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[Chambre des Députés.]

SECONDE RESTAURATION.

ne perdrons pas de vue les judicieuses réflexions que vous venez d'entendre sur la diversité des besoins de nos fabriques, mis en présence des espèces de laines que nous produisons ou qu'il nous faut encore demander à l'étranger. Nous n'oublierons pas que ce sont des intérêts également précieux, ceux de l'agriculture qui donne la vie à nos fabriques, et de nos fabriques qui à leur tour vivifient l'agriculture, que nous avons intérêt de concilier. La Chambre ne doutera pas, je l'espère, du soin consciencieux que nous apporterons à l'accomplir.

Un grand nombre de membres : Aux voix ! la clôture!

M. Charles Dupin. Je demande la parole contre la clôture. (La parole est accordée). Messieurs, je me propose de parler dans l'intérêt de l'agriculture. On s'est occupé de la question de tarif qu'on a traitée avec un talent auquel je m'empresse de rendre hommage. Permettez-moi de dire quelques mots, non seulement dans l'intérêt des propriétaires de troupeaux, mais encore dans l'intérêt de ceux qui exploitent un autre genre de propriété. (Voix nombreuses: Parlez, parlez !)

M. Charles Dupin. Messieurs, s'il n'existait en France que des propriétaires de troupeaux, ce qu'il y aurait de plus avantageux serait qu'on y produisit beaucoup de laines et qu'on la vendit au prix le plus élevé.

Mais il existe aussi des consommateurs pour lesquels, si je ne me trompe, et dans l'ntérêt desquels doivent travailler les producteurs.

Il existe d'autres genres de productions agricoles dont les intérêts sont froissés par les mesures prohibitives déjà sanctionnées, et par celles qu'on sollicite encore du législateur pour favoriser les propriétaires de troupeaux.

Les droits excessifs que les Chambres précé dentes ont établis sur les productions de l'agriculture étrangère, ont fait prendre par l'étranger les mesures de représailles les plus funestes à des parties très importantes de notre agriculture et de notre industrie; par exemple, à la production, au commerce des vins et des eaux-de-vie : production dont la valeur est plus considérable que celle des toisons, surtout dans le midi du royaume. Député du Midi, je dois en défendre les intérêts proportionnellement à la grandeur de ces intérêts, et sans les sacrifier les uns aux

autres.

En ce moment, une pétition circule dans les départements méridionaux et se couvre des signatures de tous les propriétaires de vignobles: elle a pour objet d'exposer à la Chambre l'extrême détresse où ces propriétaires sont placés par l'effet des représailles que je signale à votre atten

tion.

ceux qui
Gardez-vous donc d'accroître encore des droits
qui déjà sont exorbitants, comme
grèvent l'importation des laines étrangères, afin
de ne pas exciter les autres gouvernements
à frapper nos vins et autres produits d'industrie
par des droits analogues, qui seraient une ruine
pour notre pays.

Les propriétaires de troupeaux, dans plusieurs
départements, se plaignent que le bas prix des
laines étrangères, même avec l'impôt dont ces
laines sont grevées, ne leur permet pas de vendre
les laines nationales à des prix suffisamment
élevés pour encourager la production.

Cependant, Messieurs, examinons la position
du producteur étranger. Il a contre lui tous les
plus chers à l'égard d'un étranger qu'à l'égard
d'un habitant du pays; il a de plus à payer
frais de transport et de commission, généralement
aux laines françaises sur nos propres marchés.
33 pour 100 en sus de la valeur des toisons, à la
On objecte que les propriétaires français, mal-
douane de France, pour arriver en opposition
currence contre les producteurs étrangers dont
gré ces désavantages, ne peuvent soutenir la con-
les terres sont beaucoup moins chères et les ber-
gers beaucoup moins rétribués.

Vous concevez, Messieurs, qu'une pareille asser-
tion ne pourrait être vérifiée que par des détails
très circonstanciés et très authentiques sur l'agri-
culture comparée de la France et des principaux
sons avec avantage.
territoires étrangers qui nous envoient leurs toi-

Heureusement que la législation et le commerce
sants pour jeter sur la question toute la lumière
d'un peuple voisin nous offrent des faits suffi-
que vous pouvez désirer.

L'Angleterre est, si je ne me trompe, la contrée de l'Europe où les terrains ont le plus de plus considérable; c'est aussi le pays d'Europe valeur, c'est-à-dire se vendent pour la somme la où les gens de la campagne sont le plus chèrement rétribués.

Les agriculteurs d'Angleterre semblent donc que les agriculteurs français, ils doivent être placés dans une situation plus défavorable encore ruinés, si je puis ainsi parler, à fortiori.

Voilà ce qu'ont prétendu longtemps, avec une de troupeaux dans les royaumes britanniques. extrême énergie, les propriétaires de prairies et

Le ministère anglais cédant à leurs clameurs, crut devoir, il y a quelques années, établir un droit considérable sur l'importation des laines étrangères.

Les propriétaires fonciers ont continué de jouir
de l'avantage accordé par le Parlement, et quel-
ques-uns d'entre eux, attirés par un premier bé-
néfice, n'ont pas manqué de trouver insuffisant
l'impót qui frappait déjà l'entrée des laines étran -
gères.

Heureusement pour l'Angleterre arriva l'époque
du ministère à jamais mémorable de M. Huskis-
C'est alors que les lois commerciales de la Grande-
son, président du bureau de commerce.
Bretagne éprouvèrent ces améliorations grandes
nomie sociale d'un puissant empire, et la leçon
et nombreuses qu'on peut regarder comme un des
plus mémorables événements que présente l'éco-
la plus intéressante pour les autres nations.

Enfin, l'Europe a pu voir un ministère britan-
commerce d'Angleterre D'est pas incompatible
nique établir, en principe, que la prospérité du
avec la prospérité des autres nations commer-
peuvent et doivent s'enrichir à la fois s'ils em-
çantes, et que les peuples rivaux en industrie
dans une libre concurrence.
ploient des moyens légitimes pour se surpasser

Les étrangers ont commencé par se défier des principes nouveaux adoptés par le cabinet de Saint-James et professés à haute voix dans le ver que les protestations ministérielles n'étaient Parlement; mais bientôt les lois sont venues proupas de vaines paroles et qu'il fallait y prendre confiance.

La conduite du ministre du commerce fut surtout remarquable dans la réforme de la législation indigènes. Elle présente un modèle que je ne qui concernait les laines étrangères et les laines

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craindrai pas de citer avec éloge dans la circonstance qui nous occupe.

Par une inconcevable bizarrerie, tandis que des droits fort onéreux frappaient l'importation des laines étrangères, une prohibition absolue empêchait les productions britanniques d'exporter les toisons de leurs propres troupeaux.

M. Huskisson fit venir les principaux propriétaires de troupeaux et leur demanda s'ils voulaient permettre l'importation des laines étrangères franches de tout impôt? Non, sans doute, s'écrièrent-ils d'un commun accord; cette franchise serait notre ruine. Et voudriez-vous, leur dit-il, recevoir le droit d'exporter librement vos laines indigènes. A coup sûr, dirent-ils, cela ferait notre fortune. Eh bien, répondit le ministre, laissez-moi faire à la fois ce qui vous ruinera d'un côté, dites-vous, et vous enrichira de l'autre, comme vous l'avouez.

Pareille interrogation des fabricants qui mettent en œuvre la laine. Nous sommes ruinés, s'écrient-ils, si vous permettez la libre sortie des laines indigènes; notre fortune est assurée, si vous laissez entrer franches d'impôt les laines étrangères.

Avec beaucoup de patience, avec un grand art de mettre à la portée de tous les hommes les vrais principes de l'économie commerciale, M. Huskisson obtint enfin, des propriétaires et des fabricants, qu'ils consentiraient d'une part à la libre sortie des laines indigènes; de l'autre à l'entrée, franche de droits, des laines étrangères.

Remarquez, Messieurs, combien l'administration britannique était désintéressée dans cette circonstance. Pourquoi prenait-elle tant de peines et de soins afin de concilier des intérêts divergents et des prétentions opposées? Pour faire supprimer une branche de revenu public, qui lui rapportait chaque année plus de huit millions de francs. Mais M. Huskisson, très versé dans la science des impôts, prévoyait avec raison qu'en supprimant certaines contributions fatales au développement de l'industrie, il ouvrirait de nouvelles sources de richesse, de circulation, de consommation, qui, sous une autre forme, rendraient avec usure au Trésor la valeur des impôts supprimés.

L'expérience a pleinement justifié la sagesse de ces prévisions. Depuis trois ans, dans la GrandeBretagne, le commerce des laines est libre et franc de droits à l'entrée comme à la sortie; les propriétaires de troupeaux continuent à prospérer, et l'industrie des fabricants de lainage a pris un développement de plus en plus considérable.

Les exportations des laines manufacturées dans la Grande-Bretagne surpassent une valeur de 150 millions, tandis que nos exportations ne dépassent guère 30 millions.

Messieurs, de deux choses l'une ou le prix des laines françaises est inférieur, à qualités pareilles, au prix des laines anglaises; alors nous avons à

est surtout imparfaite et dispendicuse dans les départements où le peuple a le moins d'instruction et par conséquent aussi possède le moins ces habitudes de régularité, d'ordre, de soins et de propreté si nécessaires à la bonne éducation des troupeaux. Je suis persuadé que l'élève des bêtes à laine est surtout désavantageuse dans les départements où notre agriculture reste stationnaire et ne crée pas la richesse des prairies artificielles. Voilà les véritables causes qui nous empêchent de pouvoir vendre nos laines à bon marché, comme les vend l'Angleterre.

Remarquez encore qu'en Angleterre le prix des blés étant au moins d'un quart et souvent d'un tiers ou de moitié plus élevé qu'en France, il est comparativement plus avantageux d'élever des troupeaux en France, au lieu d'y semer trop de blé. Cependant la Grande-Bretagne, avec un territoire beaucoup moins étendu que le nôtre, récolte beaucoup plus de laine et la vend moins cher.

La meilleure preuve que les laines d'Angleterre sont livrées à la fabrication à des prix fort modérés, c'est qu'elles soutiennent sur les marchés britanniques la concurrence avec les laines de toutes les autres contrées, et que les draps fabriqués avec ces laines, transportés dans tous les pays qui ne les repoussent point par la prohibition, sont vendus avec avantage et souvent de préférence aux draps indigènes.

Jusqu'ici j'ai considéré les intérêts respectifs du propriétaire de troupeaux et du fabricateur d'étoffes. Qu'il me soit permis de considérer l'intérêt du consommateur. Il faut regarder les vêtements de laine comme un des objets de nécessité pour les petites fortunes et même pour les simples prolétaires. Dans nos climats, les tissus en laine composent la majeure partie du vêtement des hommes: c'est un objet de dépense considérable pour l'individu qui n'a qu'un revenu modique, ou pour celui qui vit du travail de ses bras. Il faut donc compler comme une grande amélioration, dans le sort de la plupart des familles, la réduction du prix des lainages au moindre taux possible.

On peut dire qu'un des symptômes les plus certains de l'aisance d'un peuple, c'est le bas prix des vêtements en laine comparativement au gain journalier du simple prolétaire.

Dans les pays où l'agriculture est perfectionnée, où les arts mécaniques sont très avancés, il est possible à l'homme du peuple de se procurer des habits légers pour l'été et chauds pour l'hiver, agréables dans leur aspect, et toujours propres, parce qu'il a le moyen de les renouveler assez souvent. Aussi voyons-nous dans ces pays, tels que l'Angleterre, la Hollande et le nord de la France, les hommes du peuple vêtus en drap substantiel, dont la solidité et la propreté sont à la fois des indices d'aisance et de dignité sociale. Pourquoi les agriculteurs français, au lieu de

notre porte un immense marché : c'est à l'agri-porter envie au producteur étranger, ne tourneculture française d'en profiter; et si elle n'en profite pas, quel droit a-t-elle de se plaindre? ou le prix des laines françaises est trop élevé pour Boutenir la concurrence avec celui des laines anglaises; alors je demanderai comment il se fait que le producteur français, avec des terres moins chères et des bergers moins coûteux, ne puisse pas produire au même prix que l'agriculteur britannique?

Je suis persuadé que l'éducation des troupeaux est encore extrêmement imparfaite dans la plupart de nos départements. J'ai la preuve qu'elle

raient-ils pas leurs regards vers une source plus certaine d'aisance et de prospérité? Ce n'est pas en ajoutant sans cesse aux droits prohibitifs pour anéantir le commerce que nous rappellerons la prospérité vers notre agriculture. C'est en cherchant à favoriser la consommation que nous favoriserons la production; c'est en demandant qu'on réduise ces énormes droits d'octroi, dont le total s'élève chaque année à cinquante millions de francs, que nous faciliterons la consommation de la chair des troupeaux, en même temps que nous adoucirons le sort des pauvres

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[Chambre des Pairs.]

SECONDE RESTAURATION.

familles ouvrières. Lorsque la viande sera moins coûteuse dans les villes, elle y sera beaucoup plus consommée; ce qui donnera plus de force aux hommes de peine, et par conséquent augmentera les résultats de leur travail et le salaire de ce travail par conséquent ils pourront consommer davantage en bons habits, en logements commodes et sains. Voilà des améliorations sur lesquelles je ne cesserai d'appeler votre attention qu'à l'époque où vous aurez pris les mesures les plus propres à répandre ce bonheur sur le peuple.

Convaincu, comme je le suis, que les mesures réclamées par le pétitionnaire tourneraient contre l'intérêt même des agriculteurs, je repousse l'objet de sa pétition et vote l'ordre du jour.

M. de Rambuteau. Messieurs, c'est parce que l'Angleterre exporte pour 150 millions de lainage qu'elle peut recevoir librement sans droits les laines étrangères, puisque sa consommation est au-dessus de sa production. Mais la France, qui possède 42 millions de moutons, produisant 46 millions de kilog. de laine; qui depuis dix ans a vu doubler sa production de laine fine et s'accroître d'un cinquième ses laines inférieures; qui ne vend à l'étranger que pour 22 millions d'étoffe de laines; dont la plupart des propriétaires de grands troupeaux se plaignent d'être ruinés par le bas prix, et qui ont une ou deux récoltes accumulées et non vendues; la France pastorale a besoin de protection. Je ne rentrerai point dans la discussion puisque la Chambre, fatiguée, réclame la clôture; mais je demande au nom de la propriété et de l'agriculture le renvoi aux deux ministres de l'intérieur et du commerce, pour que de si graves intérêts soient débattus et conciliés dans une réunion d'hommes éclairés.

M. Petou. Je m'oppose aux renvois proposés, et je demande le dépôt de la pétition au bureau des renseignements.

M. Lazerme. Tout en appuyant les renvois, je demande aussi le dépôt au bureau des renseignements.

(L'ordre du jour, ayant la priorité, est mis aux voix et rejeté.)

La Chambre ordonne le renvoi de la pétition aux ministres de l'intérieur et du commerce, et le dépôt au bureau des renseignements.

M. d'Haussez reprend son rapport:

Mme de Guiroux, née de Canolles, demande qu'il soit fait des fonds pour que l'Etat lui paie la rente qui lui était due par S. M. Louis XVIII, comme acquéreur de la terre de l'Ile-Adam, vendue par le prince de Conty, débiteur originaire de cette rente, et qu'il soit fait des fonds pour cet objet sur le budget de 1829.

Mme de Canolles est en instance devant le tribunal de la Seine; la Chambre ne peut donc connaître de cette affaire.

Quant à la demande d'une allocation destinée à assurer l'exécution d'un jugement qui n'est pas encore rendu, votre commission pense qu'il n'y a pas lieu de s'en occuper, et elle vous propose l'ordre du jour sur l'ensemble de la pétition. (Adopté).

Le sieur Mérat propose de punir par l'ennui l'habitude du duel. Le moyen qu'il voudrait que l'on employât pour y parvenir serait une réclusion au secret, dont la durée serait graduée

suivant la fréquence des récidives dont le pré-
venu se serait rendu coupable.

Cette pétition, souvent renouvelée, a constam-
ment donné lieu à l'ordre du jour, que votre
commission vous propose d'adopter de nouveau.
(La Chambre passe à l'ordre du jour.)

Le sieur Dejean, instituteur primaire à Montpel-
lier, avait présenté, le 31 octobre 1827, à S. Exc.
le ministre des affaires ecclésiastiques et de
l'instruction publique, la demande d'une pension
quarante-deux an-
de retraite qu'il croit due
nées de services. Cette pétition n'ayant pas été
répondue, votre commissiou vous propose le
renvoi de celle qui vous est adressée à M. le
ministre de l'instruction publique. (Adopté).
La séance est levée à cinq heures et demie.

CHAMBRE DES PAIRS.

Séance du lundi 5 mai 1828,

PRÉSIDÉE PAR M. LE CHANCELIER.

A une heure, la Chambre se réunit en vertu de l'ajournement porté au procès-verbal de la séance du 3 de mois.

L'Assemblée entend la lecture et adopte la rédaction de ce procès-verbal.

L'ordre du jour appelle, en premier lieu, la réception de MM. le maréchal prince de Hohenlohe-Bartenstein et le prince Pierre d'Arenberg, dont les titres ont été vérifiés dans la dernière séance.

Deux pairs, MM. le duc d'Uzès et le marquis de Vérac, sont désignés par M. le président pour aller au devant des récipiendaires.

MM. le maréchal prince de Hohenlohe et le prince d'Arenberg sont successivement introduits dans la salle, avec le cérémonial accoutumé, et, debout, au milieu du parquet, prêtent serment dans les termes indiqués par la formule que lit M. le président.

Ce serment prêté, ils sont admis à prendre séance.

L'ordre du jour appelait, en second lieu, la suite de la délibération ouverte sur les articles du projet de loi relatif à la pêche fluviale.

Le pair de France ministre des finances et le conseiller d'État directeur général des forêts, chargés de la défense du projet de loi, sont présents.

M. le Président, avant que la délibération soit reprise, annonce qu'un messager d'Etat de la Chambre des députés, porteur d'une résolution de cette Chambre, demande à être introduit.

La Chambre ordonne qu'il sera immédiatement reçu dans la forme ordinaire.

Le messager d'Etat entre dans la salle, précédé de deux huissiers, et remet à M. le président, avec une lettre de M. le président de la Chambre des députés, la résolution de cette Chambre dont il est porteur.

Il se retire après qu'il lui a été donné acte de cette remise.

M. Je Président donne ensuite lecture du message ainsi qu'il suit;

MESSAGE.

Paris, le 5 mai 1828.

MONSIEUR LE PRÉSIDENT,

J'ai l'honneur de vous adresser un message dont l'objet est de vous transmettre, pour être communiquée à la Chambre des pairs, la résolution ci-jointe, adoptée par la Chambre des députés dans le comité secret du 23 avril dernier.

Je vous prie d'agréer, Monsieur le Président, l'hommage de ma plus haute considération.

Le Président de la Chambre des députés,
Signé : ROYER-COLLARD.

RÉSOLUTION

DE LA CHAMBRE DES DÉPUTÉS

relative à la réélection des députés qui auront accepté des fonctions rétribuées.

Comité secret du 23 avril 1828.

Le roi sera humblement supplié de présenter un projet de loi qui renferme les dispositions suivantes :

«Tout député auquel il sera conféré une place rétribuée, par le seul fait de son acceptation, cessera de faire partie de la Chambre à la fin de la session pendant laquelle il aura été appelé à cette place; mais il pourra être réélu.

"Sont exceptés de cette disposition: 1° les députés qui seraient élevés aux fonctions de ministre secrétaire d'État; 2° les députés qui, appartenant à l'armée de terre où de mer, seraient promus à de nouveaux grades par rang d'ancienneté. »

La Chambre arrête que la présente résolution, adoptée en son comité secret du 23 avril 1828, sera transmise à la Chambre des pairs par un message, après le délai prescrit par l'article 20 de la Charte.

Les Président et Secrétaires, Signé: ROYER-COLLARD; le comte DE LUR-SALUCES, ROUILLE, DUMEILET, comte DE Valon.

M. le Président, conformément à l'article 15 du règlement, ordonne le renvoi aux bureaux, l'ımpression et la distribution de la résolution communiquée.

Il rappelle ensuite à la Chambre que, dans sa dernière séance, elle a renvoyé à la commission spéciale une proposition tendant à rétablir dans le titre IV du projet de loi amende relatif à la pêche fluviale, la disposition qui formait l'article 36 du projet originaire et que la commission avait retranchée dans la nouvelle série d'articles qui avait été proposée par elle.

M. le marquis de Maleville, rapporteur de la commission, obtient la parole. Il ne reviendra pas sur les diverses considérations qui, de part et d'autre, ont été présentées, soit pour appuyer, soit

pour combattre le rétablissement de l'article. La discussion approfondie à laquelle il a donné lieu dans la précédente séance a suffisamment éclairci la question, et c'est seulement sur la rédaction que quelques observations sont nécessaires, pour le cas où la Chambre se déciderait à rétablir l'article. L'examen nouveau auquel la commission s'est livrée l'a convaincue de plus en plus de la vérité de ce principe, que le chemin de halage n'est qu'une servitude, et que dès lors son usage doit être restreint à l'objet déterminé pour lequel la servitude a été établie, sans qu'elle puisse être aucunement aggravée au préjudice des riverains. Or, la destination première du chemin de halage étant uniquement le tirage des bateaux dans l'eau, c'est à ce tirage aussi que doivent se restreindre les pêcheurs; mais ils ne peuvent user du chemin pour tirer leurs filets hors de l'eau et les sécher, ce qui entraînerait une aggravation à la servitude, et pour ces opérations ils doivent traiter avec les riverains de la jouissance des terrains dont ils ont besoin. La commission s'est appliquée à distinguer dans la rédaction ces deux opérations très distinctes et qui se trouvaient, jusqu'à un certain point, confondues dans ces mots: user pour l'exercice de la pêche, dont se servait l'article du projet. Voici, au surplus, comment serait conçue la rédaction nouvelle, qui prendrait place à la fin du titre IV, immédiatement après l'article 34 du projet amendé :

Art. 35 du projet amendé.

Les fermiers et porteurs de licences ne pourront user, sur les fleuves, rivières et canaux navigables, que du chemin de halage; sur les rivières et cours d'eau flottables, que du marche-pied. Ils traiteront de gré à gré avec les propriétaires riverains pour l'usage des terrains dont ils auraient besoin pour retirer et asséner leurs filets. »

M. le comte de Pontécoulant aurait désiré qu'il fût possible d'exprimer encore d'une manière plus explicite, dans cette rédaction, la distinction que le rapporteur a faite dans son exposé entre le tirage des filets dans l'eau et l'action de les retirer sur la rive et de les asséner. C'est en effet là qu'est toute la difficulté; c'est cette distinction qui est indispensable pour la garantie des propriétaires et pour le maintien du principe que la Chambre a reconnu dans sa dernière séance, que le chemin de halage n'est qu'une servitude. Sous ce rapport, il eût été préférable peut-être que l'article contint une prohibition formelle; mais enfin tel qu'il est, et surtout au moyen des explications qui l'ont accompagné, il paraît suffire pour rassurer les propriétaires, et le uoble pair ne s'oppose pas à son admission.

M.le marquis de Lancosme estime que la ré laction proposée, loin d'être favorable aux pêcheurs, préjudicierait en réalité au dro:t légitime qu'ils ont de se servir du chemin de halage pour tirer leurs filets hors de l'eau; il demanderait donc que ce droit leur fût maintenu.

M. le comte de Peyronnet observe que la distinction est facile à faire: le chemin de halage n'étant qu'une servitude et n'entraînant pas le déplacement de la propriété, il est évident qu'on ne peut le détourner de l'usage pour lequel il est établi; or, cet usage est la libre circulation sur le

bord de la rivière pour le service de la navigation. Cette circulation devant être libre pour tous, et à tout instant, il est sensible que les pêcheurs peuvent user du chemin comme tous les autres, mais seulement en ce qui ne gêne pas la circulation; c'est ainsi qu'il leur est interdit d'asséner leurs filets sur le chemin, parce que la circulation pourrait en être gênée; mais ils peuvent d'ailleurs y faire tout ce qui n'exige qu'un simple passage, tout ce qui ne nuit en rien à la libre circulation.

M. le marquis de Rougé insiste sur la nécessité d'étendre un peu plus que ne le fait la rédaction proposée les droits des concessionnaires de la pêche. Sans doute, il faut respecter la propriété, mais il ne faut pas non plus rendre la pêche impossible; or, c'est ce qui arriverait si l'on interdisait aux pêcheurs le droit de retirer leurs filets et le droit de récolter le poisson sur le chemin de halage. Ce n'est, en effet, le plus souvent, que sur ce chemin que cette opération peut-être faite ; il faut donc qu'il leur soit permis d'en user pour cet objet, sauf à se pourvoir auprès des propriétaires pour les terrains plus étendus où devra avoir lieu le séchage, qui, demandant d'ailleurs plus de temps, ne peut, dans aucun cas, avoir lieu sur le chemin.

M. le marquis de Bouthillier, commissaire du roi, estime qu'en effet cette distinction est nécessair. Le chemin de halage est à la vérité une servitude, mais cette servitude est établie aussi bien dans l'intérêt de la pêche que dans celui de la navigation; l'usage en doit donc être laissé au pêcheur pour tout ce qui n'entrave pas la circulation; ainsi, il faut qu'il puisse s'en servir pour haler son bateau, pour jeter son filet de la rive, pour le tirer dans l'eau, et pour récolter son poisson. Toutes ces opérations ne peuvent avoir lieu que sur le chemin; elles sont indispensables, elles n'apportent aucune entrave à la libre circulation, elles doivent donc être autorisées, et la seule restriction à apporter aux droits des pêcheurs est relative au séchage des filets, qui, exigeant plus de temps et plus de terrain, ne peut avoir lieu sur le chemin. Le commissaire du roi pense donc que l'article pourrait être modifié en ce sens. I espère que là Chambre voudra bien considérer qu'en réservant à l'Etat le droit de pêche, la loi n'a pas pu lui accorder un droit illusoire, et qu'il le deviendrait si des restrictions trop nombreuses écartaient les adjudicataires.

M. le comte de Pontécoulant observe que 'intérêt principal est ici l'intérêt de la propriété ; celui de la pêche considéré comme produit fiscal n'est que secondaire; or, le droit de la propriété ne saurait être contesté. Une distinction importante doit toujours être faite entre le lit de la rivière ou du canal navigable et le chemin de halage. Le lit seul appartient à l'Etat en propriété; mais il n'a qu'un droit de servitude sur le chemin de halage, et les concessionnaires de la pêche n'étant qu'aux droits du gouvernement, il est évident qu'il ne peut leur en attribuer de plus étendus que ceux qui lui appartiennent ils ne peuvent donc prétendre qu'au passage et à rien autre chose. Ce n'est pas dès lors en leur faveur que la rédaction de la commission pourrait être modifiée: elle leur accorde tout ce qui peut leur être légitimement accordé; et si, comme on peut le croire, elle garantit suffisamment les droits des propriétaires, elle doit être adoptée par la Chambre.

M. le marquis de Lancosme estime que l'article du projet établissant la même distinction que l'amendement, et ne pouvant dans ses termes préjudicier aux droits véritables des pêcheurs, il serait préférable d'en revenir à la rédaction primitive.

M. le marquis Forbin des Issarts observe que, dans la dernière séance, il a été généralement reconnu que les termes de la rédaction primitive étaient trop vagues, et que l'autorisation d'user du chemin pour l'exercice de la pêche serait nécessairement interprétée dans le sens du maintien des abus intolérables qui se sont établis. C'est pour remédier efficacement à ces abus, que la Chambre a voulu qu'il lui fût présenté une rédaction nouvelle; c'est donc l'intérêt de la propriété qui doit dominer dans cette rédaction, et, sous ce rapport, le noble pair adopte celle qu'a proposée la commission.

M. le marquis de Rougé demande qu'au moins pour ne pas priver les pêcheurs du seul moyen qu'ils aient d'exploiter la pêche qui leur est concédée, on retranche de la dernière partie ds la rédaction le mot retirer, dont le maintien leur imposerait une condition inexécutable dans la pratique.

M. le duc de Fitz-James estime que le droit de retirer les filets sur le chemin de halage, s'il était ainsi accordé aux pêcheurs d'une manière indéterminée, pourrait paraître les autoriser à réclamer pour cette opération l'usage du chemin dans les dimensions prescrites, même dans les lieux où il n'est pas établi de fait. Et c'est là surtout ce qu'il faut empêcher, car s'il est indifférent aux propriétaires qu'ils jettent leurs filets et les retirent sur un chemin fréquenté, il serait très préjudiciable à ses intérêts de les voir s'établir pour cet objet sur des rives où, de fait, le halage n'a jamais lieu, et qui, dans ce cas, produisent des récoltes qui seraient entièrement perdues si ce droit était accordé.

M. le vicomte Dubouchage observe que, dans aucun cas, les pêcheurs ne pourraient réclamer de droits que sur le chemin de halage existant et non sur les terrains où il ne serait pas établi; mais il est évident que sur ce chemin ils peuvent et jeter et retirer leurs filets, car c'est le seul endroit où cette opération puisse avoir lieu. Le noble pair demanderait que leur droit, à cet égard, fût consacré d'une manière expresse dans l'article, et, pour y parvenir, il proposerait de le rédiger en ces termes :

« Les fermiers et porteurs de licences pourront user, sur les cours d'eau navigables et flottables, du chemin de halage ou du marche-pied pour jeler et retirer leurs filets. A l'égard des terrains dont ils auraient besoir pour les asséner, ils devront traiter de gré à gré avec les propriétaires riverains. »

M. le marquis Forbin des Issarts estime que les termes de cette rédaction auraient pour effet de convertir, en quelque sorte, en un droit de propriété la servitude du chemin de halage. La Chambre ne pourrait donc les adopter sans méconnaître le principe qui, depuis deux jours, a dominé toute cette discussion. Le noble pair demande l'ordre du jour sur la rédaction nouvelle.

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