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monsieur, pour un si grand bien ; je le souhaite pour vous et pour votre ami que vous m'avez nommé; et serai toute ma vie du fond du cœur tout à vous.

LETTRE III.

Je vous conjure, monsieur, d'avoir la bonté de mander les choses suivantes à M***.

Ses amis font un grand pas, dont je le félicite, et je remercie Dieu. Par exemple, je suis charmé de lire ces paroles: (Dieu a promis, à la vérité, qu'il ne souffriroit jamais le corps des pasteurs en général d'établir des erreurs damnables par une loi publique et un décret uniforme.) (Nous ne doutons nullement que Dieu ne veille toujours sur l'église, de maniere qu'il ne sera jamais permis à la hiérarchie de rien imposer aux fideles nuisiblement au salut,) (La synagogue n'avoit jamais rien établi par un décret uniforme et universel contraire à la loi divine.) (Ce n'est pas que nous vou lions dire avec les donatistes et les puritains, que l'église est invisible et qu'elle ne consiste que des seuls justes élus. Nullement. Il y aura toujours sans doute une église visible sur la terre, gouvernée par les légitimes successeurs des apôtres, et qui ont seuls le droit du sacerdoce.) Quiconque pense ainsi, n'est pas loin du royaume de Dieu, qui est l'église catholique ; cette

église ne demande que ce qui lui est accordé dans ces paroles. Voilà une église qui, selon les promesses, sera toujours visible et gouvernée par les légitimes successeurs des apôtres. Voilà une succession non interrompue. Ces successeurs des apôtres ont eux seuls le droit du sacerdoce; tout autre ministre est un usurpateur du ministere. Dieu a promis que cette église visible, ou ce corps des pasteurs, n'établira jamais des erreurs damnables par une loi publique ............. et qu'il ne sera jamais permis à la hiérarchie de rien imposer aux fideles nuisiblement au salut. Qu'y a-t-il de plus consolant, de plus aimable et de plus décisif que cet aveu ? Que peut-on craindre dans le sein de cette véritable mere qui enfante des saints à Jésus-Christ son époux, depuis tant de siecles sans interruption, puisqu'il est promis qu'elle ne décidera jamais rien nuisiblement au salut de ses enfants? Il n'y a plus qu'à l'écouter, qu'à la croire, qu'à vivre, et qu'à mourir entre ses bras.

II. Les événements répondent aux promesses. Cette église n'a jamais décidé contre les vérités du culte le plus pur et le plus parfait; elle les a même autorisées dans les écrits de divers saints. Il est vrai qu'elle a condamné dans les derniers temps plusieurs livres qui traitent de la vie intérieure; mais on doit croire, sans hésiter, qu'elle les a bien condamnés.

TOME III.

C

que tous les savants qui raisonnent. On goûte en lui la bénignité du Sauveur, la douceur et la modestie de Jésus-Christ. Il fait sentir que l'église qui porte de tels saints n'est pas stérile; et qu'elle est encore, selon la promesse, pleine de l'esprit des premiers siecles.

L'estime et l'amitié que j'ai pour vous, monsieur, m'engagent à demander souvent deux choses à Dieu; souffrez que je vous le dise ici. La premiere est qu'il vous fasse la grace de rendre à la véritable église visible ce qui lui est dû. Ce n'est pas assez de l'aimer, de l'estimer dans votre cœur, de ne lui point imputer les excès que d'autres lui imputent, et de trouver de la consolation à participer à son culte quand vous le pouvez: il n'a jamais été permis de sortir de son sein si elle n'est pas idolâtre, et il n'est pas permis de retarder à y rentrer si cette idolâtrie est imaginaire. L'esprit du Sauveur est un esprit de paix, d'amour et d'union; il a voulu que les siens fussent consommés dans l'unité : il ne s'est pas contenté d'une unité intérieure et invisible, il a voulu une unité intérieure et extérieure tout ensemble; en sorte que ce fût à ce signe visible et éclatant qu'on reconnût ses vrais disciples. Ainsi malheur à ceux qui se séparent, ou qui demeurent séparés de la tige qui porte la seve dans toutes les branches. Malheur à ceux qui partagent en deux ou qui laissent dans la division ce que Jésus

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Christ a voulu faire un. Remarquez, s'il vous plaît, que les plus grands saints et les écrivains de la vie intérieure, qui ont eu les plus touchantes marques de l'esprit de grace, étoient, comme saint François de Sales, dans la communion romaine, et prêts à mourir plutôt que d'en sortir. Les ames humbles et pacifiques, qui ne vivent que de recueillement et d'amour, sont toujours petites à leurs propres yeux, et ennemies de la contradiction; elles sont bien éloignées de s'élever contre le corps des pasteurs, de décider, de condamner, de dire des injures, comme Luther et Calvin en ont dit d'innombrables. Leur style n'a rien d'âcre ni de piquant ni de dédaigneux. Ils n'entreprennent point une réforme seche, critique et hautaine, qui aille à rompre l'unité et à soutenir que l'é poux a répudié l'épouse. S'ils voient quelque abus ou quelque superstition dans les particuliers, ils en gémissent avec douceur: et le gémissement de la colombe est toujours discret et modeste; elle ne gémit que par un amour tendre et paisible. Alors de telles. ames gémissent en secret avec l'épouse, loin de pousser des cris scandaleux contre elle. Elles n'élevent jamais leur voix dans des disputes présomptueuses, elles ne disent point que l'église s'est trompée pendant divers siecles sur le sens de l'écriture, et qu'elles ne craignent point de se tromper en expliquant le

texte sacré contre la décision de cette ancienne église: au contraire, ces ames sont dociles et toujours prêtes à croire qu'elles se trompent; leur cœur n'est qu'amour et obéissance. Les dons intérieurs, loin de leur inspirer une élévation superbe et un sentiment d'indépendance, ne vont qu'à les anéantir, qu'à les rendre plus souples et plus défiantes d'elles-mêmes, qu'à leur faire mieux sentir leurs ténebres et leur impuissance, enfin qu'à les désapproprier davantage de leurs pensées. O combien ont-elles horreur du zele amer et de tous les combats de paroles! Au lieu de la dispute, elles emploient l'insinuation, la patience et l'édification; au lieu de parler de Dieu aux hommes, elles parlent des hommes à Dieu afin qu'il les touche, qu'il les persuade et qu'il fasse en eux ce que nul autre n'a pu faire. L'oraison supprime toutes les disputes. Dans la véritable oraison personne n'abonde en son sens, chacun fait taire sa propre raison. C'est l'esprit d'oraison qui est l'ame de tout le corps des fideles; c'est cet esprit unique et commun qui réuniroit bientôt à l'église mere toutes les sectes, si chacun, au lieu de disputer, se livroit au recueillement. D'un côté, voyez la pure spiritualité de saint François de Sales; de l'autre, voyez ses principes sur l'église dans ses controverses: c'est le même saint qui parle avec l'onction du même esprit de vérité dans ces deux

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