Images de page
PDF
ePub

1856-1858]

LES ANGLO-FRANÇAIS EN CHINE.

333

Le 12 mai 1858, date assignée par les plénipotentiaires européens à la clôture des négociations, lord Elgin et le baron Gros n'avaient encore pu obtenir que des réponses évasives; le 20 mai, après s'être entendus avec les amiraux, ils exigèrent, pour garantie de la sécurité de leurs nationaux, la remise des forts chinois, construits sur les deux rives du Peï-Ho; leur sommation fut remise au commandant ennemi vers sept heures du matin. A dix heures, aucune réponse n'ayant été faite, les Français attaquèrent et prirent d'assaut les forts de la rive droite, tandis que les Anglais se rendaient maîtres des forts de la rive gauche. Les Chinois, contre leur coutume, se défendirent avec courage, et nos braves troupes eurent à essuyer des pertes regrettables. Les forts une fois pris, les amiraux alliés remontèrent le fleuve jusqu'à Tien-Tsin où se rendirent ensuite, sous la protection de leurs canonnières, lord Elgin et le baron Gros. La cour de Pékin, intimidée, envoya deux plénipotentaires, et bientôt après (26 et 27 juin) deux traités furent signés entre la Chine et les grandes puissances occidentales. Ces traités donnaient à l'Angleterre et à la France le droit d'avoir un ambassadeur à Pekin; ils ouvraient cinq nouveaux ports au commerce européen et garantissaient la liberté de l'exercice de la religion chrétienne dans tout l'empire. Mais les Chinois ne les avaient signés que pour gagner du temps. L'échange des ratifications devait se faire à Pékin dans le délai d'un an. Lorsque les envoyés de la France et de l'Angleterre se présentèrent à l'embouchure du Peï-Ho, pour se rendre à Pékin, l'entrée de la rivière leur fut refusée (21 juin 1859), et l'a

miral anglais James Hope, qui entreprit de forcer le passage, se vit accueilli par le feu de Ta-Kou, qui le força de se retirer (25 juin). Cette indigne violation des traités ne pouvait rester impunie, et nous ne tarderons pas à raconter comment l'Angleterre et la France, à l'aide de leurs vaillantes armées, réussirent à châtier les barbares et à leur faire expier les persécutions et les sanguinaires violences dirigées contre les chrétiens.

XI

Les victoires remportées sur les armées du CélesteEmpire par quelques intrépides soldats de l'Europe occidentale n'avaient pas laissé d'avoir beaucoup de retentissementdans l'empire du Japon. Là aussi, un gouverne men tbarbare et des populations païennes courbées sous un despotisme aveugle, redoutaient d'être, d'un jour à l'autre, en butte aux attaques des chrétiens. Un parti s'était formé, à la cour de Jeddo, qui voulait abaisser les barrières élevées, depuis trois siècles, entre l'empire japonais et les gouvernements étrangers. Ce parti occupa un moment le pouvoir et en fut ensuite chassé par la vieille faction qui voulait continuer les habitudes traditionnelles. Deux frégates anglaises, le Furious et la Retribution, apparurent alors en vue de la capitale et intimidèrent les rétrogrades. Lord Elgin, représentant de la reine Victoria, descendit à terre, en grande pompe, et s'installa dans un temple: la ville de Jeddo, peuplée de plus de deux millions d'âmes et se développant sur une surface de cent

1856-1858]

LES ANGLO-FRANÇAIS AU JAPON.

335

milles carrés, se prononça pour un système qui permettrait au commerce du pays d'entrer en rapports d'échanges avec le commerce européen. Après quatorze jours de négociations, un traité fut conclu entre l'envoyé de la Grande-Bretagne et le souverain du pays, et on y stipula que plusieurs ports seraient ouverts aux étrangers, et que des ambassadeurs et des consuls seraient accrédités au Japon par l'Angleterre (26 aout 1858). De semblables concessions furent accordées au baron Gros, représentant de la France (12 octobre).

XII

La confédération germanique, tout en applaudissant aux mesures qui avaient mis fin à la guerre d'Orient, n'avait pas vu sans déplaisir l'influence française grandir à ce point, en Allemagne, que l'Autriche se trouvait en quelque sorte traînée à la remorque de notre politique, tandis que la Prusse avait été, pendant quelque temps, exclue du privilége de prendre part aux délibérations du congrès de Paris. Comme des difficultés d'une nature fort délicate s'étaient élevées entre la Prusse et la confédération helvétique au sujet de Neufchâtel, l'Allemagne s'inquiétait en apprenant que la cour de Berlin avait confié cette affaire à la médiation de la France. A ses yeux, c'était là dénaturer les rapports de la Prusse vis-à-vis du corps germanique lui-même. La diète prit à cet égard une résolution qui fut accueillie avec reconnaissance par l'envoyé de la Prusse

auprès la confédération : ce diplomate était M. le comte de Bismarck dont le nom ne tardera pas à reparaître. Vigilante dans les questions qui touchaient aux interêts de l'Allemagne à l'étranger, la diète germanique s'attachait, avec une persévérance louable, à faire prévaloir dans l'intérieur même des États allemands des tendances vers l'unité; elle cherchait à soumettre à ce régime toutes les questions pratiques, tout ce qui avait rapport au commerce, à la langne, aux chemins de fer, au système monétaire. Mais si l'Allemagne tendait de plus en plus, notamment par le Zollverein, à l'unité matérielle, elle continuait à être partagée entre deux ou trois volontés puissantes dans les questions politiques, et obéissait alternativement à l'impulsion opposée que lui imposaient, chacune à son point de vue, la cour de Berlin et celle de Vienne.

Ces deux cours voyaient surgir entre elles, prématurément et sans qu'il y eût encore motif de rupture, des causes de rivalité et de conflit attestant à l'Europe que la question de prépondérance ne tarderait pas à se poser. Tout servait de prétexte à ces préparatifs de lutte tantôt il s'agissait du droit, admis : par les traités de 1815, d'établir des garnisons mixtes dans les forteresses fédérales, telles que Rastadt et Mayence; tantôt on contestait à la Prusse la faculté de faire passer librement ses troupes à travers les États fédéraux, dans le cas où il s'agirait pour elles de pénétrer en Suisse; tantôt on se demandait quelle attitude il convenait de prendre à propos du long et inextricable différend qui existait entre la couronne de Danemark et les duchés allemands, si mal

1856-1858] DANEMARK, CONFÉDÉRATION GERMANIQUE. 337 heureusement associés, par les traités de 1815, aux destinées de la dynastie danoise. La Prusse et l'Autriche étaient d'accord pour saisir la diète du jugement définitif de la querelle; la cour de Copenhague déclinait à cet égard la compétence de l'assemblée de Francfort. Peut-être le Danemark songeait-il à saisir de ce litige les grandes puissances européennes, tandis que la Prusse, l'Autriche et la diète elle-même voulaient que la question demeurât exclusivement germanique. La Russie se rangea aussi à cette opinion; on eût dit qu'elle voulait empêcher l'Angleterre et la France de se poser comme médiatrices dans le débat, et de venir en aide au Danemark contre l'Allemagne, comme elles étaient intervenues en faveur de l'empire ottoman contre la puissance russe.

L'Autriche signa avec le Zollverein une convention relative à l'unité monétaire, bienfait dont l'Allemagne est frustrée; on essaya de s'entendre sur l'élaboration d'un code uniforme de commerce pour la confédération, mais la rivalité des deux grands États de l'Allemagne se manifesta à cette occasion de telle manière que le projet fut ajourné.

Le 14 janvier 1858, la diète de Francfort s'étant déclarée compétente pour traiter de la question du Lauenbourg et du Holstein, un rapport lui fut soumis par M. le baron de Schrenck, concluant à une notification à adresser au roi de Danemark, en vue d'obtenir de ce prince, pour les duchés, « un état de choses d'accord avec les lois constitutionnelles de la confédération germanique et les promesses ayant pour objet l'indépendance des constitutions, et l'adminis

HIST. CONTEMP. -T. VIII.

22

« PrécédentContinuer »