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INTRODUCTION.

WRITERSIDEL CANE

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DE

CET ouvrage commencé il y a plusieurs années ne pouvait paraître dans des circonstances plus favorebles. L'heureuse révolution qui vient de s'opérer et qui régénère nos libertés, le renouvellement des magistrats, administrateurs et fonctionnaires publics dans presque toutes les administrations, rendaient nécessaire la réunion dans un seul cadre de toutes les lois administratives et de police.

Tous auront besoin d'un recueil de lois simplifié et d'un dictionnaire administratif qui leur facilite la recherche de la loi qu'ils auront l'occasion d'appliquer dans l'exercice de leurs fonctions.

Depuis long-temps le besoin de bonnes lois municipales, administratives et de police, en harmonie avec l'esprit du siècle et les institutions nouvelles, se fait sentir. Ces lois sont vivement réclamées de toutes parts; mais en attendant qu'elles puissent toutes êtres révisées et refondues, changées ou modifiées, il n'en faut pas moins suivre celles qui existent et qui seront en vigueur jusqu'à ce qu'elles aient été rapportées.

Le dernier gouvernement a toujours résisté à l'opinion publique, et refusé aux citoyens, qui payaient l'impôt, l'avantage de nommer eux-mêmes leurs administrateurs et d'exercer dans leur ressort une partie du pouvoir qu'ils tenaient de la loi primitive, écrite dans les anciennes chartes, et qui leur avaient été confirmées par les lois de l'assemblée constituante des 14 décembre 1789 et 16 août 1790.

Les gouvernemens qui se sont succédé depuis le consulat jusqu'à ce jour, loin de conserver aux habitans des communes les droits et privilèges qui leur étaient acquis, les en ont privés. Ils ont ramené à eux, à leur pouvoir despotique, au point central de leur gouvernement toutes les nominations, tous les pouvoirs. Ils ont tout envahi; les communes étaient dans une espèce d'interdiction; elles n'avaient plus le choix de leurs administrateurs, ni le droit de faire leurs affaires elles-mêmes.

TOME I.

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Cependant, si l'on consulte les anciennes chartes des communes sur les points les plus importans, on voit que toutes abolissaient la servitude personnelle et les taxes arbitraires, qu'elles consacraient le principe que le choix des officiers municipaux appartient aux habitans, qu'elles attachaient au pouvoir municipal la manutention des affaires de la commune, le maintien de la police et l'administration de la justice; enfin ces diplômes autorisaient les officiers municipaux à faire prendre les armes aux habitans toutes les fois qu'ils le jugeaient nécessaire pour défendre les libertés de la commune et les franchises qu'ils avaient acquises.

Les lois rendues par l'assemblée constituante ont accordé aux habitans le droit de nommer leurs maires, leurs officiers municipaux (1); les citoyens actifs d'un même canton réunis en assemblée primaire avaient aussi le droit de nommer leurs juges de paix et ses suppléans. (2)

Les législateurs d'alors ont dit: Il faut rendre aux communes le droit de régir et d'administrer leurs biens, celui de nommer ceux qui doivent être chargés de les représenter et de les défendre dans leurs intérêts communs, et de les juger. Le principe de la nomination des officiers municipaux est consacré, mais cela ne suffit pas.

L'institution des justices de paix est une mesure digne des plus grands éloges; «l'on a voulu rétablir parmi nous, dit M. Henrion de Pensey, cette magistrature des premiers âges que la confiance décernait à la vertu qui commandait par l'exemple et comprimait par la scule autorité de la raison. Ce tribunal devait être l'autel de la concorde, le peuple était appelé à le choisir, et il ne se trompait pas dans ses choix, et y plaçait le plus digne de l'occuper. »

Le juge de paix, magistrat populaire, devait faire monter avec lui sur son tribunal la franchise, la candeur, la bonnefoi, l'intégrité et surtout la pitié pour le malheur et l'indulgence pour l'égarement et les faiblesses. A sa voix les haines devaient s'éteindre, et les passions se briser à ses pieds; il devaient faire régner la paix dans les familles, et forcer les cœurs pervers à abjurer leurs coupables desseins.

Ami, arbitre, père bien plus que juge de ceux qui l'ont choisi, il doit prévenir les procès par ses conseils, les délits par

(1) 14 décembre 1789.

(2) 16 août 1790.

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sa vigilance, et si quelquefois brille dans ses mains le glaive de la justice, on doit y voir plus souvent l'olive de la paix.

Devant un pareil tribunal devait disparaître le dédale obscur de la chicane, dans lequel s'égaraient les plaideurs, les juges et la justice elle-même. A ces formes lentes qui éternisaient les procédures, il en avait été substitué de sûres et de rapides; les jurisconsultes ne devaient pas paraître à ce tribunal; les lois de cette justice n'avaient besoin d'interprètes ni de commentateurs, et telle devait être leur clarté, que le simple et droit bon sens devait suffire pour les entendre et pour les appliquer.

M. Thouret, en présentant à l'assemblée constituante le décret organique des justices de paix, disait : « Il faut que tout homme de bien, pour peu qu'il ait d'expérience et d'usage, puisse être juge de paix.....; la justice de paix sera dégagée des formes qui obscurcissent tellement les procès que le juge le plus expérimenté ne sait pas qui a tort ou raison. »

« La compétence de ces juges doit être bornée aux choses de convention très simples, et de la plus petite valeur, et aux choses de fait qui ne peuvent être bien jugées que par l'homme des champs, qui vérifie sur le lieu même l'objet du litige, et qui trouve dans son expérience des règles de décision plus sûres que la science des formes et des lois n'en peut fournir aux tribunaux.... L'agriculture sera désormais plus honorée, le séjour des champs plus recherché, les campagnes seront peuplées d'hommes de mérite dans tous les genres. »

Un autre député ajoutait : «Représentez-vous un magistrat qui ne pense, qui n'existe que pour ses concitoyens. Les mineurs, les absens, les interdits sont l'objet particulier de ses sollicitudes; c'est un père au milieu de ses enfans; il dit un mot, et les injustices se réparent, les divisions s'éteignent, les plaintes cessent; ses soins constans assurent le bonheur de tous. >>

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Nous sommes loin aujourd'hui de voir réaliser ces magnifi ques promesses, la principale cause provient de ce que les justiciables n'ont plus, comme ils l'avaient alors, le droit de nommer leurs juges de paix; on ne peut se dissimuler qu'ils ne peuvent avoir la même confiance dans un juge qui leur est imposé par gouvernement et qui leur était souvent étranger, que dans un juge de paix de leur choix. Ces choix étaient certainement meilleurs, surtout dans les cantons ruraux; parce que les juges de paix étaient nommés parmi les habitans de la campagne ils les connaissaient tous, ainsi que les usages du pays, c'était une récompense honorable que les habitans donnaient au plus mé

a.

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ritant d'entre eux, et le magistrat populaire ainsi choisi avait beaucoup plus d'influence sur eux et plus de moyens de les concilier.

Sous les divers gouvernemens qui se sont succédé depuis 1789, et même sous l'empire, les droits des habitans ont toujours été respectés. La constitution de l'an vIII, dans son art. 941, donnait au premier consul le droit de nommer les juges civils et criminels, mais exceptait formellement les juges de paix. La loi du 18 floréal an x prescrivait la mode d'élection par les citoyens du canton réunis en assemblée primaire.

Mais comme rien ne doit être stable, et que le pouvoir absolu a toujours cherché à empiéter sur le droit du peuple, le premier consul, par un sénatus-consulte du 16 thermidor an x, n'a pas, à la vérité, tout-à-fait ôté aux assemblées primaires le droit de nommer eux-mêmes leur juge de paix, mais il s'est attribué celui de nommer le président de l'assemblée du canton (art. 5), et a restreint le pouvoir de cette assemblée en ne lui accordant que le droit de désigner deux citoyens pour chaque place de juge de paix, et deux autres citoyens pour chaque place de suppléant, parmi lesquels il choisissait le juge de paix et les suppléans (art. 8).

Enfin par la charte octroyée par Louis XVIII en 1814, le roi a été plus loin, il s'est attribué par les art. 47 et 51 le droit de nommer directement les juges de paix.

Il est résulté de cet état de choses des inconvéniens graves, et beaucoup d'abus; les places étaient considérées comme vénales; elles étaient souvent accordées à la faveur plutôt qu'au mérite et à la convenance des justiciables; on y nommait des étrangers plutôt que des personnes connaissant les habitans et les usages des villes et des campagnes (1). On conçoit qu'un pareil choix de juges étrangers ne pouvait être agréable aux citoyens, et diminuait de beaucoup l'autorité du magistrat qui n'avait pas leur confiance intime, et qui perdait dès-lors toute influence sur eux. Ainsi le but de cette belle institution se trouve manqué.

Aujourd'hui que l'on doit réformer tous les abus reconnus, est-ce qu'il n'y aurait aucun moyen de rendre aux citoyens les droits qu'ils avaient de nommer leur juge de paix et ses suppléans, en vertu de l'art. 4 du titre 11 de la loi du 16 août 1790; de l'art. 2, chap. v, de la constitution du 3 septembre

(1) On a vu même à Paris que sur douze juges de paix il y en avait six qui avaient été choisis dans des départemens éloignés de la capitale.

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