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teurs d'académie et les hommes de salon continuaient sans doute à discuter le fait accompli, à en étudier, au point de vue de la théorie ou du droit, la légitimité ou l'origine, Pour les masses, qui n'analysent pas les idées, mais qui raisonnent par le sentiment et l'instinct, l'empire représentait une revanche nationale d'humiliations non encore oubliées, une compensation glorieuse, quoiqué pacifique, des anciens désastres, et cette forme de gouvernement, reparaissant à son heure, après tant de luttes à peine éteintes, semblait la plus appropriée de toutes au besoin d'un pouvoir uni et fort, destiné à sauvegarder les intérêts du peuple. Bon gré mal gré, la démocratie s'incarnait de nouveau en la personne d'un homme..

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Same XXXII

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L'avénement de Napoléon III fut signalé par les mesures de clémence, les grâces collectives, les commutations de peines que tout gouvernement pénétré de sa force croit devoir accorder aux vaincus. Le moment de la conciliation n'était pas venu; les partis, qui ne déposent jamais leurs rancunes ou leurs colères, même quand ils se laissent arracher leurs armes, frémissaient encore de toutes les haines des dernières années et n'adhéraient nullement aux faits nouveaux. Le gouvernement n'osa entrer dans la voie d'une complète amnistie et ne put effacer, comme il l'aurait voulu, toutes les traces fumantes encore de nos guerres civiles. Il en appela à la raison et au

1851-1852]

MESURES DE CLÉMENCE RÉFORMES.

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temps. Les partis ont la vie dure, et, de leur côté, sans abdiquer, sans se soumettre, ils se résignèrent à attendre leur revanche.

On étudia des questions dont l'examen fit un moment diversion aux préoccupations politiques sociales. Comme on l'a vu plus haut, la loi du 15 mars 1850, qui avait organisé la liberté de l'enseignement, avait déjà été amendée et remaniée ; une nouvelle réglementation des études proposée par M. H. Fortoul, ministre de l'instruction publique, fut adoptée sans rencontrer d'opposition bien marquée. Une seule partie avait soulevé quelques critiques, c'était le système de la bifurcation des études. Ce système, emprunté à la loi du 11 floréal an X, ouvrait, dans les lycées, à la suite de l'enseignement élémentaire, deux routes distinctes, l'une pour les lettres, l'autre pour les sciences. De là deux enseignements différents, l'un spécial pour les sciences, avec des notions suffisantes des lettres, l'autre spécial pour les lettres, avec une teinture superficielle des sciences. D'après le nouveau système la distinction entre les divisions de grammaire et des lettres était abolie. Le baccalauréat correspondrait aux deux grandes directions des études, et l'examen, fait sur des matières plus restreintes, serait plus sérieux. Les programmes des cours de l'enseignement supérieur devaient être soumis à l'approbation de l'autorité centrale, et on ne verrait plus se renouveler ces scandales qui introduisaient la politique et les questions sociales dans l'enseignement du Collège de France. Quant aux professeurs des facultés, on leur assurait un auditoire en

obligeant les élèves des facultés de droit à suivre les cours des facultés de lettres.

XXXIII

Le gouvernement avait essayé, en 1852, d'éloigner de France certaines catégories d'individus dont la présence est un danger permanent pour la sécurité des familles; les malfaiteurs, les repris de justice dangereux, les forçats avaient été désignés pour servir en quelque sorte d'essais à un nouveau système de colonisation, pour transporter à Cayenne une population de convicts qui seraient peu à peu à peu moralisés par le travail et appelés, lorsqu'ils s'en rendraient dignes, à la condition de propriétaires, de colons libres, patronnés, encouragés, aidés par le gouvernement de la métropole. Cette entreprise, qui se continue de nos jours, au prix de sacrifices très-sérieux et pour la réalisation d'une pensée humaine et prévoyante, ne donna lieu, au début, qu'à des tentatives assez mal dirigées et qui furent contrariées par l'insalubrité du

climat de la Guiane.

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La petite colonie de Mayotte, sans importance territoriale, commençait à prospérer depuis que vernement avait pris possession de cette île en 1843. Comme base de colonisation, Mayotte n'offre, à cause de sa faible étendue, qu'une valeur secondaire. C'est un terrain de soulèvement récent, d'une forme allongée, qui représente environ quarante mille hectares de superficie, limités dans une longueur de vingt et un milles et une largeur variable de trois à neuf milles.

1851-1852]

PÉNITENCIERS.

COLONIES.

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Les points culminants qui la dominent étendent irrégulièrement dans tous les sens leurs nombreux contre-forts, entre lesquels s'ouvrent de riches vallées, où de grands amas de terreau, de détritus et de poussière végétale, présentent des éléments de fertilité que l'on chercherait vainement à épuiser. Des cours d'eau assez nombreux, peu profonds, mais qui n'assèchent jamais, serpentent du sommet des montagnes à la mer; des arbres en grand nombre, des cocotiers, des tacamakas, des tamariniers, enlacés par de fortes lianes, élèvent leur tête au-dessus d'innombrables arbustes, impénétrable rempart vivifié chaque saison par la pluie et le soleil. La surface de l'île offre peu de plateaux. Le sol y est extraordinairement tourmenté; les pluies dénudent incessamment les pentes, et chaque trou, chaque interstice est le réservoir d'un terrain d'alluvion toujours riche et d'une facile exploitation.

Le gouvernement attacha une importance plus sérieuse à Sainte-Marie de Madagascar, île de peu d'étendue, que sépare du pays des Hovas un canal à peine large de deux ou trois lieues. La population indigène de Sainte-Marie s'accroissait chaque année, grâce à l'arrivée des naturels de Madagascar qui fuyaient la domination cruelle de Ranavalo. SainteMarie était pour la France une position stratégique d'où, à un moment donné, nos troupes pourraient prendre leur revanche de l'échec de Tamatave.

Notre protectorat de Tahiti ne rencontrait plus d'obstacle; l'Angleterre comprenait bien que le temps était passé pour elle de soutenir les insolentes ma

nœuvres d'un Pritchard, et l'influence française dominait sans rivale sur le petit archipel des îles de la Société. Nos établissements des Indes-Orientales n'étaient le théâtre d'aucun incident digne de mention, mais notre domination continuait à prendre une extension rapide au Sénégal, sur la côte d'Or et dans les parages insalubres de l'Afrique occidentale...

XXXIV

En Algérie nous n'avions plus à combattre le redoutable Abd-el-Kader. Cet opiniâtre ennemi, conduit prisonnier en France, avait été généreusement rendu à la liberté par l'empereur et s'était retiré dans l'Asie-Mineure. L'année 1851 avait été marquée par l'expédition du général de Saint-Arnaud dans la Kabylie de l'est et par celle du général Camou dans l'Oued-Sahel. Elle avait été terminée par les opérations du général Pélissier dans le Djurjura, contre BouBaghrla, qui, repoussé de l'Oued-Sahel, avait excité l'insurrection jusque parmi les tribus qui couronnent la rive droite de l'Isser. L'expédition de Kabylie, énergiquement conduite par le général de Saint-Arnaud, porta ses fruits. L'est de la province d'Alger était complétement dégagé de préoccupations, et chacun y avait repris ses habitudes commerciales ou agricoles. Les tribus même châtiées avec le plus de vigueur reconnaissaient aujourd'hui toute l'inutilité d'une lutte contre nous et s'occupaient à réparer les maux de la guerre. En 1852 le général Bosquet battit, à plusieurs reprises, Bou-Baghrla, l'un des chefs ennemis

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