre secrétaire d'Etat au département
de l'intérieur,

Signe; DE MARTIGNAC.

Le ministre en quittant la tribune dépose sur le bureau l'expédition officielle des projets de loi communiqués.

Acte de ce dépôt lui est donné, au nom de la Chambre, par M. le président, qui ordonne ensuite, aux termes du règlement, le renvoi aux bureaux, l'impression et la distribution des projets de loi communiqués.

L'assemblée se réserve de fixer ultérieurement le jour auquel elle s'occupera de l'examen de ces projets.

M. le Président rappelle à la Chambre que, dans sa séance du 16 ce mois, elle à l'examen de la commissionspéciale, précédemrenvoyé ment nommée pour reviser l'article 5 du règlement, en ce qui concerne le mode de nomination des commissions spéciales, les propositions faites par plusieurs pairs dans le cours de la discussion à laquelle avait donné lieu le premier rapport de cette commission. Son rapporteur est prêt à soumettre à la Chambre le résultat du nouveau travail auquel la commission a dù se

435 livrer. M. le président propose de lui accorder la parole.

Cette proposition est adoptée, et la parole accordée en conséquence à M. le marquis de Mortemart, organe de la commission dont il s'agit.

M. le marquis de Mortemart, rapporteur de la commission (1), s'exprime en ces termes : Messieurs, la commission à laquelle Vos Seigneuries avaient déféré le soin de rechercher les modi. fications dont l'article 5 de votre règlement est susceptible, avait cru d'abord devoir se resserrer dans les limites les plus étroites de son mandat. La discussion que son premier rapport a fait naître dans cette enceinte, et l'invitation que vous nous avez adressée d'examiner avec leurs auteurs les différents projets qu'ils ont déjà développés devant vous, ont dù nous faire craindre que notre réserve eût été poussée un peu trop loin, et qu'un moyen mécanique d'abréger vos scrutins ne suffit pas pour remplir les intentions de la Chambre. Elle désire, ce me semble, atteindre en même temps un autre but celui de faire représenter au sein des commissions les différentes nuances d'opinion qui règnent dans la noble Assemblée. J'ai été le premier à signaler cette intention comme digne de la loyauté et de l'indépendance de votre caractère; mais, en scrutant les choses de plus près, nous nous somines convaincus que ce serait plutôt par l'accord et l'élévation de vos sentiments que par aucune combinaison matérielle qu'il serait possible de parvenir au résultat désiré. Il est cependant de mon devoir, Messieurs, de vous expliquer les systèmes qui tendent à économiser votre temps, non seulement dans le dépouillement de vos scrutins, mais encore dans vos discussions générales, par la composition de vos commissions. C'est ce que je vais essayer de faire de mon mieux, sans trop abuser de votre attention bienveillante.

La nomination de vos commissions spéciales, confiée à M. le chancelier serait, sans aucun doute, le moyen le plus bref et le plus sûr d'atteindre au double but que vous vous proposez. Aussi, malgré les objections qui ont déjà été produites, un des membres les plus distingués de cette assemblée a vivement insisté en faveur de ce mode; et à la force de sa dialectique, au prestige de sa vive et brillante élocution, il a voulu joindre encore un exemple très favorable à son système, emprunté à l'expérience faite depuis plusieurs années dans un petit Etat voisin. Il nous a affirmé qu'à Genève il n'y avait pas eu une seule réclamation contre les choix faits au sein du grand conseil par le premier syndic de la république. Cette épreuve fait honneur sans doute au chef ainsi qu'aux membres du gouvernement genevois; mais la différence des éléments sociaux et politiques de la petite république de Genève et du vaste royaume de France est tellement prononcée, tellement évidente, que ce qui se passe sur les bords du Léman ne nous a paru nullement applicable à ce qui adviendrait sur les rives de la Seine. Les autres observations faites à ce sujet l'année dernière et cette année n'ont d'ailleurs rien perdu de leur force. Votre commission, après de nouvelles r flexions, persiste donc à penser que vous ne devez point im

(1) Cette commission était composée de MM. le marquis DE MORTEMART, le marquis DE VERAC, le comte DE CHASTELLUX, le marquis DE PASTORET, le duc DE NARBONNE, DE GROSBOIS et le baron PORTAL.

poser à M. le chancelier une obligation onéreuse, à laquelle semble se refuser son extrême délicatesse, et que, d'une autre part, la Chambre ne doit pas renoncer à exercer une action plus directe dans le choix de ses commissions.

Cependant elle pourrait faire exception à la règle pour les lois d'un intérêt purement local, et à l'examen desquelles M. le chancelier appellerait naturellement, comme elle le ferait elle-même, ceux de Messieurs les pairs qui appartiendraient par leurs habitudes ou leurs intérêts personnels aux départements que ces lois concerneraient. Encore l'auteur de la proposition admet-il que, toutes les fois que le cas se présenterait, la Chambre serait consultée pour savoir si elle entend user elle-même de son droit de nomination ou le déférer passagèrement à son président; et si quinze membres demandaient un scrutin, on ne pourrait le refuser.

Le premier orateur que vous avez entendu dans votre séance du 15 de ce mois a insisté, d'une manière aussi vive que spirituelle, sur les inconvénients que présentent, non seulement le mode actuel, mais aussi les modifications diverses qui ont été proposées. Je ne diminuerai point le mérite de sa pressante attaque en rappelant ce vieil axiôme, la critique est aisée; mais je suis forcé d'ajouter que la commission n'a pas jugé que le noble assaillant fût tout à fait aussi heureux daus le système qu'il voudrait substituer aux précédents. Il propose de ne porter qu'un seul nom sur chaque bulletin, et de déclarer que tous ceux qui réuniraient un nombre de suffrages égal au quotient de la totalité des votants divisée par le nombre des membres à élire, que ceux-là, fussent membres de la commission.

Cette combinaison un peu abstraite vous deviendra plus sensible, Messieurs, par un exemple. Supposez l'Assemblée composée de deux cents pairs, ayant une commission de cinq membres à choisir tous ceux qui obtiendraient au premier tour de scrutin le cinquième de deux cents, c'està-dire quarante voix, se trouveraient élus; par conséquent, si la Chambre se fractionnait régulièrement par divison de quarante, la coumission serait complète dès le premier tour. Mais il évident que cette symétrie de subdivisou ne s'effectuerait jamais. Il se pourrait même qu'il réguât une telle divergence dans les votes que personne n'obtiut la modeste quotité requise pour sortir de ce scrutin. Ne restât-il que deux ou trois choix à faire, il faudrait, pour l'application rigoureuse du principe, que les votants, au nouveau tour, fussent encore divisés par deux ou par trois; d'où il résulterait que les derniers élus auraieut besoin de réunir un plus grand nombre de suffrages; soixante-sept, par exemple, ou même cent, si les mèmes pairs, ni plus ni moius, concouraient à cette seconde opération. Que si l'on n'exigeait au contraire que le nombre primitif de quarante, beaucoup de voix seraient perdues; et d'ailleurs il semble peu conforme à la raison mathématique qu'il soit egal pour la Chambre d'être au nombre de cent-vingt ou même de quatre-vingts, au lieu de deux cents, pour compléter sa nomination.

Je conviens cependant que les principales nuances d'opinion qui peuvent dominer parmi nous obtiendraient habituellement, par ce mode, un représentant dans les commissions, et cela dès le premier tour; mais il est plus difficile de prévoir quel serait le résultat des autres tours nécessités pour mettre l'élection au complet. Je ne sais non plus si cette opération d'arithmétique qu'il fau

drait faire à chaque scrutin pour constater le nombre de votes requis pour les nominations serait tout à fait couforme à la dignité de la Chambre des pairs de France. Chacun d'eux d'ailleurs ne serait-il pas disposé à croire que Bon influence, dans la composition d'une commission, n'agit plus que pour un cinquième ou un septième, tandis que par un autre mode il jouit de la satisfaction de la voir formée, sinon en totalité, du moins en majorité, par ses amis, par cinq ou sept de ses collègues auxquels il a voulu donner un témoignage d'estime et de confiance? Votre comité, Messieurs, ne conteste point au système de nomination indiqué par le noble comte, le mérite plus que probable d'introduire au sein des commissions au moins un membre de la minorité; mais cet avantage lui a paru compensé par trop d'inconvénients pour que nous nous permettions de vous engager à l'adopter.

Le même orateur a fait une autre proposition à laquelle vos commissaires se sont doublement cru obligés d'accorder une sérieuse attention, puisqu'elle a été à peu près renouvelée dans la séance du 19 avril par un pair dont la voix austère reçoit une triple autorité de ses vertus, de ses lumières et de sa longue expérience. Il s'agirait de la création, au commencement de chaque session, de commissions permanentes, chargées d'étudier d'avance et d'élaborer les diverses questions qui pourraient être soumises ultérieurement à la Chambre, particulièrement en matière de finances. Cette vue, nobles pairs, est élevée; elle aurait des résultats importants; et pour la plupart, nous y rechercherions volontiers un moyen d'affranchir cette Chambre du rôle insignifiant auquel la force des circonstances l'a jusqu'ici condamnée toutes les fois que le budget lui a été apporté. A cet égard, ses plaintes ont été aussi justes qu'unanimes. Aussi avonsnous dernièrement entendu avec une extrême satisfaction M. le ministre des finances annoncer que la première partie de la loi de finances serait cette année soumise à la Chambre haute de manière à être véritablement examinée et discutée par elle. Ainsi, la France ne sera plus privée des vives lumières que doivent verser sur un travail si important les habiles financiers que nous possédons au milieu de nous. La déclaration faite par M. le ministre des finances rend donc moins urgente l'application du système plutôt indiqué que développé par les deux préopinants, et étayé par les exemples de plusieurs autres gouvernements constitutionnels. Mais un autre motif, Messieurs, a empêché votre commission de scruter plus à fond les vastes conséquences de leurs projets. Elle pense qu'elle irait fort au delà des pouvoirs que vous lui avez conférés, si elle vous proposait la création de ces commissions aonuelles, qui nécessairement finiraient par peser plus ou moins sur la marche de l'administration. Il n'est pas dans la nature humaine que des personnages investis ou seulement se croyant investis de certains droits, d'un pouvoir quelconque, ne cherchent point à en tirer avantage ou parti. Bien que l'initiative fût refusée à ces commissions, de l'investigation ne tendraienteiles pas bientôt à l'enquête ? Ne serait-ce pas, en un mot, un ressort de plus à introduire dans le système du gouvernement? Ce ressort est-il nécessaire? serait-il dangereux ? Ces graves questions nous ont paru hors de nos attributions. Nous croyons qu'elles devraient être soulevées par une proposition spéciale; et à moins que la

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