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tinople pour accorder l'émancipation des chrétiens de son empire. Cette concession, que devait trop souvent neutraliser ou amoindrir l'intolérance de la race turque, était l'un des plus beaux résultats de la guerre d'Orient, et les catholiques, soumis à la domination de la Porte Ottomane, l'acceptaient avec joie et confiance, comme une charte consacrant leurs droits et leurs priviléges (18 février 1856).

XL

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Le congrès de Paris avait résolu toutes les questions qui se rattachaient à la guerre d'Orient, réservant toutefois certains détails de l'organisation des provinces moldo-valaques. Là ne se borna pas la mission de cette haute conférence qui représentait en quelque sorte les principaux intérêts européens. Dans sa séance du 9 avril, elle permit que la question italienne fût introduite parmi celles dont la solution devait être diplomatiquement étudiée. Comme cette discussion fut l'avant-coureur des graves événements sous le poids desquels l'Église se trouve encore placée et qui réagirent profondément sur la situation de l'Europe, nos lecteurs ne s'étonneront pas de nous voir entrer à ce sujet, dans quelques développements destinés à servir de point de départ aux transformations politiques et internationales dont nous n'aurons que trop à faire le récit.

Le représentant de la France, M. le comte Walewski, exprima d'abord le désir que les membres du congrès de Paris, avant de se séparer, échangeassent

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n'avoir

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leurs idées sur différents sujets qui demandaient des solutions, et dont il pouvait être utile de s'occuper, afin de prévenir de nouvelles complications. Il ajouta que le congrès, quoique réuni spécialement pour régler la question d'Orient, pourrait se reprocher de pas profité de la réunion des représentants des grandes puissances, pour élucider certaines questions, poser certains principes, exprimer des intentions dans le but d'assurer le repos du monde et de dissiper les nuages que l'on voyait poindre dans la sphère des choses politiques. Encouragé par l'assentiment de plusieurs membres du congrès, M. Walewski appela l'attention des plénipotentiaires sur la situation anormale des États pontificaux, dont la sécurité ne pouvait être garantie qu'à l'aide des contingents armés de la France et de l'Autriche ; il exposa que la France, en maintenant ses troupes à Rome, à la demande expresse du Saint-Siége, agissait à la fois comme puissance catholique et comme puissance européenne; que le titre de fils aîné de l'Église, dont se glorifiait l'empereur, faisait à Napoléon III un devoir de prêter aide et soutien au souverain pontife; que la tranquillité des États romains, dont dépendait celle de l'Italie, touchait de trop près au maintien de l'ordre en Europe, pour que la France n'eût pas un intérêt majeur à y concourir : il fit d'ailleurs observer qu'on ne pouvait méconnaître ce qu'il y avait d'anormal dans la situation d'une puissance qui, pour se maintenir, avait besoin d'être soutenue par des troupes étrangères. A cet égard, M. le comte Walewski n'hésita pas à affirmer, et il espérait que le représentant de l'Au

triche s'associerait à cette déclaration, que la France était prête à retirer ses troupes de Rome, mais qu'elle appelait de tous ses vœux le moment où elle pourrait le faire sans compromettre la sécurité du gouvernement pontifical, à la prospérité duquel l'empereur, son auguste souverain, ne cesserait jamais de prendre le plus vif intérêt.

Poursuivant le même ordre d'idées, M. le comte Walewski se demandait s'il n'était pas à souhaiter que certains gouvernements de la Péninsule italique, appelant à eux, par des actes de clémence bien entendus, les esprits égarés et non pervertis, missent fin à un système qui allait directement contre son but, et qui, au lieu d'atteindre les ennemis de l'ordre, avait pour effet d'affaiblir les gouvernements et de donner des partisans à la démagogie. Dans son opinion, c'eût été rendre un service signalé au gouvernement des DeuxSiciles, aussi bien qu'à la cause de l'ordre dans la Péninsule italienne, que d'éclairer ce gouvernement sur la fausse voie dans laquelle il s'était engagé. Le ministre pensait que des avertissements conçus dans ce sens et provenant des puissances représentées au congrès seraient d'autant mieux accueillis, que le cabinet napolitain ne saurait mettre en doute les motifs qui les auraient dictés.

M. le premier plénipotentiaire de la Grande-Bretagne ne crut pas utile de s'enquérir des causes qui avaient amené des armées étrangères sur plusieurs points de l'Italie; mais il déclara qu'en admettant même que ces causes fussent légitimes, il n'en était pas moins vrai qu'il en résultait un état anormal, ir

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régulier, qui ne pouvait être justifié que par une nécessité extrême, et qui devait cesser dès que cette nécessité se ferait moins impérieusement sentir; que cependant, si on ne travaillait pas à mettre un terme à cette nécessité, elle continuerait d'exister; que, si on se contentait de s'appuyer sur la force armée, au lieu de chercher à porter remède aux justes causes de mécontentement, il était certain qu'on rendrait permanent un système peu honorable pour les gouvernements, et regrettable pour les peuples. Il ajouta que l'administration des États romains offrait des inconvénients d'où pouvaient naître des dangers que le congrès avait le droit de chercher à conjurer; que les négliger, ce serait s'exposer à travailler au profit de la révolution que tous les gouvernements condamnent et veulent prévenir. Le problème qu'il était urgent de résoudre, consistait à combiner, selon lui, la retraite des troupes étrangères avec le maintien de la tranquillité; et cette solution reposait dans l'organisation d'une administration qui, en faisant renaître la confiance, rendrait le gouvernement indépendant de l'appui étranger; cet appui ne réussissant jamais à maintenir un gouvernement auquel le sentiment public est hostile, il en résulterait, dans son opinion, un rôle que la France et l'Autriche ne voudraient pas accepter pour leurs armées. Le représentant de la Grande-Bretagne insista donc pour la prompte sécularisation du gouvernement pontifical, ce qui lui semblait facile, sinon à Rome, du moins dans les Légations. M. le premier plénipotentiaire de la Grande-Bretagne fit remarquer que, depuis huit ans, Bologne

était en état de siége, et que les campagnes étaient tourmentées par le brigandage. On pouvait espérer, pensait-il, qu'en constituant, dans cette partie des États romains, un régime administratif et judiciaire à la fois laïque et séparé, et qu'en y organisant une force armée nationale, la sécurité et la confiance s'y rétabliraient rapidement, et que les troupes autrichiennes pourraient se retirer avant peu, sans qu'on eût à redouter le retour de nouvelles agitations; c'était du moins une expérience qu'à son sens on devait tenter; et ce remède, offert à des maux incontestables, devait être soumis par le congrès à la sérieuse considération du pape.

En ce qui concernait le gouvernement napolitain, le premier plénipotentiaire de la Grande-Bretagne désirait imiter l'exemple que lui avait donné M. le comte Walewski, en passant sous silence des actes qui ont eu un si fâcheux retentissement. Il était d'avis qu'on devait, sans nul doute, reconnaître en principe qu'aucun gouvernement n'a le droit d'intervenir dans les affaires intérieures des autres États; mais il croyait qu'il est des cas où l'exception à cette règle devient également un droit et un devoir. Lé gouvernement napolitain lui semblait avoir conféré ce droit et imposé ce devoir à l'Europe; et, puisque les gouvernements représentés au congrès voulaient tous, au même degré, soutenir le principe monarchique et repousser la révolution, on devait élever la voix contre un système qui entretenait au sein des masses, au lieu de chercher à l'apaiser, l'effervescence révolutionnaire, « Nous ne voulons pas, disait-il, que

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