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portent des marchandises, excepté les bateliers, lorsqu'il est prouvé qu'ils transportent pour leur propre compte 1. » Les impôts n'étaient pas entièrement établis au profit du fisc; celui-ci en percevait une double part et le reste était attribué à l'État, sous réserve des besoins publics des villes et des ordres. On formait ainsi trois parts, dont deux étaient attribuées au fisc du prince depuis l'institution même de ces droits; la troisième fut donnée aux villes et municipes par Théodose et Valentinien, de telle manière que ces villes furent elles-mêmes les arbitres de leurs ressources et dépenses sans devoir se reposer sur autrui. Ces empereurs accordèrent même de placer ces droits où les municipes le croyaient le plus de leur intérêt, en respectant toutefois les droits des ordres et des cités 2.

Dans nos provinces, les péages s'établirent de bonne heure, et dans la loi salique il en est parlé comme existants d'après l'ancienne coutume, antiqua consuetudine; leur existence remontait donc à une époque reculée, soit que les péages perçus sous les Romains se fussent continués, soit que les conquérants plus récents en eussent introduit de nouveaux.

Dans les législations des barbares, comme dans la loi

1 Vectigalium enim non parva functio est, quæ debet ab omnibus, qui negotiationis seu transferendarum mercium habent curam, æquâ ratione, dependi, exceptis naviculariis, quum sibi rem gerere probabuntur.

2

(COD. THOED., Const. IV.)

Exceptis his vectigalibus quæ ad sacrum patrimonium nostrum quocumque tempore pervenerunt, cetera reipublicæ, civitatum atque ordinum æstimatis dispendiis, quæ pro publicis necessitatibus tollerare non desinunt, reserventur, quum duas portiones ærario nostro conferri prisca institutio disposuerat; atque hanc tertiam jubemus adeo in ditione urbium municipumque consistere ut proprii compendii curam non in alieno potius quam in suo arbitro noverint constitutam. Designatæ igitur consortium portionis eatenus juris ordinum civitatumque obnoxium maneat, ut etiam locandi, quanti suâ interest, licentiam sibi noverint constitutam.

romaine, c'est le chef de l'État qui seul accorde l'autorisation d'établir des péages. Dans ces lois les thelonie, les tonlieux, sont mieux séparés et désignés spécialement ; dans la loi romaine les vectigalia étaient les droits d'entrée sur les marchandises, c'est-à-dire les droits du vingtième ou du quarantième (quadragesima) et les portoria, les péages sur chemins, routes et rivières; mais nous avons vu plus haut (rescrit de Valentinien et Valens) les vectigalia s'appliquer aussi à ceux qui transportaient les marchandises, à l'exception des marins; cette exception ne pouvait s'entendre que des tonlieux, et non des droits de douane, l'arrivée par mer ne donnant nullement l'entrée libre aux produits. Nous trouvons plus tard le mot telonei, et celui-ci est écrit dans les lois et les chartes de manières très-diverses: theloneus (lex salica), theloneum (1. langobardorum), tholoneum (capitul. Caroli) tolnetum, tunleium (vers 1083), tool et tollium (charte de 1165), toolagium (sous Philippe-le-Bel), thelonagium (dans diverses bulles des papes), et en français tonnelieu et tonlieu.

La loi salique défendait que l'on exigeât de personne des tonlieux dans des lieux ouverts, là où il ne fallait pas passer l'eau dans un navire ou traverser un pont 1, et la loi des Langobards (liv. III, titre I, loi 5), réprimant la perception des tonlieux abolis, ne permet d'en lever que là où les usages anciens en avaient établi, preuve évidente de l'antiquité du péage. Et, de même que la loi des Saliens, celle des Langobards voulait que le péage fùt la rémunération d'un

Teloneus aut census non exigatur a quolibet uti nec aquam navigio aut pontem transeundum non est.

(Cap. Car. ad legem Salicam & 18) Codex legum antiquarum, Lindenbrogi. Francoforti (1613).

service, mais non une exaction odieuse. C'est ainsi que nul ne pouvait être contraint de passer un pont pour payer le tonlieu, lorsqu'il pouvait traverser le fleuve en un autre endroit et plus avantageusement pour lui; là où il n'existait ni pont ni passage, il n'était pas permis d'exiger de tonlieu 2.

Charlemagne, dans ses capitulaires, maintient les mêmes sages principes, déjà sanctionnés par Pépin. Au ch. IV, 47, il est dit : « de injustis occasionibus et consuetudinibus noviter institutis, sicut sunt tributa et thelonei in media via, ubi nec aqua nec palus, nec pons, nec aliquid tale fuerit, unde justus census exigi potest, vel ubi naves subter pontem transire solent, sive in medio flumine ubi nullum obstaculum est, ut auferantur; antiquæ autem ad nostram notitiam deferuntur. » Ainsi, point de tribut ou de péage au milieu des routes où il n'y avait ni eau, ni marais, ni pont, ni passerelle à traverser, dont on pût exiger tonlieu, ni pour les navires passant sous les ponts, ni au milieu du courant où il n'y avait aucun obstacle; c'était là réprimer les coutumes injustes récemment établies, et quant aux anciennes elles durent être déférées au chef de l'Empire.

Il dit encore, ch. 6, 219, « ut nullus homo præsumat theloneum per vias nec per villas rodaticum nec pulveraticum recipere: » Que nul ne se hasarde à prélever sur les routes, ni dans les villa (seigneuries) les péages dits rotaticus et pulveraticus.

Les deux tonlieux, dont il est ici question, sont compris

1 De teloneis quæ jam ante forbanita fuere, ut nemo tollat, nisi ubi antíquo tempore consuetudo fuerit.

Ut nullus cogatur ad pontem ire ad fluvium transeumdum propter thelonii causam, quando ille in alio loco compendiosiùs illud flumen transire potest. Similiter in campo plano ubi nec pons nec transjectus est, ibi omninò ut teloneum non exigatur præcipimus (LexLang.)

dans ceux que l'on trouve mentionnés dans d'autres actes et auxquels nous croyons devoir nous arrêter un moment, la plupart de ces péages étant peu connus, bien que grand nombre d'entre eux se soient continués jusqu'à une époque assez rapprochée de nous. Dans un acte de Dagobert, relatif à la foire de St-Denis et mentionné dans MIREUS (liv. II, c. I, dipl. belg.), nous les trouvons énoncés pour la plupart: « Theloneos vel navigios, portaticos, pontaticos, rivaticos, rotaticos, vultaticos, themonaticos, cespitaticos, pulveraticos, foraticos, mestaticos, laudaticos, saumaticos, saltuaticos omnes et ex omnibus quidquid ad partem nostram vel fisco publico de ipso mercato ex ipsâ mercimonia exactari potuerat... »

Recherchons quels furent ces divers tonlieux dont l'exemption était accordée par la charte dont nous avons transcrit cet extrait :

Navigius, perçu sur les bateaux, barques et dû pour passages des rivières, fleuves, etc.

Portaticus, portage, droit que l'on payait aux portes des villes pour l'entrée des marchandises.

Pontaticus, pontenage ou pontonage, droit levé sur les marchandises qui passaient les rivières par les bacs ou par les ponts; peut-être se confond-il avec le barrage, vignage ou vientrage, lequel se payait pour passage des ponts, entretien et sûreté des routes.

Un autre droit dit transiturus ou trasturus (droit de travers ou passage ou traite foraine, appelée aussi tryata) était prélevé sur les marchandises que l'on transportait d'une province à une autre et était également établi pour l'entretien des ponts et des routes.

Ripaticus ou rivaticus, droit perçu sur les marchandises ou denrées qui arrivaient par eau, soit, dit DUCANGE, pour entretenir les digues, soit pour l'exposition en vente sur

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les rives, soit enfin pour la faculté de longer les rives pour le halage des bateaux.

Rotaticus, rodaticus, rodagium ou roagium, péage perçu par le seigneur pour le dommage que causent sur les routes publiques les roues des voitures.

Vultaticus ressemble au précédent et se percevait pour le même objet.

Themonaticus, péage prélevé sur le timon des voitures. Cespitaticus, gazonnage, droit que les seigneurs levaient pour faire rehausser et garnir de gazon les fossés de leurs châteaux; ce n'était plus un tonlieu de la même nature que les autres et devait être dù, non par ceux qui, pour objet de commerce, traversaient les terres d'un seigneur, mais seulement par les subordonnés de celui-ci.

Pulveraticus, pulverage, tonlieu qu'on prélevait dans les foires et marchés sur les marchandises exposées en vente; dans ce sens, il existait un autre péage appelé barganaticus (Chron. Virdun. 755); mais, plus spécialement, le pulverage désigne un tonlieu perçu pour détérioration des routes et pour la poussière soulevée par les troupeaux de moutons qui traversaient les terres d'un seigneur; par extension, cet impôt se percevait pour tous troupeaux, moutons, bœufs, etc.

Foraticus, traite foraine, droit que l'on prélevait sur les marchandises à la sortie, ou bien synonyme de foragium, droit de forage, imposé par les seigneurs sur le vin vendu par les taverniers et aubergistes: « pro prelio a domino imposito vino quod a tabernariis et cauponibus distrahitur (venditur) » (Ducange).

Mestaticus, semble être un droit sur la vente des vins, correspondant à l'ancien droit de mueson.

Laudaticus, se trouve mentionné dans les actes de la première et de la seconde race; les monastères en étaient

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