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peut pas faire, que dans ce grand nombre d'oeufs entaffés les uns fur les autres dans le fourneau, il n'y en ait plufieurs, qui ne viennent pas à bien; mais l'habile Directeur fçait profiter de fa perte, car alors il ramafle les jaunes d'œufs inutiles, & en nourrit plufieurs centaines de poulets, qu'il éleve, & qu'il engraiffe dans un lieu feparé & fait exprès: font-ils devenus gros & forts, il les vend le plus cher qu'il peut, & la vente étant faite, il en partage fidélement le profit avec l'Entrepre

neur.

On demandera comment il fe peut faire, que l'on puisse affembler dans chaque fourneau une fi prodigieufe quantité d'œufs le moyen en eft facile, chaque fourneau a vingt ou vingt-cinq Villages, qui lui font attachez à lui en particulier. Les Payfans de

ces Villages font obligés, par ordre du Bacha & duTribunal fupérieur de la Juftice, de porter tous leurs œufs au fourneau,qui lui est affigné, & il leur est défendu de les porter ailleurs, ou de les vendre à qui que ce foit, finon au Seigneur du lieu, ou aux Habitans des Villages,qui font du même diftrict; parce moyenil eft facile de comprendre, que les fourneaux ne peuvent manquer d'ouvrage.

Les Seigneurs des lieux trouvent ici le fecret, comme on le trouve ailleurs, d'établir certains droits à leur profit. Ceux-ci retirent tous les ans des fourneaux, dont ils font Seigneurs, quinze ou vingt mille pouffins; pour les élever fans qu'il leur en coûte rien; ils les diftribuent chez tous les Habitans de leur' Seigneurie, aux clauses & conditions de moitié de profit de part

&

& d'autre, c'est-à-dire que le Villageois, qui a reçu de fon Seigneur quatre cens pouffins, eft obligé de lui rendre deux cens poulets, ou en nature, ou en argent, valeur de deux médins pour chaque poulet; les autres deux cens poulets appartiennent. aux Villageois. L'Aga du Bourg de Bermé, dont nous avons dit,que les Habitans étoient les feuls infruits de l'art de diriger les fours à poulets, cet Aga, dis-je, s'est auffi établi un petit droit particulier fur eux, car s'ils veulent fortir de Bermé pendant les fix mois du Printems & de l'Eté, pendant lefquels ils n'ont point de travail, PAga ne leur donne point de permiffion de quitter leur Pays, qu'ils ne lui payent auparavant huit ou dix piaftres. Or pendant ces fix mois il y a toujours trois ou quatre cens Berméens,qui vont.

H

ailleurs gagner leur vie, c'eft un profit confidérable pour l'Aga. La generation des poulets, dont nous venons de parler, n'éLivre toit point inconnue à Pline, il en 10. ch. parle dans fon hiftoire naturelle.

35. liv.

prem.

Diodore de Sicile loue l'indu1, 74. ftrie & la coutume des Egyptiens, qui ont trouvé le fecret de faire éclore, non feulement les poulets, mais encore les oifons.

J'ai demandé à nos Directeurs des fours à poulets, fi leur art réuffiroit en France, ils m'ont répondu qu'ils n'en doutoient pas, & qu'ils s'offroient même à venir conftruire ici des fours pareils aux leurs, & de les diriger de maniere que la difference du climat ne mettroit aucun obftacle au fuccés de leur opération.

C'est à nos François curieux à faire venir en France quelqu'un denos Directeurs de Bermé pour en faire l'expérience.

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