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mille des Chirins, & tous leurs anciens privileges avec eux.

Vous me demanderez ici, mon Reverend Pere, quel a été l'état de notre Miffion pendant ce tems d'allarmes; je vous dirai qu'à la faveur de nos Patentes de prorection, personne ne nous a dit mot; que les Grecs, & que les Armeniens font venus à l'ordinaire chez nous ; que nous avons été chez eux, & que nous avons même la confolation de voir,que la ferveur des Catholiques, malgré la crainte des perfecutions fi ordinaires en ce pays, augmente bien-loin de diminuer. Ils aiment la priere, & ils la font aimer en les voyant prier. Ils approchent très-fouvent de nos faints myfterés. Ils ont une docilité admirable pour ceux qui les gouvernent, l'union entre-eux eft fi parfaite, qu'ils s'appellent freres, Si

leur commerce fait naître quelques procès entre-èux, ils s'en rapportent volontiers à un Tiers, & s'en tiennent à fa décifion. Ils ont un grand foin de l'éducation de leurs enfans, & ils les accoutument par leur exemple & par leur conduite à un continuel travail. Au furplus, la Catholicité est gravée fi avant dans leur cœur qu'on les trouveroit toujours prêts à perdre plutôt leurs biens & leur vie même, que la Religion,dont ils font une profeffion

Ouverte.

Les Catholiques d'une petite Ville, qui eft à douze lieuës d'ici, nommée Caffa, viennent de nous donner des preuves éclatantes de la fincerité de leur foi.

Le Bacha de cette Ville voulant s'enrichir, fut confeillé par des Schifmatiques, de le faire aux dépens des Catholiques; ils

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Paffurerent, qu'ils étoient les plus riches du pays, & qu'ils avoient toujours de l'argent caché chez eux. Le Bacha, pour profiter de cet avis, leur en fit demander par fon Lieutenant; cet Officier leur fit entendre,qu'il y alloit de la prifon, s'ils ne fatisfaifoient pas inceffamment le Bacha.

La crainte du cachot étoit bien moins grande pour eux, que celle de s'attirer, par leur refus, la per, te du libre exercice de leur Religion. Ils fe cotiferent tous pour faire la fomme qu'on leur demandoit. Le Lieutenant leur fit efperer, que, moyennant cette somme, on les laifferoit en paix. Mais la Providence prit foin de les vanger quelque tems après, de la violence & de l'injustice qu'on leur faifoit; car le Kafios ken, c'est-à-dire le Moufti,Gene.

ral de toute la Crimée, ayant été informé de cette injuste avarice, dépofa le Cadi, pour ne s'être pas oppofé à cette vexation du Bacha, & envoya ordre au Ba cha de reftituer fur l'heure l'ar. gent, qu'il avoit injustement reçû, & l'avertit, en même tems qu'il y alloit de fa tête, s'il forçoit, comme il faifoit, par ses vexations, les Sujets du Grand Seigneur, de fortir de fes Etats, pour aller en Pologne, & dans d'autres Royaumes, mettre leurs biens & leur vie en fureté.

Cette action de juftice a bien confolé nos Catholiques, & a augmenté leur confiance en Dieu, qui daigne prendre leur caufe en main, & leur donner fouvent des preuves de fes foins paternels. Nous les recommandons à vos faints facrifices, & à ceux de

tous

Cous nos Peres. Je vous demande en particulier pour moi le fecours de vos prieres. J'ai l'honneur d'être avec respect,

MON REVEREND PERE,

Son très-humble & très-obéiffant ferviteur STEPHAN, Miffionnaire de la Compagnie de Jesus en Crimée.

S

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