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Extrait de L'UNION MÉDICALE (Troisième série)

Année 1877.

0471 F76 1878

NOURRICES

ET

NOURRISSONS SYPHILITIQUES

MESSIEURS,

Il est certaines questions et ce ne sont pas toujours les moins graves qu'on n'a guère l'occasion d'aborder à l'hôpital, et qui se présentent dans la pratique de ville d'une façon assez fréquente.

L'une de ces questions va nous occuper aujourd'hui. Elle est relative à la conduite que doit tenir le médecin, aux obligations, aux devoirs qui incombent au médecin, alors qu'il se trouve placé entre un nourrisson syphilitique et une nourrice que cet enfant a ou non infectée de syphilis.

Question grave, comme vous le pressentez par ce simple énoncé ; question s'imposant dans la pratique avec une fréquence qu'il est malheureusement impossible de méconnaître; - et néanmoins question absolument négligée dans les livres classiques, sacrifiée, omise même le plus souvent, ou tout au plus à peine indiquée.

De cette absence d'éducation sur un sujet aussi spécial résultent naturellement, pour le jeune médecin, des difficultés, des embarras, des incertitudes de plus d'un genre. De là, sans doute aussi, ces erreurs, ces défaillances, et disons le mot ces fautes, que les tribunaux, en quelques circonstances regrettables, ont pu reprocher à certains de nos confrères et dont j'aurai l'occasion de vous parler au cours de l'exposé qui va suivre.

Vous signaler les difficultés, les surprises, les écueils, qui surgiront devant vous dans les questions de ce genre; vous tracer, comme l'entendent nos maîtres et nos

lois, la ligne de conduite que vous aurez à tenir en semblable occurrence; vous ournir les enseignements ou les remarques qui ont résulté pour moi de mon expérience personnelle dans ces matières délicates; tel sera en somme, Messieurs, le sujet de notre réunion.

I

J'entre de plain pied dans la question.

Vous voici, je suppose, chez un client, dans une famille. On vous a fait mander pour un tout jeune enfant, âgé de quelques jours, de quelques semaines, de quelques mois au plus. Vous examinez cet enfant, et vous reconnaissez sur lui des signes évidents de syphilis, et d'une syphilis manifestement héréditaire.

Or, cet enfant n'a pas été nourri par sa mère. Il reçoit le sein d'une nourrice. Cette nourrice, naturellement, vous êtes appelé à l'examiner à son tour. Et alors, de deux choses l'une :

Ou bien, vous trouvez cette nourrice saine; saine, du moins en apparence et à s'en tenir aux signes négatifs actuels (vous comprendrez plus tard le motif de cette réserve);

Ou bien, vous la trouvez infectée, et infectée de telle façon qu'il ne saurait rester le moindre doute sur l'origine de sa maladie; c'est de son nourrisson, sûrement, qu'elle a reçu la contagion.

Telle se présente, je suppose, la situation, Messieurs.

En pareille circonstance, qu'avez-vous à faire? Voilà ce qu'actuellement il importe de spécifier de la façon la plus nette, la plus catégorique.

Vous avez à faire, d'abord, ce pour quoi l'on vous a mandé, ce pour quoi vous êtes consulté, à savoir: Vous occuper de l'enfant; lui prescrire un mode d'alimentation, une hygiène, un traitement.

Mais est-ce tout? Non.

Cela fait, les obligations de métier accomplies, deux devoirs s'imposent encore au médecin, au médecin vraiment digne de ce nom; - deux devoirs pour lesquels il n'a pas été mandé, que personne ne songe à réclamer de lui, dont personne ne lui saura gré, mais que sa conscience d'honnête homme rend obligatoires pour lui et auxquels il ne faillira pas; deux devoirs, relatifs l'un à la nourrice, et l'autre à la société; je m'explique.

Ce n'est pas tout, en pareil cas, que de satisfaire une famille en prenant soin de son enfant. La situation nous crée et nous impose deux autres obligations que voici. L'une, c'est de sauvegarder, si cela est possible et s'il en est temps encore, de sauvegarder, dis-je, la nourrice, menacée par l'enfant d'une contagion redoutable.

L'autre, c'est de sauvegarder la société, menacée par la nourrice. En d'autres termes, nous devons faire, d'une part, que la nourrice ne reçoive pas la syphilis de son nourrisson, et que, d'autre part, cette nourrice, si elle a eu le malheur d'être contaminée, n'aille pas à son tour déverser ailleurs la contagion.

Laissez-moi ajouter encore, pour vous donner immédiatement une idée générale de ce qui va suivre, que l'accomplissement de ces deux devoirs ne sera pas toujours chose aisée pour le médecin. Loin de là. Il se heurtera dans cette voie à nombre d'embarras et de difficultés d'un genre tout spécial; il rencontrera des résistances, des oppositions, dont il ne viendra pas à bout sans efforts, sans discussions pénibles, sans froissements, sans combats. Et, comme prix de cet honnête et utile labeur, il ne recueillera le plus souvent que peu d'honneur et de gratitude contre beaucoup d'ennuis, de tribulations et de désagréments. C'est là ce dont j'aurai toutes facilités pour vous convaincre, au détail du sujet que nous allons maintenant aborder.

II

Reprenons la question où nous l'avons laissée.

Vous êtes dans une famille, en face d'un enfant syphilitique d'une part (syphilitique héréditairement, bien entendu), et d'autre part d'une nourrice, qui ou bien est encore saine, ou bien a déjà reçu l'infection de l'enfant.

Que devez-vous faire, qu'avez-vous à faire? Tel est le problème qui se présente à débattre.

Divisons d'abord les cas, comme la pratique même les divise, et discutons séparément la conduite à tenir dans ces deux alternatives, dans les deux seules alternatives possibles, à savoir:

1o Nourrice encore saine;

20 Nourrice déjà contaminée.

III

Premier ordre de cas: Enfant syphilitique et nourrice saine.

Ceci est le cas le plus simple. Car, aussi nette, aussi formelle que possible est la conduite à tenir en pareille occurrence. Et cette conduite se résume en ceci :

Séance tenante, faire suspendre l'allaitement de ce nourrisson syphilitique par cette nourrice saine.

Sans la moindre hésitation, sans le moindre retard, le médecin doit empêcher que cette nourrice saine continue un instant de plus à donner le sein à cet enfant syphilitique.

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