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d'autorité fur eux; qu'il défendoit foiblement les petits, contre les véxations des Officiers publics; qu'il s'enrichiffoit de leurs dépouilles. Ils excitoient ceux, qui les écoutoient volon tiers, à s'adreffer au Kan pour les foutenir dans le choix d'un autre Chef. Ces difcours féditieux, & autres femblables, augmentoient le nombre des mé

contens.

Le Kan entendoit ces nouvelles avec plaifir; mais pour mieux diffimuler fes fentimens, il avertit comme par amitié, le Chirinbey, de ce qui fe difoit contre lui, & lui promit de s'em. ployer pour faire cefler ces mauvais bruits. Il le fit en effet pendant quelques mois, contenant fes Emiffaires; mais ces bruits recommencerent plus vivement quelque tems après, jufques-là

que par la perfuafion de fes Emiflaires, on vint à fon Tribu nal porter des plaintes contre le Chirinbey.

Sur ces plaintes, le Kan fit prier fon beaufrere de le venir voir j mais celui-ci, qui avoit déja commencé à s'appercevoir, que fon beaufrere n'agiffoit pas d'auffi bonne foi qu'il l'avoit cru, ne jugea pas à propos de faire cette vifite, dont il avoit fujet de craindre les fuites. Le Kan prit de-là occafion de fe fâ cher contre le Chirinbey, & résolut de le faire venir chez lui de force, ayant refufé d'y venir de bon gré; & voici comme il s'y prit.

Le Chirinbey bon Musulman, avoit la coutume d'aller tous les jours à la Mosquée, accompa gné de peu de perfonnes, le Kan disposa des hommes de la Garde,

pour le furprendre à fon retour de la Mosquée.

Le Kan ne put donner fes or dres fi fecretement,que fon beaufrere n'en eût avis. Celui-ci qui ne s'attendoit à rien moins, qu'à une femblable & fi prompte trahifon, & qui fe voyoit d'ailleurs hors d'état de pouvoir fe défendre, jugea fenfément, que le parti le plus fûr, étoit de monter promptement à cheval avec quelques Domestiques, & de fe retirer hors de la Crimée, pour ne pas demeurer à la merci d'un pareil ennemi; ce qu'il executa fur le champ.

La Garde qui le devoit arrêter, vint incontinent inftruire le Kan de la fuite du Chirinbey. Le Kan fit courir après lui, mais avec ordre, qu'on le laiffât aller où il voudroit, fi-tôt qu'il feroit forti de la Crimée; car fon def

fein étoit qu'on dît dans le public, que le Chirinbey s'étoit lui même banni de fon païs.

Tout fut ainfi executé. Nous avons appris depuis ce tems-là qu'il étoit allé en Circassie, pour fe retirer enfuite dans le païs d'Aberas.

Je vous laiffe à penser, mon Reverend Pere, quelle fut dans cette conjoncture la terreur de nos Catholiques, & notre crainte pour notre Miffion. Nous perdions la protection, que le Chirinbey nous donnoit, & nous nous croyons continuellement expofés à voir notre Chapelle, & notre Maison pillée, & peut-être détruite par les Schifmatiques, ennemis plus à craindre, que les

Turcs mêmes.

Mais la Providence, qui a fou vent fait voir les effets de fes foins à l'égard de notre Miffion,

nous a donné dans cette occa. fion une nouvelle marque de fon affistance, d'autant plus fenfible, que nous devions moins nous attendre, au moyen, dont elle s'eft fervie pour venir à notre fecours, vous en jugerez, mon Reverend Pere, par ce que je vais vous en dire.

Le nouveau Kan étoit venu en Crimée, avec l'inquiétude d'une petite playe à fon bras. Il n'avoit trouvé jufqu'à present perfonne, qui l'en eût guéri parfaitement. Il apprit par occafion que les Miffionnaires établis en cette Ville, recevoient fouvent des remedes de France; qu'ils en affi stoient gratuitement les malades, & que les malades, qui en ufoient,s'en trouvoient très-bien.

Le Kan qui vouloit guérir, envoya chez nous pour nous prier de lui porter de nos remedes, Le R 4

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