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CONSEILS DU PAPE AUX ÉVÊQUES.

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les lettres et dans les sciences, consacrent leurs veilles à écrire des livres et des journaux pour que la doctrine catholique soit propagée et défendue, pour que les droits vénérables de ce Saint-Siége et ses actes aient toute leur force, pour que les opinions et les sentiments contraires à ce SaintSiége et à son autorité disparaissent, pour que l'obscurité des erreurs soit dissipée et que les intelligences soient inondées de la douce lumière de la vérité. Il sera donc de votre sollicitude et de votre charité épiscopale d'exciter ces hommes catholiques, animés d'un bon esprit, pour qu'ils continuent toujours à défendre plus ardemment la cause de la vérité catholique avec zèle et justesse; il sera aussi de votre sollicitude et de votre charité épiscopale de les avertir prudemment avec des paroles paternelles, si, dans leurs écrits, il leur arrive de manquer en quelque chose.

«< Au surplus, votre sagesse n'ignore pas que tous les ennemis les plus acharnés de la religion catholique ont toujours fait, quoique vainement, la guerre la plus violente contre cette chaire du bienheureux prince des apôtres, sachant fort bien que la religion elle-même ne pourra jamais ni tomber ni chanceler tant que demeurera debout cette chaire, qui est fondée sur la pierre que les portes superbes de l'enfer ne vaincront point et dans laquelle est l'entière et parfaite solidité de la religion chrétienne. C'est pourquoi, fils bien-aimés et vénérables frères, nous vous le demandons de tout notre pouvoir, conformément à la grandeur de la foi que vous avez dans l'Église et à l'ar

deur de votre piété pour cette chaire de Pierre, ne cessez jamais d'appliquer, d'un seul cœur et d'un seul esprit, tous vos soins, toute votre vigilance, tous vos travaux à ce point surtout, de sorte que les populations fidèles de la France, évitant les erreurs et les piéges que leur tendent des hommes perfides, se fassent gloire d'adhérer fermement et avec constance à ce siége apostolique par un amour et un dévouement chaque jour plus filial, et de lui obéir, comme il est juste, avec le plus grand respect. Dans toute l'ardeur de votre vigilance épiscopale, ne négligez donc jamais rien, ni en actions, ni en paroles, afin de redoubler de plus en plus l'amour et la vénération des fidèles pour le Saint-Siége, et afin qu'ils reçoivent et qu'ils accomplissent avec la plus parfaite obéissance tout ce que ce Saint-Siége enseigne, établit et décrète.... »

XXXVIII

Vers le même temps un décret émané de Rome donna aux évêques de France une direction en ce qui se rattachait à la mission des écrivains catholiques et aux règles de prudence et de circonspection que ces mêmes littérateurs devaient observer. Ce décret, provoqué par les attaques dirigées contre le journal l'Univers, renfermait les passages ci-après :

« On voit de nos jours un grand nombre d'écrivains catholiques, ecclésiastiques et laïques, s'empresser de payer le tribut à la religion par des livres et même par des feuilles périodiques. Cette ardeur à écrire peut faire beaucoup de bien ou beaucoup de

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« Au milieu de la fermentation des esprits sont survenues, il y a plusieurs années, des choses blâmables et même déplorables, qui ont fait gémir l'Église de Jésus-Christ. Ensuite se sont montrés aussi, de divers côtés, des défauts et des taches qui ont certainement fait tort à des controverses utiles. Mais il a été fait davantage encore pour le bien et l'avantage de l'Église, et peut-être quelques esprits en ont-ils trop perdu le souvenir.

« Si nous revenons par la pensée au commencement de cette période où l'ardeur des discussions a prévalu, nous verrons qu'alors, dans votre pays, dominaient, soit chez les fidèles, soit parmi une partie du clergé, des opinions malheureuses plus ou moins opposées aux prérogatives du Saint-Siége, et qui fournissaient aux ennemis de l'Église des armes pour opprimer sa liberté, opinions transmises à notre siècle par le siècle précédent. Or, peu à peu, grâce à une discussion énergique, les préjugés se sont dissipés, les saines opinions se sont ranimées et ont prévalu.

<< Il faut se rappeler aussi la célèbre lutte des écrivains catholiques contre cet état de choses persistant et déjà comme invétéré, qui, foulant aux pieds la liberté de l'Église dans l'éducation de la jeunesse, préparait pour un terme peu éloigné la ruine inévi

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table de la religion en France. Cette lutte, soutenue pendant un long espace de temps, a tellement remué les esprits des catholiques, leur volonté, sous la direction de l'épiscopat, s'est tellement accrue et fortifiée, que le pouvoir politique a fini par lui céder. La machine dont la compression étouffait partout la vie s'est disloquée, et un champ plus libre a été ouvert à la réédification chrétienne.

« Il ne faut pas oublier non plus quelles idées dominaient, il n'y a pas bien longtemps encore, sur les questions liturgiques. On ne connaissait presque pas les constitutions apostoliques touchant ces matières; on avait une répugnance préconçue contre la liturgie romaine, et la science ecclésiastique était tellement oblitérée sur certains points que la liberté si dangereuse de fabriquer des livres liturgiques particuliers, ou de les changer à volonté, était considérée par beaucoup de gens comme l'état normal et régulier. Tout le monde sait que c'est à une salutaire controverse qu'il faut attribuer, en grande partie, les lumières jetées sur cette question et le mouvement des esprits, en présence duquel tant d'évêques et de synodes ont pu faire exécuter plus facilement les constitutions apostoliques relatives à la liturgie.

<< Dans ces conflits il arriva souvent, et ceci ne doit pas être mis en oubli, que les écrivains dont les efforts tendaient à amener un meilleur état de choses sur les points en question voyaient des hommes, même pieux, les traiter de zélateurs emportés, non seulement à cause de quelques exagérations et de quelques vivacités excessives qu'on pouvait, en effet,

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INSTRUCTIONS DU SOUVERAIN PONTIFE.

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leur reprocher, mais à cause du fond même de la cause qu'ils soutenaient. L'événement a prouvé que ces accusations n'étaient pas conformes à l'équité, puisqu'il est évident aujourd'hui que les efforts qui avaient donné lieu à toutes ces inculpations ont enfin abouti à cet heureux résultat dont le Saint-Siége apostolique et l'Église se réjouissent. Si tout le monde voulait bien avoir présente à l'esprit cette importante expérience, on résisterait plus aisément à l'entraînement irréfléchi qui fait lancer des accusations de la même espèce, ce dont aujourd'hui encore quelques personnes ne s'abstiennent peut-être pas. Mais, pour conserver plus sûrement l'équité à l'égard des écrivains catholiques, il faut, avant tout, prendre garde que l'Église a toujours entendu laisser aux auteurs qui n'enfreignent pas les règles relatives à la doctrine, aux bonnes mœurs et au gouvernement ecclésiastique, la jouissance d'une liberté convenable dans les contro

verses.

« L'obéissance catholique consiste dans une soumission légitime des esprits, et non dans une compression arbitraire. S'il est nécessaire que tout ce qui est sanctionné par l'autorité de l'Eglise reste à l'abri de toute atteinte, il est aussi équitable et utile, ces limites étant posées, qu'il y ait des controverses dont l'effet, à la longue, est d'amener ou de réaliser le développement de la science ecclésiastique. Plus il importe de maintenir avec fermeté dans nos diocèses les lois destinées à réprimer la licence, et plus il est nécessaire d'user d'une grande modération à l'égard des écrivains recommandables, afin de leur assurer,

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