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la réunion de dix familles, ou encore fribough ou frithgild, réunion d'hommes libres '.

A la suite de la transformation de ces anciennes gildes, s'établirent successivement toutes celles qui existèrent ensuite jusqu'à nos jours.

Nous sommes tenté de croire que cette antique institution a donné naissance à celle des voisinages encore en vigueur dans nos villes de Flandre, où chaque rue a son doyen, son bailli et ses divers fonctionnaires, élus par les voisins et chargés de maintenir l'ordre .

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Les cérémonies des gildes, lorsqu'elles se rendaient en cortège ou en procession, étaient analogues en Flandre et en Angleterre ; les compagnies anglaises plus riches que celles du continent possédaient un matériel complet, destiné spécialement à ces exhibitions. Aujourd'hui une des rares cérémonies où figurent encore les gildes dans leurs anciens costumes, est le cortège de l'entrée à Londres du lordmaire; ce n'est plus qu'un pâle reflet de ces solennités qui faisaient l'admiration de nos pères et qu'aujourd'hui notre siècle de progrès taxe de ridicule.

Toutes ces associations ont été comblées de priviléges par les souverains, jusqu'à ce que la révolution française du siècle dernier, en bouleversant l'ordre existant, fit partager aux gildes le sort des institutions anciennes.

En Angleterre, le beau temps des gildes fut avant Charles II. Sous ce prince, les compagnies qu'on persécutait à cause de leurs priviléges résignèrent ceux-ci entre les

1LEFILS, Les gildes de Londres, dans la Revue trimestrielle, ao 1863. TACITE, De mor. Germ.

2 Voir notre Notice sur les Voisinages de Gand, imprimée dans les Bull. de l'Acad. Roy. de Belg., 1868.

3 Voir une notice de M. Delepierre, consul belge à Londres, dans le Mess. des sciences hist. de Belg., 1845; JOHN STOWE, cité.

mains du pouvoir royal, s'en remettant complétement à sa discrétion. Leur existence est aujourd'hui aussi peu digne d'attention qu'en Flandre. Peu à peu on oubliera ces jeux du passé dont l'origine est intimement liée à l'histoire politique de deux peuples de même race.

On a pu voir par ce court aperçu que des analogies encore frappantes aujourd'hui trouvent leur raison d'être et leur origine dans l'histoire. Plus on remonte vers le berceau commun des peuples de la Bretagne et de la Belgique, plus deviennent sensibles ces antiques liens de race. Mais si aujourd'hui les anciens usages qui nous rappellent une origine commune tendent à se perdre par le frôlement des idées progressistes, des réjouissances toutes modernes et plus en rapport avec la civilisation se chargent de réunir, depuis quelques années, dans des luttes pacifiques les deux branches d'une même famille. Nous avons vu par la manière dont les Belges ont été reçus en Angleterre et les Anglais en Belgique que l'ancienne tradition de solidarité existante entre les peuples des deux rives de la mer du Nord n'est pas perdue.

LA

FONTAINE DE QUENTIN MASSYS,

A ANVERS 1.

NOTICE

par M. H. SCHUERMANS,

Membre titulaire à Liége.

« Les Anversois sont un peuple à imagination grossière, » qui ne s'est jamais occupé que d'opérations mercantiles, >> et qui, ne connaissant rien au-delà de ce qui est relatif » au commerce, y rapporte toutes ses idées et regarde » comme parfaitement inutiles toutes les connaissances qui » y sont étrangères.... >>

Assurément voilà des paroles bien dures à l'égard des habitants de la ville qui s'enorgueillit du titre de métropole de l'art flamand ; et pourtant ces paroles traînent

1 V. une notice, avec gravures, sur ce monument, dans les Annales de l'Académie d'archéologie de Belgique, I, (1865), p. 638, notice due au savant historiographe d'Anvers, M. LOUIS TORFS.

2 L. TORFS, d'après TH. VAN LERIUS, loc. cit.

Commissaires rapporteurs : MM. le chevalier L. DE BURBURE et LE GRAND.

depuis cinquante ans dans une revue française, sans qu'aucune protestation se soit encore élevée.

Oui! voilà ce qu'on dit des Anversois dans les Mémoires de la Société royale des antiquaires de France', et l'auteur de ces reproches aussi injurieux qu'injustes est M. de Fréminville, lieutenant de vaisseau, membre de la dite société et de la société philomathique de Paris.

Et à propos de quoi se permet-il de traiter avec autant de dureté les habitants d'Anvers ?

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C'est à propos de la fontaine de Quentin Massys sur laquelle M. de Fréminville s'exprime comme voici : « A l'entrée de chacun des faubourgs d'Anvers, dit-il, est une pyramide sur laquelle est sculptée assez grossièrement une main coupée au poignet, par allusion au nom de la ville. Je ferai remarquer ici que ces pyramides sont de construction moderne. Voici, selon l'opinion des Anversois (opinion qu'ils ont propagée par ignorance et généralement répandue), quel est le motif qui a déterminé leur élévation et par lequel ils expliquent l'étymologie du mot Antwerpen. »

Ici l'auteur rapporte que, d'après cette opinion, un comte d'Anvers, d'une stature extraordinaire et presque gigantesque, voyait le commerce de l'Escaut troublé par des contrebandiers, qu'il en saisit quelques-uns auxquels il fit couper la main pour effrayer les autres.

<< Telle est la fable absurde et qui, selon moi, n'explique pas le mot Antwerpen d'une manière satisfaisante, qu'ont inventée les habitants d'Anvers le nom de leur ville, disent-ils, lui fut imposé en mémoire du service que leur

1 1re année (1817), p. 391: Notice sur le géant d'Anvers et le rapport de cette tradition avec le nom de cette ville.

seigneur rendit à leur commerce en les délivrant des brigands qui y portaient atteinte.

>> Pour consacrer en quelque sorte ce conte ridicule, le sénat d'Anvers fit ériger, il y a environ une quarantaine d'années, sur la porte du port marchand, une statue colossale représentant le comte d'Anvers, armé à la romaine, tenant d'une main un large cimeterre à la moresque et de l'autre une main coupée dont la proportion est analogue aux siennes.

>> Malheureusement pour les Anversois, un autre monument plus authentique puisqu'il paraît avoir été érigé seulement soixante ou quatre-vingt ans après l'événement, monument qui existe au sein même de leur ville mais que leur insouciance leur fait méconnaître, vient démontrer l'absurdité de leur opinion relativement à l'histoire de la main coupée. Ce monument, situé sur la place et en face de la cathédrale, consiste en une espèce de baldaquin en fer d'un style gothique, surmonté d'ornements dans le même genre. Il a environ huit pieds de haut et supporte une petite statue haute de vingt pouces, et pareillement en fer, qui représente un chevalier armé de toutes pièces, appuyé sur une lance qu'il tient de la main gauche et tenant dans sa droite une main coupée de dimensions énormes, sa proportion surpassant quatre fois au moins celles de la statue.

>> Ce monument beaucoup plus ancien que le précédent, et incontestablement en rapport avec la tradition de la main coupée, prouve d'une manière irrécusable que celle que débitent les Anversois est fausse et même dénuée de toute apparence, puisqu'il démontre que c'est au géant,

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1 Souligné par M. DE FRÉMINVILLE.

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